Le retour raté au pays natal

Le 3 juillet…Virginie, USA

Le retour au pays ( pas pour moi en tout cas)

(Les vacances? En France peut-être…., ici , c’est la veille de la fête nationale, demain 4 juillet..avec les cas de Coronavirus en hausse, ça va pas être triste; en tout cas il y aura des feux d’artifices ce soir)

On arrive au chapitre 6… même si ça ne veut pas dire grand chose …par contre la coupure avec le récit précédent est évidente : pas d’indication de temps précise mais on change de lieu et Jésus maintenant n’est pas n’importe où, il est de retour “chez lui” sans que le chez lui ne soit nommé expressément ( Nazareth, disent certains) . Comme d’habitude pas d’explication pour la raison de son retour  (mais on n’en a pas besoin) la seule mention est  que les disciples sont venus avec lui.
Jésus partit de là, et se rendit dans sa patrie. Ses disciples le suivirent.

Quand le sabbat fut venu, il se mit à enseigner dans la synagogue. Beaucoup de gens qui l’entendirent étaient étonnés et disaient: D’où lui viennent ces choses? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et comment de tels miracles se font-ils par ses mains?

N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de Joses, de Jude et de Simon? et ses soeurs ne sont-elles pas ici parmi nous? Et il était pour eux une occasion de chute.

Mais Jésus leur dit: Un prophète n’est méprisé que dans sa patrie, parmi ses parents, et dans sa maison.

Il ne put faire là aucun miracle, si ce n’est qu’il imposa les mains à quelques malades et les guérit.

Et il s’étonnait de leur incrédulité.

On ne sait pas quand il est arrivé sauf que le jour du sabbat, il se rend à la synagoge et il est facile d’imaginer que beaucoup seraient venus pour savoir ce qu’il allait dire et ce qu’il allait faire car certainement sa réputation l’avait précédé.. en tout cas si l’on en croit les chapitres précédents où l’on nous raconte que sa mère et ses frères étaient venus le chercher préoccupés par ce qu’ils avaient entendu dire de lui. “Les parents de Jésus, ayant appris ce qui se passait, vinrent pour se saisir de lui; car ils disaient: Il est hors de sens” (3:21) Les gens qui le connaissaient auraient été curieux de le voir et l’écouter et seraient venus en grand nombre mais…. ça le texte ne le dit pas

En tout cas leur réaction d’ étonnement mais aussi de rejet me semble tout à fait naturelle..

( Pour quelqu’un comme moi qui ait fait des retours au pays … il m’est facile d’imaginer les commentaires suscités par l’envie ou la jalousie face au fils du pays qui revient auréolé de sa réussite avec son fan club, les disciples! Commentaires du style… mais pour qui il se prend celui-là? il prend des grands airs…ici il ne peut pas la ramener, on sait exactement qui il est…un simple charpentier…)
N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de Joses, de Jude et de Simon? et ses soeurs ne sont-elles pas ici parmi nous? Et il était pour eux une occasion de chute.

(Certaines variations disent, fils du charpentier)

Alors si le nom de la ville n’est pas donné par contre le nom de sa mère et de ses frères le sont (pas du père …. il est totalement absent chez Marc…ni de ses soeurs.. les frères sont-ils nommés parce qu’ils auront  un rôle plus tard dans les communautés naissantes et qu’ils auraient été connus de l’audience?)  En tout cas évidemment si l’on croit en la virginité perpétuelle de Marie ( qu’elle est restée vierge après  la naissance de Jésus ce qu’enseignent les églises orthodoxes et catholiques) on va mentionner que les termes de frères et soeurs peuvent se comprendre en termes de cousins….mais étant donné que Marc ne parle même pas de la naissance virginale de Jésus, à l’époque où cet évangile a été écrit, la question n’aurait ni fait polémique, ni retenu l’attention des auditeurs

Le Jésus historique?

En plus d’être naturelle la réaction de ceux qui ont vu grandir  Jésus nous rappelle son existence réelle et  leur regard sceptique et intrigué nous permet d’entrevoir le visage du Jésus “dit historique”, en quelque sorte… un homme plus qu’ ordinaire, identifié comme fils de…ou frère de … originaire de… qui n’est ni une figure mythique ni un super héros. Après tous ces événements miraculeux avec lesquels il est associé dans les épisodes précédents,  tout à coup on voit un Jésus d’avant le baptême, dépouillé de ses atours d’homme qui fait des miracles… le vrai Jésus?

Et c’est là toute l’ambiguïté et la difficulté de la recherche du Jésus dit “historique”, car certainement les foules qui l’accompagnaient et qui l’adulaient qui le voyaient guérir, faire des miracles et chasser démons, étaient aussi ancrées dans le réel  que ceux qui l’avaient vu grandir et leur regard sur Jésus n’était pas moins valide ou “historique” … et  c’est ce paradoxe que ce texte met en évidence, celui des deux Jésus qui ont coexisté historiquement parlant (et non l’un après l’autre ), le fils du pays et cet autre que l’Esprit de Dieu  a nommé “le fils bien aime” qui revient avec une sagesse hors norme et le don de guérir les malades…

Alors lequel était vraiment le Jésus historique? Celui de Nazareth ou celui qui a ete baptise par Jean et apres st arti  mission entouré de disciples?  C’est l’incapacité même de ses contemporains de s’accorder sur la réponse qui fait que cette recherche du Jésus “historique” est vaine et en ce sens l’exégèse actuelle qui a botté en touche la question a raison…quand il s’agit de l’identité de Jésus… la réponse ne dépend pas de faits historiques vérifiés ou vérifiables (après 2000 il y en a peu) mais finalement du regard que l’on porte sur lui…

Foi et miracle

Il y a deux autres affirmations dans ce texte qui me p Tosent question…La première est que Jésus soit étonné de leur incrédulité…elle me pose question, non pas parce-que je pense qu’elle mette en doute la question de la divinité de Jésus …parce que personnellement parlant, ca ne m’étonne pas…et je me demande si la mention de son étonnement pourrait exprimer de la tristesse et de la déception, en voyant ce rejet de ceux qui lui sont proches d’où pour se consoler ou pour répondre à sa question.. il se souvient de l’histoire des prophètes et fait cette remarque devenue maintenant un proverbe ( il y a discussion pour savoir s’il en est à l’origine ou s’il le cite…)

Mais Jésus leur dit: Un prophète n’est méprisé que dans sa patrie, parmi ses parents, et dans sa maison.

La deuxième affirmation du texte qui m’interroge c’est le lien qui est fait entre l’absence de miracle et l’incrédulité des habitants.

“Il ne put faire là aucun miracle, si ce n’est qu’il imposa les mains à quelques malades et les guérit”

Dans les chapitres précédents les miracles de Jésus ne semblaient pas conditionnés à la foi des gens mais étaient présentés comme un acte souverain de sa part comme quand il calme la tempête alors que les disciples eux sont complètement affolés et pensent qu’ils vont couler….  L’importance de la foi apparaît dans  les deux derniers récits de guérison, mais plus spécialement dans l’histoire de “l’intouchable” , où le miracle s’est passé  à l’insu même de Jésus  comme si cette femme avait forcé le miracle donnant l’impression que c’était la foi qui était toute puissante ou première… Aurait-on la même proposition  mais inversée: pas de foi donc pas de miracle?

(Ou tout simplement est-ce qu’ il y a eu moins de guérisons parce que contrairement aux autres endroits, on n’est pas venu chercher Jesus pour guerir  des malades et chasser les démons car on ne croyait pas en sa puissance et son autorité?)

En tout cas la corrélation  trop étroite foi-miracle me gène et revêt  un caractère problématique quand on l’applique comme un principe universel…parce que j’ai entendu trop de personnes utiliser cette déclaration pour culpabiliser ceux qui ne sont pas guéris par la prière  leur reprochant leur manque de foi, ce qui fait que c’est une peine double qu’on leur inflige, non seulement celle d’être malade mais celle d’être de mauvais chrétiens… C’est tellement dommage de voir comment cette bonne nouvelle de Jésus se transforme très vite en une mauvaise nouvelle quand elle est en de mauvaises mains…Il vaut mieux laisser le récit tel qu’il est présenté avec ses questions plutôt que de vouloir à tout prix en déduire des principes universels que l’on pourrait appliquer en tout temps et en tout lieu en créant un autre type de légalisme aussi dangereux que celui que Jésus a dénoncé…

En ce qui me concerne, ce retour au pays de Jésus, me touche beaucoup: retourner chez soi après des années d’absence et se faire dire qu’on y a plus sa place par les siens est une expérience difficile  (surtout quand ils ne veulent pas entendre parler de ce qu’on a découvert et vécu  et qu’on voudrait partager….comme s’ils avaient peur que ce qu’on dirait les remettrai en cause ou nous donnerait une ascendance sur eux)

Pour cette raison, c’est un épisode dont je n’ai pas de raison de douter l’authenticité, tellement il sonne juste …et en plus… sa lecture a été une belle occasion de consolation que je n’attendais pas…

 

(painting Nazareth, Guido Borelli)

 

One nation under God?

 

It can work, if you really live under God…Here is what John Mark says…

( the photo is also from him)


When you are weak
When you are sad
When you are depressed
When you are angry
When you are confused

Do not beat yourself up

True Joy comes from God
Deep understanding comes from God
Full confort comes from God
Real Peace is a gift from God
Inner strength a blessing of God

Do not beat yourself up

Yes we can do God’s work toward Justice
Yes we can help by sharing God’s love
Yes we can be a tool of God’s mercy
Yes we can do more

Do not beat yourself up

Take Responsibility
You may be defeated
You may fail
God will not fail

Do not beat yourself up

Trust
Hope
Love
Faith
Are from somewhere far deeper than ourselves

Do not beat yourself up

Forgive yourself
Forgive others
God has already forgiven you


Show mercy

Live with love

Work for Justice

 

If you do all that then you can truly say:

 

HAPPY FOURTH OF JULY!

Du racisme: confession

On n’est pas innocent…

Le 26-29 juin 2020, vendredi, la Virginie,

On arrive presqu’à la fin du mois et le paysage politique semble avoir beaucoup changé ici mais qui sait, l’opinion publique est inconstante et la radicalisation à outrance de certains dans l’antiracisme commence à fatiguer les supporters ( c’est toujours comme ça dans ces mouvements-là). Le grand déballage continue cependant après presque 4 ans de Trumpisme ou un racisme décomplexé avait fait son retour encouragé directement au plus au niveau: quand du haut de son podium pour un de ses fameux meetings à grand spectacle le président avait crié “send them back” en parlant de 4 femmes élues au congrès américain (aucune “blanche” et dont 3 étaient au moins nées aux États-Unis) … cri qui avait été scandé par une foule en délire…on ne doit pas s’étonner de voir ces autres foules défiler qui scandent à leur tour, ” black lives matter”… Mais qu’est-ce qui restera après cette grande levée populaire contre le racisme? Une vraie prise de conscience de ses racines qui descendent au plus profond de notre société et de notre histoire et que l’on pensait pouvoir écarter d’un simple coup de balai? Ou simplement après l’émotion du moment, on oubliera..

Souvenir et confession


Au départ j’ai été étonnée quand même que les manifestations ici ait trouvé un tel écho dans de nombreux pays européens (et d’ Afrique du sud) et qu’ils aient voulu déboulonner des vieilles statues…mais à y penser je me suis rendue compte qu’ il s’agissait de pays qui avaient eu un passé colonial en Afrique  alors je me suis souvenue…

Je me suis souvenue à quel point j’avais été scandalisée en faisant des recherches ( pour une thèse de doctorat) quand j’avais découvert tous ces textes, non seulement de grand philosophes (comme Hegel par exemple) mais aussi de ces ethnologues du 19 et du 20 ème siècle qui affirmaient sans état d’âme que la race noire était une race inférieure ( la plus basse) et cela ” preuves scientifiques à l’appui” (Lisez le petit livre de l’inégalité des races du sieur Arthur de Gobineau 1853-1855, vous m’en direz des nouvelles..on peut le lire en ligne, il est libre d’accès).

Je revenais de mes journées à la bibliothèque nationale abasourdie, lisant document après document de lettres et comptes-rendus de voyage, plus désolants les uns que les autres (pour ne pas dire honteux) d’explorateurs variés… espérant en tout cas que les africains que je connaissais n’avaient jamais lu ou ne liraient jamais  les horreurs qui avaient été écrites sur eux…sinon comment pourraient ils ne pas nous en vouloir ou ne pas désirer se venger ?

Et peut-être  que le pire a été quand je suis allée vivre en Afrique de l’Est (et on était bien au 21ème siècle)  et que j’ai entendu les expatriés comme on les appelait quand ils étaient entre eux, parler des habitants en utilisant des propos méprisants et quelquefois immondes … dignes de leurs ancêtres coloniaux…

Les racines du racisme envers les Africains

En Europe, on pense au nazisme comme à une anomalie et surtout on le lit à la lumière avant tout de l’antisémitisme, (ce qui est normal d’une certaine manière car il y avait très peu de noirs en Europe à l’époque et le plan d’extermination des juifs était tellement énorme qu’il a occulté tout le reste)  mais le racisme était dans l’air du temps et il ne concernait pas que les juifs.  C’est en faisant la lecture de ces textes que j’ai découvert que le fond raciste que j’avais ( oui, il existait bien) n’était pas le résultat de préjugés qui auraient été fondés sur des expériences personnelles mais sur tout un bagage culturel fait d’une myriade de représentations (comme “ya bon banania”) plus ou moins subtiles qui continuaient à alimenter cette idée de l’infériorité de la race noire… (l’accent africain  par exemple étant considéré comme un marqueur péjoratif )

Ce qui m’a surpris aussi est de me rendre compte que la théorie de l’évolution et du Darwinisme  avait alimenté  les préjugés des européens (les miens en particulier)…car dans la mesure où l’on mettait les africains dans la catégorie des primitifs, on supposait aussi qu’ils étaient en bas de l’échelle de l’évolution et qu’il leur faudrait des décennies ou même des siècles pour arriver au niveau de la culture européenne  (j’ai honte quand je pense à ça!) ….Ce n’est pas par hasard que dans certains pays de l’ Afrique de l’ ouest, pour montrer que l’on appartient pas à la caste des primitif, on utilise le mot “”civilisé” pour s’autonommer.

(Évidemment la donne aux États Unis a été  différente avec l’histoire de l’esclavage sur le territoire même du pays et non pas dans l’ailleurs de la colonie, suivie de celle de la guerre civile puis de la ségrégations  qui ont alimenté ces théories et ont formé l’imaginaire américain ajoutant  à l’infériorité noire sa dangerosité, entre autre comme prédateur envers la femme blanche…mais n’ayant pas grandi ici, je ne prétends pas en connaître tous les aspects…)

A cause de tous ces antécédents historiques le racisme envers les noirs a une spécifité unique et une charge particulièrement lourde à  porter qui le rend si déshumanisant et si difficile à éradiquer.   Malgré les théories contemporaines  qui  essaient de convaincre le grand public que le concept de race n’a pas de base génétique, elles ne font pas le poids tellement ces théories des siècles passés et leur lot d’images dégradantes ont peuplé notre imagination.  Pour cette raison le désir de faire tomber ces statues  n’est pas une lubie iconoclaste d’une bande d’illuminés mais une tentative  de détruire ce socle idéologique sur lesquels ces grands hommes du passé pour qui l’infériorité des noirs était une évidence ont été érigés.

Racisme et pauvreté


Ce qui complique les choses aujourd’ hui c’est qu’à ce fond raciste, s’ajoute un autre élément, la pauvreté et tous les maux qui l’accompagnent dont la criminalité  est l’élément le plus visible et le plus médiatique. Aux États Unis  étant donné l’histoire de la ségrégations les noirs vivent dans des quartiers séparés où le manque de moyens, comme dans tous les quartiers défavorisés rendent difficile la possibilité de se forger un meilleur avenir  ( je dois avouer que quand je suis arrivée aux États Unis et je me suis retrouvée dans un quartier noir et délabré, je n’étais pas très rassurée …. sauf évidemment quand j’ai eu l’occasion d’y rester quelque temps et donc de connaître mes environs).

En Europe, c’est l arrivée de migrants de pays d’anciennes colonies venant chercher une vie meilleure après les tumultueuses années des indépendances qui continuent à nourrir le mythe et même s’il y a beaucoup de personnes d’origine africaine qui ont réussi et font partie d’ une élite diplômée,les images qui nous trottent dans la tête sont celles des migrants retrouvés sur ces bateaux de misère ( ou leurs dépouilles) rescapés de naufrage mais aussi ces images de famine qui nous viennent d’ Afrique que l’on utilise pour lever des fonds pour les ONG….Quand les deux éléments pauvreté et couleur de la peau se combinent, l’effet est catastrophique…


Bref, on a du travail à faire….

C’est ce que je me dis car pour moi qui suis chrétienne ce travail est constant: j’ai ma propre liste de préjugés dont beaucoup ne sont pas nécessairement raciaux mais que je dois constamment examiner à la lumière des valeurs de l’Évangile car si la question de la couleur de la peau est peut être la plus évidente, elle inclut d’autres domaines. On n’est pas neutre et indifférent, on appartient tous à un groupe particulier dans cette grande famille humaine qu’est la nôtre avec son idiosyncrasie propre, faite de sa langue, de son histoire, de ses valeurs mais oui aussi de ses préjugés …utiles peut-être pour naviguer le monde dans lequel on se trouve mais qui une fois que l’on a décidé de suivre Jésus, on a le devoir d’examiner et de remettre en cause…

Ne vous conformez pas au siècle présent (au monde) mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait”

“Renouveler mon intelligence”

Ça je dois le faire constamment,

P.S. Autre découverte avec tous ces événements ici: j’ai appris combien cette fatalité, noire= pauvreté était fausse quand j’ai entendu parler de l’existence du quartier prospère appelé le black wall street  à Tulsa Oklahoma en 1921 … mais qui tragiquement avait été  brûlé par une foule de blancs en colère et dont de nombreux habitants avaient été massacrés…Ça c’était bien avant les années soixante et les marches pour l’égalité et la déségrégation!

Les liens des photos d’archives…

Ne crains pas, crois


Le 24 juin 2020, Virginie

( L’Europe parle de fermer ses frontières aux États-Unis car les cas de Covid-19 continuent à augmenter…)

L’histoire de Jaïrus

Marc 5: 22-24; 35-43

Alors vint un des chefs de la synagogue, nommé Jaïrus, qui, l’ayant aperçu, se jeta à ses pieds,
et lui adressa cette instante prière: Ma petite fille est à l’extrémité, viens, impose-lui les mains, afin qu’elle soit sauvée et qu’elle vive.
 Jésus s’en alla avec lui. Et une grande foule le suivait et le pressait.
[.  .  . ]
Comme il parlait encore, survinrent de chez le chef de la synagogue des gens qui dirent: Ta fille est morte; pourquoi importuner davantage le maître?
Mais Jésus, sans tenir compte de ces paroles, dit au chef de la synagogue: Ne crains pas, crois seulement.
Et il ne permit à personne de l’accompagner, si ce n’est à Pierre, à Jacques, et à Jean, frère de Jacques.
Ils arrivèrent à la maison du chef de la synagogue, où Jésus vit une foule bruyante et des gens qui pleuraient et poussaient de grands cris.
Il entra, et leur dit: Pourquoi faites-vous du bruit, et pourquoi pleurez-vous? L’enfant n’est pas morte, mais elle dort.
 Et ils se moquaient de lui. Alors, ayant fait sortir tout le monde, il prit avec lui le père et la mère de l’enfant, et ceux qui l’avaient accompagné, et il entra là où était l’enfant.
Il la saisit par la main, et lui dit: Talitha koumi, ce qui signifie: Jeune fille, lève-toi, je te le dis.
Aussitôt la jeune fille se leva, et se mit à marcher; car elle avait douze ans. Et ils furent dans un grand étonnement.
 Jésus leur adressa de fortes recommandations, pour que personne ne sût la chose; et il dit qu’on donnât à manger à la jeune fille.

Jairus est nommé... c’est déjà tout dire ( la femme qui touchera Jesus après pour être guérie ne le sera pas) ce qui reflète bien les valeurs de ceux qui ont raconté l’histoire: pour un homme qui est chef d’une synagogue et qui s’approche de Jésus, on aura retenu le nom … sans doute à cause de son rang mais aussi peut être parce qu’il n’est pas hostile à Jésus quand jusqu’à présent dans le récit de cet évangile, les autorités religieuses juives étaient vues d’un mauvais oeil , toujours critiquant, toujours remettant en cause Jésus et ses disciples.

(Il faut toujours se souvenir que la plupart des gens qui suivaient Jésus appartenaient à des classes défavorisées de même que les premiers chrétiens dont certains étaient des esclaves et la mention de quelqu’un comme Jaïrus était une validation importante. D’ailleurs, la preuve qu’ils se laissaient impressionner par les grands de ce monde est mis en évidence par la lettre de Jacques qui reproche aux chrétiens de recevoir avec honneur dans leurs assemblées, les riches et de reléguer au dernier rang les pauvres… En tout cas, lui Jésus, dans cet épisode  montre qu’il n’est pas de ceux-là quand il s’arrête en chemin pour parler avec une “intouchable”…)


L’amour de Jaïrus pour sa fille est certainement notable mais aussi les détails de la scène qui nous est racontée. On ne peut s’empêcher de noter  la mention de la foule bruyante qui pleurait et poussait des grands cris qui fait penser aux pleureuses traditionnelles que l’on trouve encore aujourd’hui (en Ethiopie, par exemple*) mais qui supposerait que l’enterrement était en train de se dérouler alors qu’ici l’enfant venait juste de mourir. Il semble donc plus naturel de penser que cette expression de douleur ait été spontanée et que cette foule bruyante ait été les voisins et l’entourage de Jaïrus. 

Pourtant cette mention  a fait couler beaucoup d’encre et a été l’occasion de supputations sur la question de savoir si la fille de Jaïrus était vraiment morte (d’ou la présence des pleureuses qui attesteraient qu’il s’agissait bien d’un miracle de resurrection) ou était seulement dans le coma et que les gens la croyaient morte … polémique un peu vaine et que le texte n’explicite pas (merci à Marc qui raconte sans commenter inutilement) car ce n’est pas l’enjeu qui est présenté dans cette scène où le motif de la résurrection est absent, et ce qui est central est la  question de la foi en Jésus….

Comme il parlait encore, survinrent de chez le chef de la synagogue des gens qui dirent: Ta fille est morte; pourquoi importuner davantage le maître?
Mais Jésus, sans tenir compte de ces paroles, dit au chef de la synagogue: Ne crains pas, crois seulement.

Jésus, d’autre part ici ( je ne crois pas que ce soit Marc) ne veut pas faire de cette guérison un spectacle ce qui me semble fort intéressant car c’est tout le contraire de ce que l’on voit dans les grands meetings d’évangélisation  et de guérisons qui tiennent trop souvent du domaine du show!. Alors évidemment Jésus guérissait en externe si l’on peut dire , devant les foules qui se pressaient autour de lui car elles n’auraient pas osé lui demander d’aller chez elles (il ne faut pas oublier l’épisode du paralytiques ou deux personnes sont passés par le toit d’une demeure pour approcher de Jésus, un vrai acte de débrouillardise pour arriver à s’en approcher)

Mais c’est une situation différente car comme on a à faire à un “ayant droit”  il n’hésite pas à demander à Jésus d’aller chez lui et le “miracle” peut se faire en privé. Plutôt que d’y voir un souci de rédaction de Marc qui veut cacher l’identité de Jésus, cette volonté exprimée de limiter l’accès de cette guérison me semble cohérente avec le Jésus qui nous est présenté dès le debut: quelqu’un qui ne cherche pas la notoriété mais qui répond aux attentes de ceux qui sont dans le besoin ou/et qui ont foi en lui.

Il la saisit par la main, et lui dit: Talitha koumi, ce qui signifie: Jeune fille, lève-toi, je te le dis.


Alors évidemment ce qui ne manque pas de me frapper , c’est de trouver cette phrase de Jesus  citée en araméen , pour moi qui aime pouvoir lire des textes en version originale ( et qui se lamente de ne pas pouvoir le faire pour de nombreux livres, la bible en premier).  Pour une fois, elle nous permet de remonter directement à la tradition orale et d’avoir les paroles de Jésus telles quelles: Talitha Koumi! Il ne faudrait pas en faire un talisman mais c’est une rareté que ses paroles soient citées dans la langue originelle, un petit miracle….

Aussitôt la jeune fille se leva, et se mit à marcher; car elle avait douze ans. Et ils furent dans un grand étonnement.

(Beaucoup voient dans les 12 ans de la fille une signification particulière….quand l’âge qui pourrait être approximatif est mentionné tout simplement pour expliquer qu’elle savait marcher toute seule… mais la numérologie nous fascine…)
 

 Jésus leur adressa de fortes recommandations, pour que personne ne sût la chose; et il dit qu’on donnât à manger à la jeune fille.

La juxtaposition de ces deux remarques est pour le moins insolite. La première tout d’abord  en leur demandant de se taire (en tout cas momentanément) semble montrer un Jesus qui veut éviter la foule qui se trouve dehors parce-qu’il n’est pas intéressé à prendre une revanche un peu puérile … envers ceux qui se sont moqués de lui ? (pourquoi pas?)

La deuxième en tout cas nous révèle  un Jésus qui a les deux pieds sur terre et auquel on ne s’attend pas (en tout cas pas moi) : on peut imaginer que dans leur étonnement et leur excitation,l’entourage de la fille ait voulu raconter le miracle à tout le monde  et  que Jésus ait du leur rappeler que la jeune fille qui venait de se lever de son lit de malade ou de mort pouvait avoir besoin de manger?

*   *   *

Ne crains pas, crois seulement…

Face à ce demoniaque possédé par une légion de démons qui casse tous les liens par lesquels on l’attache, face à la maladie et l’annonce de la mort d’un être cher que tout le monde donne pour perdu, face à tous ceux qui la disent impure et qui lui interdisent de toucher qui que ce soit même pour être guérie

Peut-être que l’on doit se demander

Si on n’abandonne pas trop vite, si on ne croit pas assez que les choses peuvent changer, si l’on écoute trop les voix raisonnables de ceux qui disent  qu’il n’y a plus rien à faire, ou de ceux qui disent qu’on n’a pas le droit de demander…ou de ceux encore qui se moquent parce qu’on a mis sa confiance en Jésus

Talitha koumi :Lève-toi je te le dis

Et mange pour reprendre des forces et continuer à vivre,

L’Évangile est bonne nouvelle, pour le père qui aime son enfant, pour la femme rejetée à cause de sa maladie et pour le possédé incontrôlable.

(Et pour moi., bien sûr)

P.S:  Cette histoire du démoniaque du début du chapitre continue à me hanter …je viens de lire un article qui racontait avec détails la détention d’un homme qui avait des troubles mentaux et qui s’était débattu de toutes ses forces chaque fois qu’on essayait de le contrôler ce qui fait que peu après avoir été transféré dans une unité psychiatrique de la prison était décédé étant donné la violence qui avait été utilisée par les policiers et autres gardes de l’établissement …Affligeant….
https://features.propublica.org/riverside-jail-video/mental-health-crisis-force-restraint/?src=longreads

* Il y a un contraste énorme aujourd’hui en Afrique de l’est entre les chrétiens éthiopiens qui ont des pleureuses pour les enterrements et les somaliennes musulmanes qui elles disaient que l’on avait pas le droit de pleurer car la mort était la volonté de Dieu; donc pas de cris, ni J pleurs )

Quand on se déçoit soi-même

Le 19 juin, 2020, Virginie

En vrac,

Il pleut,

Le covid-19 est encore là : 19 cas me dit cette amie qui vit dans une maison médicalisée… pour l’instant elle est épargnée mais elle en a assez de ne pas pouvoir sortir de sa chambre depuis la mi-mars…je ne peux imaginer ce qu’elle vit, moi je deviendrai folle…,

Demain grand meeting en Oklahoma du président/candidat, ça promet de faire couler de l’encre…entre possibilité de contaminer des milliers de personnes et risques de violence…on peut s’attendre à tout…je préfère ne pas y penser…

Son ex garde ses enfants, dont l’un est de lui, et l’autre d’un autre: il vit chez sa petite amie et selon les enfants qui l’ont raconté à leur mère, il en a une autre qui vient lui tenir compagnie pendant la journée… quand on a 5 ans et 8 ans… comment peut-on s’y retrouver dans tout ça?

Quelqu’un a peint des propos racistes en grosses lettres sur une route de campagne : “seule la vie des Blancs compte”… et le journal  a préféré ne pas écrire pas quelles étaient les insultes contre les noirs qui y etaient ajoutees… Ils ont été effacés par les employés des ponts et chaussée.

Un groupe de “Blancs” armés se sont invités à une petite manifestation organisée par des lycéens pour dénoncer le racisme…pour protéger les citoyens de la localité contre les antifascites (antifa)…disent-ils dans cette région rurale où ils ont voté de faire de leur comté un sanctuaire pour protéger le droit à avoir et à porter des armes…Heureusement, les jeunes n’ont pas répondu à leur provocation et la manifestation s’est déroulé sans incident….Ils étaient là disent-ils dans le but de nous intimider mais finalement sont partis…Ils ont eu du courage ses jeunes qui ont fait des discours mais qui ont aussi priés…Le sel de la terre…la relève est assurée et c’est réconfortant!

Un pasteur noir (encore dans la région mais un peu plus loin) a appelé la police parce qu’il était menacé par 5 personnes (blanches) et c’est lui qui a été arrêté quand ils sont arrivés car évidemment il ne pouvait qu’être coupable…Comme quoi les mauvaises habitudes…Le shérif s’est excusé pour cette “erreur” le lendemain…et maintenant les 5 personnes en question ont été inculpées…( l’incident a fait la une du Washington Post)

Une bonne nouvelle qui vient de Washington: la cour suprême a décidé que le gouvernement Trump ne pouvait pas déporter  “les dreamers” ces gens qui étaient “illégaux” car ils étaient arrivés avec leurs parents quand ils étaient enfants (et leurs parents sont entrés illégalement) et donc le décret d’ Obama qui les protégeaient de la déportation reste en place ( je crois que toute la famille à un moment ou à un autre avait participé à une manifestation en leur faveur).

Et de la France?

Comme je m’y attendais….mais ça m’a déçu quand même parce que c’est un journal qu’en général j’ai du plaisir à lire,  l’éditorial de l’hebdomadaire la Vie ” nous ne voulons pas de votre guerre civile” ….  prenait de haut les Ertats Unis en affirmant que la France n’était ni un pays raciste ni antisémite…malgré disait-il quand même Vichy et l’affaire Dreyfus…au nom des principes républicains qui font de la France un pays exemplaire… (évidemment si on est ni noir,  ni juif, ni arabe  c’est facile à dire) Typique malheureusement de l’élite française …. qui est bien contente d’utiliser les États Unis comme un repoussoir….Je m’attendais à ce genre de réaction mais autre part…bref…

Et au milieu de tout ça, moi je tourne en rond…

(Je continue à me promettre que je vais être plus disciplinée, que je vais me faire un horaire que je vais respecter au lieu de cette routine un peu stérile dans laquelle je me suis installée…je continue aussi à me demander quand je devrais reprogrammer mon vol pour la France qui a été annulé une troisième fois)

Seigneur, comment peux-tu continuer à nous supporter…nous qui n’arrivons pas à nous supporter nous-mêmes….

Heureusement que les oiseaux dehors continuent à se foutre de mes états d’âme…

Et aussi les écureuils qui courent un peu partout!

(Mais évidemment quand je voudrais les prendre en photo, ils disparaissent! Au moins avec les arbres, on n’a pas ce souci!)

Une intouchable audacieuse

Peinture de David Rogers: “got nothing”

Marc: 5: 20-36

17/18 juin, 2020, Virginie

(La question du racisme et les manifestations pour le dénoncer continuent à être au centre de l’actualité ici. ..mais en général, la situation se calme…on en est à la phase, récupération politique…ce qui est un peu dommage. Sinon, il fait frais…on a allumé le poêle!!!)

Après cet épisode d’expulsion de démons pour le moins déroutante en milieu gentil/païen…on retrouve Jésus et ses disciples de l’autre côté de la rive en territoire connu,… et on a le récit de deux guérisons miraculeuses qui sont finalement plus rassurantes, ou en tout cas plus dans la norme d’un Jésus, prédicateur itinérant que ce dialogue avec une légion de démons qui précipitait tout un troupeau de cochons dans la mer. 

Au lieu de suivre le déroulement naturel du texte ou va commencer par analyser, la deuxième guérison mettant entre parenthèses la première partie du récit pour l’aborder plus tard.

(pas besoin de revenir sur le thème du miracle ayant déjà parlé dans les chapitres précédents de tout ce qui concernait son importance, sa signification et les débats sur la question de son historicité. Il suffit de rappeler que ces épisodes sont vus comme des discours rapportés au sens large du terme, que l’évangéliste tient de témoins considérés comme fiables, mais qui d’aucune manière n’auraient été inventés pour les besoins de la cause…Même si on peut rester sceptique à leur égard on ne peut pas douter que l’évangéliste les ait rapportés parce qu’il  a cru qu’ils avaient eu lieu sinon ce serait faire violence au texte et à son authenticité)

Guérison d’une intouchable

(Jésus dans la barque regagna l’autre rive, où une grande foule s’assembla près de lui. Il était au bord de la mer. Alors vint un des chefs de la synagogue, nommé Jaïrus, qui, l’ayant aperçu, se jeta à ses pieds, et lui adressa cette instante prière: Ma petite fille est à l’extrémité, viens, impose-lui les mains, afin qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. Jésus s’en alla avec lui. Et une grande foule le suivait et le pressait.)

 Or, il y avait une femme atteinte d’une perte de sang depuis douze ans.
 Elle avait beaucoup souffert entre les mains de plusieurs médecins, elle avait dépensé tout ce qu’elle possédait, et elle n’avait éprouvé aucun soulagement, mais était allée plutôt en empirant.
Ayant entendu parler de Jésus, elle vint dans la foule par derrière, et toucha son vêtement.
 Car elle disait: Si je puis seulement toucher ses vêtements, je serai guérie.
Au même instant la perte de sang s’arrêta, et elle sentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal.
Jésus connut aussitôt en lui-même qu’une force était sortie de lui; et, se retournant au milieu de la foule, il dit: Qui a touché mes vêtements?
Ses disciples lui dirent: Tu vois la foule qui te presse, et tu dis: Qui m’a touché?
Et il regardait autour de lui, pour voir celle qui avait fait cela.
La femme, effrayée et tremblante, sachant ce qui s’était passé en elle, vint se jeter à ses pieds, et lui dit toute la vérité.
Mais Jésus lui dit: Ma fille, ta foi t’a sauvée; va en paix, et sois guérie de ton mal.

C’est la première fois dans cet évangile éminemment masculin ( je ne le dis pas d’une manière péjorative mais je constate que l’auteur étant un homme, il est normal qu’il soit écrit de ce point de vue) qu’une femme se trouve au centre du récit d’une guérison qui nous en dit long sur la condition et le statut de la femme… Alors que dans Luc ou même Jean, on a des personnages féminins qui sont mentionés dès le début (toujours d’ailleurs dans leur qualités de mère ou d’épouse) on en a jusqu’ici aucune chez Marc, à part la mention rapide de la belle-mère de Pierre, dont on n’a pas pu s’empêcher d’ironiser sur la guérison…

La question qui m’intrigue en premier lieu est celle de la source de cette histoire rapportée  car il me semble plausible qu’elle ait été une femme, peut-être même, la femme elle-même, sinon comment pourrait-on savoir les détails qui sont donnés de sa maladie et de sa recherche de médecins… et encore qui plus est, de ses pensées et ses émotions qui supposent une incursion dans son monde intérieur que l’auteur ne pourrait imaginer car il est douteux qu’elle  explique tout cela quand elle a pris la parole et “a dit toute la vérité” devant Jésus…


( je n’ai pas trouvé pour l’instant des études qui abordent la question d’une source proprement féminine de ce passage ce qui ve veut pas dire qu’elles n’existent pas)

Le deuxième aspect qui me frappe dans les détails de cette histoire est  qu’elle nous montre le statut d’ infériorité extrême de cette femme dans la société et cela pour une triple raison: elle est femme, elle est pauvre et elle est impure à cause de sa perte de sang. Elle n’a donc aucun moyen d’avoir accès à Jésus et est  obligée  d’user de stratagèmes pour pouvoir s’approcher de lui, comme c’est le cas d’ailleurs pour toutes les personnes qui vivent à la périphérie et  n’ont pas accès au pouvoir.

Elle sait qu’elle n’a pas droit de parler à Jésus ni non plus de le toucher…mais pourtant elle risque le tout pour le tout … et ceux qui dissertent sur le caractère superstitieux de son approche, ne comprennent pas les difficultés de ceux qui vivent aux marges de la société….  ce n’est pas parce-qu’elle était particulièrement superstitieuse et simplette qu’elle voulait toucher son manteau,  c’est parce-que c’était la seule manière qu’elle avait de s’approcher de lui…

Des femmes comme celles-là, débrouillardes et qui prennent des risques, j’en ai rencontré partout mais surtout dans des pays en guerre ou dans des milieux crève-la-faim et elles ont toujours suscité mon admiration…

Elle force aussi l’admiration de Jésus qui reconnaît  qu’ il y a quelque-chose d’extraordinaire chez elle et fait l’éloge de sa foi,  devant ses disciples qui sont certainement surpris de voir cette femme tremblante et effrayée qui d’une manière incompréhensible vient d’être guérie…et peut-être que leur réaction nous permet de mieux mesurer a quel point l’attitude de Jésus est merveilleusement étonnante … et détonne avec le milieu dans lequel il vit (et dans lequel nous vivons!). On a vu tellement dans cet évangile, jusqu’ici, un Jésus combatif, avec ses détracteurs autant qu’avec les démons qu’il chasse que son attitude de compassion envers une véritable Paria est autant bienvenue qu’elle est inattendue. 

Mais il y a autre chose encore de remarquable dans cette histoire de guérison de femmes, c’est qu’elle n’a rien à voir avec la maternité…on est habitué dans la Torah à voir des personnages de femmes désespérées parce qu’elles sont stériles et qui demandent d’être guéries car la seule dignité que peut obtenir la femme dans les sociétés traditionnelles c’est celle de la maternité. Or cette femme ne correspond pas a l’archétype ancestral de la femme-mère,  mais elle est la femme tout court dont la mention de ses pertes de sang qui définissent en quelque sorte son identité,  est en soi surprenante, car habituellement elle est presque tabou ouniquement associée à des considérations de pureté rituelle ( et il faut être femme pour comprendre à quel point ce cycle mensuel rythme et définit la vie des femmes).

D’ailleurs pour cette raison, certains commentaires féministes ont vu dans cet épisode un rejet des lois sur l’impureté des femmes mais il me semble que la lecture littérale du texte ne permette pas d’en arriver jusque là étant donné le caractère spontané de la rencontre et l’absence de commentaire de la part de Jésus sur la question. Cependan le fait qu’il ne lui ait pas reproché d’en avoir enfreint les règles en dit long sur son attitude envers ces lois .Ce qui est sûr est que l’attitude de Jésus  qui reconnaît à la femme une autre valeur que celle d’être une bonne épouse ou une bonne mère apparaît comme un regard éminemment moderne/féministe.


Finalement, ce qui est étonnant dans cette histoire c’est que Marc ait trouvé important de la rapporter dans son évangile. Pourquoi inclure l’histoire d’une pauvre femme au milieu d’une foule qui presse Jésus… pour montrer que son pouvoir  était tel qu’ il pouvait guérir sans s’en rendre compte? qu’est-ce que Marc a voulu montrer, pourquoi l’a-t-il racontée (car il ne l’a certainement pas inventée)?  On peut imaginer ce que l’on veut…Comme à son habitude après avoir raconté la scène Marc n’en rajoute pas et nous laisse avec nos questions, mais il nous a fait un portait étonnement précis de cette femme qui reste anonyme…

*    *   *

Je ne peux m’empêcher de penser et de dire  que c’est un coup de génie d’intervention de l’ Esprit Saint!!! (plutôt que de Marc lui-même! ) dans la rédaction du texte, qui a permis que l’histoire de cette femme qui est au bas de l’échelle sociale, puisse  apparaître ici interrompant celle de Jaïrus cet homme puissant qui lui peut parler à Jésus face à face (même s’il se prosterne devant lui). 

L’ effet de contraste  entre les deux est saisissant rehaussant le fait que Jésus l’incarnation de qui est Dieu, le fils, comme l’appelle Marc, donne  la même grâce, la même attention aux humbles que celle que l’on réserve généralement uniquement aux puissants (et contrairement à ce que je ferai) ne rejette pas non plus la demande d’un puissant qui s’humilie en se prosternant de vant lui. Comme cette femme s’est faufilé dans la foule pour pouvoir toucher Jésus, cette histoire se faufile aussi dans ce récit pour que ceux qui la lisent encore aujourd’hui puissent découvrir la compassion envers tous de ce Jésus qui a parcouru la terre il y a deux mille ans…

(Pas besoin de discours politique sur l’égalité entre homme et femmes, pas besoin de déclaration tonitruante pour  les damnés de la terre, sauf que l’attitude de Jésus justifie le bien fondé des revendications d’égalité et de dignité pour eux…)

En tout cas, merci à cette femme anonyme pleine d’audace qui ressemble à tellement de femmes d’aujourd’hui!

(Et merci à tous ceux qui ont permis que son histoire puisse arriver jusqu’à nous…)

P.S: quelques lectures intéressantes en anglais https://www.researchgate.net/publication/240714395_A_Woman’s_Touch_Feminist_Encounters_with_the_Hemorrhaging_Woman_in_Mark_524-34

Et cette étude très complète de Charles Amjad Ali https://www.workingpreacher.org/craft.aspx?post=1645

What I fear the most…

(la photo est de Melanie Weisser)


Le 20 juin 2020,

La lecture du jour…

Pour le 20 juin, je vois sur le livre du moine Thomas Merton, ce titre : Ce que je crains le plus (what I fear most) et dans le texte la phrase devient question avec cette belle formule comme réponse que je cite en anglais parce-qu’il écrit bien, alors ce serait dommage de ne donner qu’une traduction approximative….

What do I fear most? Forgetting and ignorance of the inmost truth  of my being. To forget who I am, to be lost in what I am not, to fail my own inner  truth, (… d’oublier et d’ignorer la vérité profonde de mon être. D’oublier qui je suis, de me perdre dans ce que je ne suis pas de ne pas être à la hauteur de la vérité profonde qui est moi)

et il continue à en rajouter….tout au long des ces deux pages de son journal…

A une autre époque, en d’autres temps, peut-être quand j’avais 18 ans ou peut-être même jusqu’à la trentaine…j’ aurai apprécié ce genre de réflexion… car c’est vrai, c’est beau, c’est bien écrit… c’est profond….mais pas aujourd’hui… car ce que je crains le plus aujourd’hui n’a plus rien à voir avec mes états d’âme ni avec la fidélité envers moi-même.

Mes craintes ne sont plus existentielles, elles sont matérielles, tangibles, concrètes…de première nécessité!

D’abord, je crains plutôt pour les autres, pour ceux qui m’entourent, non pas parce que je sois plus altruiste que d’autres, mais parce- que je suis responsable pour d’autres que moi-même.. des personnes qui m’ont été confiées (une famille qui s’élargit de jour en jour…mais aussi des amis qui sont devenus des proches)

Comme le disait le renard au Petit Prince, on est responsable de ce qu’on apprivoise et quand ce qu’ on apprivoise est en danger ou en difficulté on craint pour eux… on craint quand ils se retrouvent au chômage et ne trouvent pas de logement, on craint quand  ils sont désorientés  et désespérés , on craint quand ils prennent le mauvais chemin ou quand ils se perdent en route… on craint qu’ils ne rencontrent pas Celui  qui peut les prendre par la main…on se préoccupe…on prie…on supplie…

Mais …qu’est-ce que je crains le plus…?

En réalité, je ne cherche plus à le savoir, ou  plutôt mieux vaut ne pas s’y attarder est ma conclusion….car ma liste de crainte est tellement longue que j’ai appris à ne pas l’égrener…à quoi bon la repasser ou l’analyser, de toutes façons, je ne pourrais jamais la supprimer…

Il y aura toujours une nouvelle peur qui prendra la place de l’ancienne… On n’arrête pas la vie…

(et puis je n’ai pas que ça à faire)

Alors plutôt me laisser surprendre par la grâce inattendue qui me portera à ce moment là…

Une fois de plus,

Comme elle m’a porté hier et avant-hier,

Dans le monde vous aurez des angoisses…mais prenez courage, j’ai vaincu le monde!” (dixit Jésus)

Aujourd’hui je regarde les roses

Aujourd’hui je regarde les roses…

Le 13 juin 2020, la Virginie

Un coup d’oeil sur les Unes et je remarque que les manifestations ici ont fait tâche d’encre là bas…et je ne peux m’empêcher de sourire en notant l’hypocrisie de certaines élites françaises (mais aussi anglaises) sur la question du racisme et des violences policières…ça c’est un truc américain disent-elles mais nous en France on n’est pas comme ça, on n’est ni raciste, ni violent dans la police….Bref…il y aurait tellement à dire et à commenter sur ces attitudes…

Mais aujourd’hui, c’est samedi... shabbat alors je fais la pause, et je la ferai de nouveau demain….

C’est presque l’été, et le spectacle au pas de ma porte continue à être enchanteur surtout le soir quand les rayons de soleil deviennent obliques et rehaussent les verts des arbres feuillus et du gazon,

Et maintenant avec cette nouvelle flopée de petits oiseaux, ils sont toute une ribambelle qui picorent sur la pelouse….

Beaucoup de fleurs se sont fanées déjà: les jonquilles sont passées, les iris aussi et même le muguet n’est plus…

Mais les roses ont fait leur apparition

(depuis quelque temps d’ailleurs)

Et ne pas les célébrer serait une faute…

Il y a d’abord ce poème de Ronsard appris par coeur à l’école…

Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.

Las ! voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vrayment marastre Nature,
Puis qu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !

Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vostre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,


Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir vostre beauté.

Pierre de Ronsard, Les Odes

Et puis évidemment, il y a aussi la rose du Petit Prince qui est encore plus connue…sans mentionner toutes les chansons et romans où elle figurent au premier plan ( le roman de la rose…)

Aujourd’hui donc, je vais regarder les roses,


(et peut-être même les cueillir et les mettre dans un vase … mais les roses, pour qu’elles continuent à fleurir, il faudra s’en occuper…)

Vous êtes le sel de la terre

Le 8/9 juin 2020, Virginie,

Je rends grâce aujourd’hui pour tous ces gens qui organisent de par le monde entier des manifestations pour dénoncer le racisme et de tous ceux qui s’ engagent pour que ça change…  Ils jaillissent d’un peu partout et à des endroits où on ne les attendrait pas…

Je rends grâce pour tous ceux vivent ici dans cette communauté et qui font de même…

Non! tous ne sont pas chrétiens mais beaucoup le sont… surtout dans la communauté afro-américaine, ( il suffit de regarder les différentes cérémonies religieuses pour la mort de George Floyd pour s’en convaincre)

Le texte du jour parle d’eux me semble -t-il,

” En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens.
Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée.
Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison.
De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »

Vous êtes le sel de la terre….vous êtes la lumière du monde,

mais si le sel devient fade…il est piétiné par les gens…

Piétiné…,

Le mot résonne quand on voit les foules qui brûlent même des églises…

La colère contre ceux qui ont cessé d’être sel?

Piétiné,

Si on refuse de jouer notre rôle dans la société  repliés sur nos problèmes à nous, acceptant un statut-quo qui nous permet de vivre dans le confort?

Jeté dehors, piétiné.

Il en a des formules Jésus!

Dérangeantes,

De quoi nous obliger à sortir de notre bien être et de notre torpeur…

Texte à méditer!

PS  Finalement aujourd’hui 9 juin le dernier bouquet dans ce feu d’artifice que sont toutes ces cérémonies religieuses pour célébrer la vie de George Floyd… son enterrement à Houston au Texas!

PS: aujourd’hui, à l’hôpital, une employée qui m’a accompagnée pour que je puisse entrer dans l’espace réservé à la famille, se plaignait et critiquait toutes ses manifestations qui selon elles étaient causées par des gens qui n’avaient rien à faire….et qu’il fallait que tous retournent au travail….représentant certainement l’opinion de beaucoup de personnes par ici… Ce n’est pas gagné cette histoire! (mais bon, elle n’était plus toute jeune et c’est vrai, elle n’était pas noire bien sûr non plus …)

Éloge des enterrements

5/6 juin, 2020 Virginie, États Unis

On ne dira jamais assez la valeur des enterrements…ceux qui veulent les supprimer auraient bien tort… Depuis que l’homme est devenu humain…. on n’a rien inventé de mieux pour faire face à cet événement qui est à la fois le plus normal mais aussi le plus douloureux et le plus scandaleux de la vie humaine: la mort… d’autant plus quand cette mort est le résultat d’un acte de violence ou d’injustice, quand cette mort est prématurée….

Tout dans la solennité, dans les rites, dans les prises de paroles et surtout dans la musique est fait pour guérir, consoler et apaiser nos coeurs tristes et désemparés.

Il y a l’hommage que l’on rend au défunt (comme on dit pudiquement) qui est tout simplement une occasion de lui dire au-revoir mais aussi de reconnaître qu’il a été vivant qu’il a existé, qu’il a vécu…. et les anecdotes que les uns et les autres racontent servent à  affirmer la réalité de celui qui n’est plus dans une tentative peut-être de retenir cette vie humaine, de la prolonger, de l’affirmer face au cercueil qui lui nie son existence..   

Et puis il y a tous ces rites qui varient selon les croyances…car face à la mort, on n’est pas indifférent, on est obligé de se positionner sur l’existence ou la non existence d’un au-delà, et sur le sort de ceux qui sont partis soit que l’on croit qu’ils retournent au néant dont ils sont sortis, ou qu’ils errent sur la terre et hantent les vivants, soit qu’ ils se réincarnent et se transforment….

*   *   *


Pour moi, évidemment, il n’ y a rien de plus réconfortant qu’un enterrement chrétien, et entre les différentes formes culturelles de ces enterrements ceux qui sont célébrés par les communautés afro-américaines…  sont particulièrement émouvants, mais quelque soit leur mode de célébration quand il s’agit d’un enterrement chrétien on peut compter sur le fait qu’ il y aura au bout du compte plus qu’ une parole d’apaisement… il y aura une parole d’espoir et de vie… Car d’une manière ou d’une autre ils terminent tous avec l’histoire du tombeau vide…

L’enterrement de George Flyod dans une église de Minneapolis n’a pas été l’exception en commençant par l’incontournable cantique Amazing grace, avec le sermon du pasteur et activiste Sharpton,: digne des prophètes de l’ancien testament il n’a pas eu peur d’ interpeller le président, de condamner son usage abusif de la bible, de dénoncer le racisme dont les afro américains étaient victimes (on nous a mis un genou sur le coup depuis 400 ans)  mais il n’en est pas resté là…il a noté le chemin parcouru ( car malgré cette tragédie dont l’image d’ un policier blanc avec le genou sur le cou d’un homme noir rappelle les années sombres de la lutte des années 60… ) il y a eu des avancées réelles assure-t-il, les temps et les mentalités ont changé (c’est rassurant de se l’entendre dire) le problème sont ceux qui s’accrochent au passé et ne veulent pas renoncer à un pouvoir qui leur échappe.

“No justice, no peace” n’a pas été l’occasion de parler de vengeance mais de faire un appel à une lutte pour la justice, une lutte qui est enracinée profondément dans la foi en un Dieu juste et les derniers accords de ce morceau de bravoure qu’était ce sermon a été un hymne à la foi qui dit-il a soutenu chaque membre de la communauté présente dans les moments tragiques de sa vie et de son histoire  et qui continuera à la soutenir dans la lutte à venir.

Et c’est ça le don que cette compréhension de l’Évangile de la communauté afro américaine fait au christianisme tout entier: elle ne dissocie pas la vie spirituelle de la vie réelle, elle ne la renvoie pas aux rites religieux du dimanche matin pour les bien-pensants .. elle est la force qui permet d’affronter les luttes du quotidien et de défier le statu-quo, elle est tout sauf l’opium du peuple, elle est tout sauf la bonne conscience des riches que dénonçait l’apôtre Jacques..

 Cette théologie de la libération au sens fort du thème, vécue et prêchée, que l’on a applaudie à une époque mais que l’on a décriée plus tard sera toujours d’actualité pour les peuples qui souffrent d’injustice: elle n’est pas le luxe des intellectuels de gauche qui rêvent de révolution, elle est l’expression du cri de justice qui résonne dans l’histoire de l’humanité racontée dans la bible sous le regard d’un Dieu Saint qui prend le parti des opprimés. Et laisser aux incroyants le monopole de la poursuite de la justice est leur faire croire qu’ ils ont inventé un bien qui existait bien avant eux.

*  *  *

En attendant

Une nouvelle génération se lève…

Aujourd’hui, je suis allée assister à une cérémonie de “graduation de la classe des 2020”, ces jeunes de 18 ans qui terminent leurs études secondaires et entrent de plein pied dans la vie adulte….

L’année d’une pandémie, l’année des manifestations de tout un pays ( et au-delà) pour dénoncer le racisme…

Ils ont du pain sur la planche, ces jeunes…

Ils en auront besoin de cette foi dont parlait Sharpton,

Une foi qui peut déplacer les montagnes