Le jeudi saint: ça rime à quoi?

Jeudi 1er avril 2021, la Virginie

(Sans commentaire, mais quand même, hasard du calendrier il fallait que le 1er avril tombe le jeudi saint!)

Serviteur, serviteur, serviteur…

Un titre honorifique de plus dont les membres du clergé se parent, toutes églises confondues…

Apposé à leur signature à la fin de leurs lettres officielles

« Votre serviteur… »

De qui se moque-t-on ?

Serviteurs ceux qui défilent dans les processions avec tous leurs atours?

Serviteurs ceux qui font des beaux sermons le dimanche matin devant une assemblée béate ?

Serviteurs ceux qui donnent des conférences face à un public qui boit chacune de leur parole ?

Serviteurs ceux qui font de la musique sur une estrade illuminée avec des spots lights qui suivent chacun de leur geste ?

(D’autres laveront leur linge, prépareront leur repas, nettoieront leur lieu de vie , tous ces anonymes qui travaillent dans les coulisses…)

Comment se fait-il que ce mot qui revient tellement de fois dans les enseignements de Jésus soit devenu si vide de sens,

Serviteur, serviteur, serviteur ?

Un titre d’apostat …

En ce jeudi saint, où beaucoup lavent publiquement les pieds des autres devant les caméras,

symboliquement,

Une fois par an

ça rime à quoi ?

(Ceux qui sont des vrais serviteurs à la suite de Jésus, n’en portent pas le nom, Nombreux pourtant, on ne les voit pas, on ne les connaît pas, justement parce qu’ils ne s’en revêtent pas….comme d’un manteau d’apparat…)

Et pourtant…

Et pourtant ce geste, même quand il devient rituel

continue à porter l’emprunte de celui qui l’a enseigné

sa dernière leçon de choses,

visible et tangible

de ce qu’il a tenté

de leur expliquer,

jour après jour,

il l’a fait

une dernière fois,

avant de mourir.

 aurait-ce été  en vain, vraiment ?

Et en vain encore maintenant

quand il continue à le faire

avec nous,

jour après jour,

jeudi saint après jeudi saint ?

Alors pourquoi

ne pas laver et se laisser laver les pieds,

au moins une fois par an?

Éloge du parfum et des femmes

Marc 14: 3-9

Le 30 mars, 2020, la Virginie

(Des fleurs, des fleurs partout, c’est le printemps …. et  la semaine sainte… et le reconfinement en France : on n’en sortira jamais !)

Temps réel, temps textuel et temps liturgique..

Dans mon étude consciencieuse de l’évangile de Marc pour laquelle je suis religieusement le fil du récit et l’ordre des chapitres, « la semaine sainte » n’est pas encore arrivée. D’ailleurs, il n’y a pas de semaine sainte à proprement parler dans l’évangile de Marc, la semaine sainte est une séquence temporelle liturgique organisée pour les besoins de la cause qui regroupe différents événements qui ont précédé l’arrestation, l’exécution et la résurrection de Jésus et dont a essayé de reconstituer le fil en essayant de réconcilier les 4 différents récits des évangiles mais pour lesquels on n’a pas de certitude… (des événements oui, de leur déroulement temporel, non)

Mais réapparaît, en cette semaine, cet épisode qui est dans les 4 évangiles et qui est tellement étonnant que je vais sauter à pieds joints au-dessus de deux ou trois chapitres pour en arriver à cette histoire qui détone tellement avec tout le reste qu’on ne peut pas ne s’y arrêter…, celui de la femme qui déverse un parfum coûteux sur la tête de Jésus…

(Ça me démange trop et je fais passer à la trappe le temps du texte pour épouser celui de la liturgie et a je vais aussi me laisser diriger par mes réactions sans lire la floraison d’articles qui concernent l’épisode)

En voici donc la version de Marc…

Comme Jésus était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, une femme entra, pendant qu’il se trouvait à table. Elle tenait un vase d’albâtre, qui renfermait un parfum de nard pur de grand prix; et, ayant rompu le vase, elle répandit le parfum sur la tête de Jésus.

Quelques-uns exprimèrent entre eux leur indignation: A quoi bon perdre ce parfum?

On aurait pu le vendre plus de trois cents deniers, et les donner aux pauvres. Et ils s’irritaient contre cette femme.

Mais Jésus dit: Laissez-la. Pourquoi lui faites-vous de la peine? Elle a fait une bonne action à mon égard;

car vous avez toujours les pauvres avec vous, et vous pouvez leur faire du bien quand vous voulez, mais vous ne m’avez pas toujours.

Elle a fait ce qu’elle a pu; elle a d’avance embaumé mon corps pour la sépulture.

 Je vous le dis en vérité, partout où la bonne nouvelle sera prêchée, dans le monde entier, on racontera aussi en mémoire de cette femme ce qu’elle a fait.

Une femme extravagante, riche et séductrice ?

Pas de nom et les théories ou supputations…sur qui était cette femme ont fait bon train au cours des siècles…alors un des autres évangiles nous donne un nom mais comme d’habitude Marc ne se mouille pas, il ne nous permet encore moins que les autres évangiles d’essayer de deviner de qui il s’agit, Pourquoi ? On peut imaginer maintes raisons… que les sources auxquelles il avait accès ne la nommait pas…. ou les témoins oculaires auprès desquels il s’était renseigné ne savait pas son nom ou l’avait oublié, ou n’avaient pas voulu le mentionner, ou ne voyaient pas besoin de le faire…

Bref, on ne sait ni qui elle est, ni quel type de relation elle avait eu avec Jésus….rien, elle ne dit absolument rien, mais ce que l’on sait c’est qu’elle lui déverse du parfum sur la tête et pas n’importe quel parfum…pas un petit échantillon ridicule comme celui qu’on vous donne dans une parfumerie même si vous avez dépensé plus de 50 euros pour un flacon de 15 ml…

Pourtant une femme qui vient déverser du parfum cher sur la tête de Jésus…ce n’est pas anodin… ou innocent. Jésus n’était pas un vieillard qui avait passé la force de l’âge, et on ne lui avait pas encore mis l’auréole autour de la tête des images pieuses où il est figé, et si on veut être plus proche du texte biblique, il n’avait pas encore été battu de verges et obligé à porter sa croix, un homme au visage ensanglanté … et dont on naturellement aurait eu pitié et auquel on aurait voulu essuyer le visage…comme dans l’histoire apocryphe du voile de Sainte (bien entendu) Véronique, bien plus conforme à la vision que l’on a de Jésus…

Anonyme sans doute elle l’était, mais il est évident que son geste reflète les sentiments qu’elle avait pour lui, admiration, amour sans aucun doute… amour spirituel, saint et chaste ? On ne devrait pas avoir peur de ;e dire mais elle aurait pu très bien être amoureuse de lui (sans impliquer comme certains qu’elle ait été son amante ce que beaucoup ont un plaisir malin à imaginer) Il n’y aurait rien eu de plus naturel : Jésus était un homme qui attirait les foules, admiré et révéré, un héros populaire pour utiliser notre vocabulaire qui tenait tête aux scribes et aux pharisiens et qui avait été accueilli, quelques épisodes plus tôt par une foule exultante alors qu’il entrait assis sur une bête de somme à Jérusalem qui se préparait pour la fête de la Pâque.

Était-ce une tentative de séduction que ce déversement de parfum sur la tête de Jésus ?

(Si l’église essaie de faire d’elle une femme spirituelle sainte et chaste, les peintres par contre, ne se sont pas gênés dans leur représentation en faisant d’elle une femme sensuelle et séductrice. En réalité ils ont tablé sur l’image plus porteuse de l’évangile de Luc qui met en scène une pécheresse repentie qui essuie les pieds de Jésus avec ses cheveux mais qui n’a rien à voir avec la semaine sainte, ni la Marie dans Jean qui n’a rien d’une pécheresse repentie)

En tout cas, dans la version de Marc, pas de prostituée larmoyante qui se jette aux pieds de Jésus, humble et soumise et les essuie avec ses longs cheveux, image érotique s’il en est une (figure féminine fantasmée par la gente masculine , de la femme belle, soumise, assise aux pieds de l’homme, totalement dépendante de son bon vouloir, sollicitant son pardon même…).

L’épisode ne se prête pas à ce genre de représentation féminine iconique : la femme ne peut-être que debout pour déverser le parfum sur sa tête, plutôt un geste envers une personne dont on reconnaît la royauté, le parfum s’il est une arme de séduction quand il est porté par la femme, est certainement une marque de reconnaissance de la noblesse sur la tête de celui sur lequel il est déversé…Dans ce sens, son geste apparaît comme une prolongation de l’épisode de l’entrée de Jésus à Jérusalem où il a été acclamé comme le fils de David… . C’est sur la tête d’un Jésus roi qu’elle déverse son parfum… c’est sa royauté qu’elle affirme.

Un Jésus féministe ?

Mais quelle qu’eût été son intention ( on ne le saura jamais), la réaction de Jésus n’en est pas moins étonnante : sa défense face aux critiques des personnes présentes montre une empathie avec les sentiments d’une femme qu’on n’attend pas, et on ne s’attend pas non plus à ce qu’il soit sensible à cette démonstration d’amour d’une femme envers lui. On s’attendrait à que ce Jésus, bien souvent austère , ce maître/rabbin/prédicateur que l’on a vu expliquer comment la richesse et le royaume de Dieu n’allaient pas ensemble, décrie autant que les autres ce gaspillage injustifié d’argent.

( Ayant vécu à une époque où les femmes ne recevaient pas de salaire, entendre des hommes faire des reproches aux femmes pour dépenser trop d’argent pour des choses inutiles… semble tellement naturel qu’on n’a pas besoin de faire de commentaire…)

Mais pas du tout…la réaction de Jésus est toute autre : elle est sentimentale. Au lieu de condamner cet acte, essentiellement féminin, de débordement émotif, public en plus, il la défend ! De plus pour la sauver de l’embarras dans laquelle elle se trouve, il donne une interprétation prophétique à son geste dont elle n’est pas elle-même consciente… et il transforme la critique de ses adversaires en un motif de louange…Vraiment, une preuve incroyable de sensibilité envers les émotions d’une femme : d’abord de son élan de générosité mais maintenant de la honte qu’elle peut ressentir face à ces reproches indignés. On n’en n’attendait pas à tant…Mais la cerise sur le gâteau c’est ce qui suit…

Je vous le dis en vérité, partout où la bonne nouvelle sera prêchée, dans le monde entier, on racontera aussi en mémoire de cette femme ce qu’elle a fait.

La demande de Jésus que cette femme et son geste ne soient pas oublié, est encore plus étonnante : dans une culture juive où la tradition orale du « souvenez-vous », prévaut, demander à ceux qui l’entourent de rapporter cet incident pour les générations futures a une valeur et une importance difficile à mesurer. C’est le plus grand hommage que l’on puisse rendre à quelqu’un. Surtout que c’est le seul exemple dans cet évangile, où l’on voit Jésus demander expressément que l’on transmette un message aux générations futures.

( Sur le site internet juif « my jewish learning »on trouve le commentaire d’un article intitulé : « l’importance du souvenir : où l’auteur affirme que « c’est le souvenir qui nous a permis de survivre des milliers d’années d’histoire. Notre religion et notre peuple sont fondés sur la mémoire collective de la révélation à Sinai. Tout au long des écritures on est sommé de se souvenir… »*)

Le corps, c’est précieux

Elle valide en tout cas une approche éminemment féminine de la vie, avec ce qu’elle suppose d’émotivité débordante, de générosité extravagante et d’expression publique de sentiments que d’autres considéreraient impudiques et malvenus dans le Royaume. Mais aussi, il y a une autre dimension à cette affirmation, c’est le fait queJésus affirme la valeur du corpsduquel traditionnellement encore, la femme est la première et presque exclusivement la seule à prendre soin de la naissance à la mort : ce corps qui sera malmené, craché dessus, méprisé, elle le couvre de noblesse anticipant la violence de son agression.

Elle donne de l’importance à ce corps que quelque temps plus tard Jésus offrira comme sacrifice en rompant le pain, rappelant que s’il l’a fait par soumission à la volonté du Père, il ne l’a pas fait le cœur léger. Ce geste, parfumer sur son corps d’une odeur suave et fragrante, a certainement été le bienvenu pour Jésus, une consolation anticipée de la souffrance qu’il allait vivre, une bénédiction envoyée par le Père au Fils qui avait accepté son destin … Elle est la seule dans l’entourage de Jésus à faire ce geste prophétique de réconfort qui affirme son amour et son respect pour lui surtout juste avant la trahison de Judas. Pas étonnant qu’il ait voulu qu’on le rappelle !

* * *

Je dois avouer que ce récit de la femme au parfum dans Marc est une totale découverte  : comme beaucoup, j’avais gardé dans l’esprit l’image de la femme larmoyante, ex prostituée, repentante aux pieds de Jésus essuyant ses pieds avec ses longs cheveux. Je n’étais pas consciente qu’il y en avait des versions si différentes, au point ou quoique certains estiment qu’elles racontent un même événement, d’autres y voient des récits d’événements séparés. (N’étant pas un exégète, je n’ai pas d’opinion là-dessus)

En tout cas la lecture attentive de la scène décrite dans Marc, m’a prise de court, à la fois par le geste de cette femme anonyme, debout, image beaucoup plus digne que celle de la femme repentie et surtout aussi à cause de la réaction de Jésus tellement inattendue dans sa compréhension de sa sensibilité particulière qui détone tant avec celle des autres hommes observateurs de la scène.

Ce qu’il y a de particulier ici, c’est que c’est sa féminité qui est valorisée quand aujourd’hui encore c’est souvent en se masculinisant qu’une femme peut prétendre être prise au sérieux...Il est dommage que dans les églises où règnent encore des disciples et des apôtres, semblables à ceux qui l’ont critiqué on préfère la voir en pécheresse repentie qu’en prophète clairvoyante…

Pourtant, Jésus avait bien demandé que l’on raconte l’histoire de son témoignage en même temps que celle de sa passion…ce qui a été fait sans doute mais pourtant sans en tirer les conclusions ..féministes nécessaires…

Dommage !

(Décidément cet évangile de Marc, il continue à me plaire…)

P.S Citation en anglais complète prise à l’adresse suivante :https://www.myjewishlearning.com/article/the-importance-of-remembering/

PS. Les 4 différents passages qui parlent du parfum versé sur Jésus à lire et comparer. La version de Marc et celle de Mathieu sont très similaires : Marc 14 : 3-11 ; Mathieu 26:6-13. La version de Luc est très différente faisant dire à certains qu’il s’agit d’une autre femme, surtout que ce n’est pas sur la tête de Jésus qu’elle verse le parfum et ce n’est pas pendant la Pâque : Luc 7 : 36-50. Et finalement celui dans l’évangile de Jean : Jean 12:3-8. Ce passage s’apparente plus à celui de Marc et de Mathieu sauf que c’est sur ses pieds qu’est versé le parfum…

Donner et recevoir

Washington DC. Le 20 mars, dans l’autocar

En vrac,

( Les cerisiers sont en fleurs, même dans ce park, mal entretenu, en plein milieu de la ville : le printemps offre sa beauté à tous et à toutes, indifférent au milieu dans lequel il se trouve)

Première fois que je reprends des transports en commun… évidemment la compagnie assure que toutes les précautions sont prises pour lutter contre le Covid-19…masques obligatoires, un siège sur deux occupé, ( dans cette ligne, de toutes façons, cet autocar est toujours vide aux 3/4) aération…

Avant d’arriver à la gare routière, je vois se profiler la coupole du Capitole où se sont passés les événements du 6 janvier. De là, je ne vois pas le périmètre de protection qui l’entoure avec les militaires autour…

Au départ,.. moins de 10 personnes, des étudiants semblent-ils ( c’est fou comme il est facile de situer les gens , par leur manière de s’habiller, de se tenir où même leurs sacs à dos) étant donné qu’il dessert les Universités de la Virginie. Pas d’ouvriers sur cette ligne…

Le chauffeur, un homme d’environ 60 ans qui a dû passer la nuit dans le car ou tout au moins piquait un somme et qui ouvre les portes après qu’une employée frappe à sa porte… a un masque … et vérifie tout avant de me laisser entrer….( je me demande si lui a été vacciné… je suppose que oui à grâce à son travail…appartenant à la communauté afro-américaine qui se méfie des plans de santé gouvernementaux je ne sais s’il a été réticent et ou si c’est obligatoire pour travailler dans cette entreprise)

(À propos du coronavirus, où voulez-vous partir en voyage a demandé le professeur l’autre jour, sur l’écran de l’ordinateur où des enfants de 5 ans essaient de suivre leur cours…chacun chez eux…. Ma petite fille appuie sur l’icône « unmute » de son ordinateur et répond  : dans un pays où il n’y a pas le coronavirus….comme quoi les enfants...)

La veille,

Dans le quartier, il y a eu devant une école fermée, une distribution de nourriture gratuite : dans un grand sac en plastique, on y voyait et c’est ce qui m’a étonné, des produits de qualité : bouteille de lait, vrai beurre, fruit, légumes. On m’en a proposé un… et moi qui promenais mes petits-enfants j’ai d’abord refusé. Étant surprise que l’on me le propose et sachant qu’on n’en avait pas besoin…mais je me suis sentie mal à l’aise quand même ( c’était deux jeunes qui faisaient la distribution et demandaient l’adresse et le nom des personnes auxquelles ils donnaient ces denrées) une manière de dire….mais je ne suis pas pauvre moi !

(je dois avouer quand même que quand j’ai vu ce morceau de beurre et que je savais qu’il n’y en avait plus dans le frigidaire, j’en ai eu envie!)

Mais ça n’en est pas resté là…

À côté de moi, il y avait une vieille dame du quartier qui marchait avec une canne et à qui on a donné aussi un de ces grands sacs…alors que j’expliquais que je n’étais pas du quartier, que je n’étais que de passage etc…elle a dit aux jeunes de m’en donner un, et m’a sommé de le prendre … tout le monde a le droit d’en avoir un dans sa rue à elle, et en plus on ne refuse pas de la nourriture gratuite ! Elle a ajouté que je pouvais donner les denrées à un des voisins qui en voudraient certainement…

On a parlé et elle m’a montré où elle habitait dans cette rue, anciennement presque peuplée à 100 % par la communauté afro-américaine comme beaucoup de quartiers de la ville de Washington. Ces 20 dernières années, le phénomène de gentrification a fait que d’anciennes maisons en mauvais état que les propriétaires avaient du mal à entretenir ou qui étaient endettés ont été rachetées pour une bouchée de pain par des sociétés immobilières qui les ont démolies et ont construit des petits immeuble avec 2 ou 3 appartements à leur place…D’autres, ont été aménagées par des propriétaires plus fortunés…ceux qui n’ont pas besoin qu’on leur donne de nourriture gratuite parce qu’ils en ont assez…

(Il semble que la distribution de nourriture était organisée par une association de l’école pour les habitants du quartier)

Finalement, j’ai donc accepté les denrées mais me suis sentie une fois de plus mal à l’aise quand on m’a demandé à moi cette fois-ci mon nom et l’adresse…(certainement pour des raisons légitimes) et j’ai été les remettre aux voisins d’Amérique latine du sous-sol ( où on entendait de la musique, les autres locataires étant absent) en leur signalant qu’il y avait une distribution de nourriture. Je doute qu’ils y soient allés car ils sont méfiants n’ayant peut-être pas leurs papiers en règle, je peux imaginer que ça leur ferait peur de donner leur identité.

D’un côté de la rue, une communauté noire, citoyens du pays mais avec toutes les discriminations que l’on connaît et de l’autre, une communauté d’Amérique latine qui elle vit cachée parce que sans papiers…et ici et là…d’autres encore dont peu s’implantent de manière permanente. Avec la pandémie, et le télétravail, vivre à Washington même pour limiter les déplacements, n’est plus autant un atout…et tout autour beaucoup de restaurants ont fermé, alors qui sait ce que ce quartier qui était en plein essor deviendra…

Il y a toute sorte de pauvreté en tout cas  même si le mot pauvre ne colle pas…pour décrire ni les uns, ni les autres…ils ne ressemblent d’aucune manière à ses êtres déshumanisés… que l’on le voit sur ses images dont on nous bombarde à la TV pour que l’on contribue à des projets dans des pays que l’on ne connaît pas…

Donner et recevoir…

Moi. Je n’en ai pas besoin, donnez-le aux autres :

Attitude qui paraît altruiste mais ne l’est pas du tout ; une manière de dire, je ne fais pas partie de ceux-là…pour qui me prenez-vous?

Rien de plus humiliant par certains côtés que d’être obligé d’accepter de la nourriture…(quand on se croit mieux que cela…)

Bienheureux les pauvres en esprit dit Jésus….

Tant pour celui qui donne que celui qui reçoit…

Me voilà corrigée !

P.S Partager, par contre, c’est tout autre chose, tout le monde est gagnant : combien de pains et de poissons avez-vous demanda Jésus aux disciples avant de faire le miracle de la multiplication des pains… 

La richesse: un piège

11 Mars 2021

Le thermomètre est monté jusqu’à 20 ! J’y crois vraiment maintenant au printemps…et l’idée du careme ne s’accorde pas avec l’ambiance de fête de la nature dehors

Marc 10 : 23-27

Jésus, regardant autour de lui, dit à ses disciples: Qu’il sera difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu! Les disciples furent étonnés de ce que Jésus parlait ainsi. Et, reprenant, il leur dit: Mes enfants, qu’il est difficile à ceux qui se confient dans les richesses d’entrer dans le royaume de Dieu! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. Les disciples furent encore plus étonnés, et ils se dirent les uns aux autres: Et qui peut être sauvé?  Jésus les regarda, et dit: Cela est impossible aux hommes, mais non à Dieu: car car tout est possible à Dieu.

La leçon

La rencontre ratée avec le jeune homme riche ( on ne dit pas jeune dans l’évangile de Marc), a fini tristement. Mais l’épisode est loin d’être terminé car il est l’occasion pour Jésus de faire un commentaire sur ce qui vient de se passer et d’enseigner à ses disciples, une éthique qui continue à être exigeante, bien enracinée dans la situation concrète de cette rencontre qu’ils vivent dans la Palestine du 1er siècle.

Quand il s’agit d’enseignement, il est difficile pour nous de penser autrement que dans le cadre d’un univers statique, où un professeur fait un discours et face à lui se trouvent des étudiants qui l’écoutent attentivement. L’endroit où ils se trouvent apparaît être un lieu fermé, retiré de la vie réelle, un espace à part, séparé du monde dans lequel on vit et lutte au quotidien. Quand on en sort, on se retrouve dans une autre réalité où les leçons du professeur perdent de leur consistance et de leur pertinence ( les sermons aussi, bien souvent)

Dans cet évangile, les enseignements de Jésus se font en chemin et à l’occasion de rencontres ce qui leur enlève énormément le poids de vérités acérées sur des thèmes préparés à l’avance. Pas d’annonce du style « Aujourd’hui on va parler des problèmes de la richesse » Rien de tout cela ! Et c’est vraiment dommage que ce soit la manière dont on aborde les textes évangéliques en ajoutant souvent des titres pour les mettre à l’intérieur d’un cadre abstrait, artificiel d’un concept ou d’un thème. Ce n’est jamais comme ça que ça se passe dans la vie, en tout cas dans le texte de Marc.

On a un homme que l’on découvre avoir de grands biens et qui vient interroger Jésus sur le thème de la vie éternelle et celui-ci lui répond en lui proposant de devenir un de ses disciples : c’est seulement face à son refus que la leçon va être donnée, d’abord la réaction de Jésus qui va se désoler des effets de la richesse, ensuite la contastation qu’elle est un obstacle pour entrer dans le royaume de Dieu,

Jésus, regardant autour de lui, dit à ses disciples: Qu’il sera difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu!

la réaction des disciples

En un deuxième temps, on a la réaction des disciples qui certainement n’appartenaient pas à la même classe sociale que cet homme.Les disciples réagissent comme l’homme de la rue, qui aimerait être riche et vivre dans les conditions de vie privilégiées de celui que Jésus vient de rencontrer : comment se fait-il qu’il soit difficile d’avoir la vie éternelle pour lui qui est riche, lui pour qui tout est facile, lui qui peut tout acheter? Comment est-il possible qu’être riche puisse nous nuire ? Leur réaction est tout à fait plausible et cohérente comme l’a été celle de celui qui décide de ne pas suivre Jésus . Cette réaction de surprise elle est répétée deux fois…mettant en exergue le caractère inusuel des valeurs prônées par Jésus.

En ce qui concerne la question de la richesse, il n’y a pas dans la tradition du judaïsme un éloge de la pauvreté. On a cette attitude très sage que l’on trouve dans le livre de Proverbes :

Ne me donne ni pauvreté, ni richesse, Accorde-moi le pain qui m’est nécessaire. De peur que, dans l’abondance, je ne te renie Et ne dise: Qui est l’Eternel? Ou que, dans la pauvreté, je ne dérobe, Et ne m’attaque au nom de mon Dieu.

Cependant, à l’époque de Jésus, les Esséniens préconisaient de vivre pauvrement et dans la secte juive d’ou nous viennent les documents du Qmran, il y avait aussi une éthique de pauvreté. L’idée n’est donc pas totalement nouvelle mais la réaction des disciples montre quand même qu’elle n’était pas monnaie courante en tout cas dans le milieu auquel appartenait les disciples.

Jésus comme il l’a fait avant pour la question du divorce, ne tempère pas ce qu’il vient de dire mais il redouble sur le thème en donnant l’illustration du chameau (le trou de l’aiguille étant une porte de la ville)

 Les disciples furent étonnés de ce que Jésus parlait ainsi. Et, reprenant, il leur dit: Mes enfants, qu’il est difficile à ceux qui se confient dans les richesses d’entrer dans le royaume de Dieu! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. Les disciples furent encore plus étonnés, et ils se dirent les uns aux autres: Et qui peut être sauvé?  Jésus les regarda, et dit: Cela est impossible aux hommes, mais non à Dieu: carcar tout est possible à Dieu.

Dans sa réponse Jésus explique la raison de cette difficulté quand il parle de « la confiance dans les richesses ». C’est la pierre de touche de son raisonnement : comme on l’a noté auparavant, quand on a tout, on n’a pas le sentiment d’avoir besoin de Dieu, on ne s’inquiète pas du lendemain mais surtout on a beaucoup à perdre quand poursuivre les valeurs du royaume de Dieu risque de mettre en danger ce que l’on a et dont on ne veut pas se séparer. On n’est pas libre de parler en vérité et d’agir avec intégrité si on a peur de confronter les personnes qui contrôlent nos ressources financières.

Il n’y a même pas besoin d’être spécialement chrétien pour le comprendre: à travers, l’histoire, il y a eu ces hommes et ces femmes qui ont tout risqué pour défendre le droit des autres. Accepter de renoncer à tous ses biens, n’est pas une condition propre à ceux qui veulent être disciples du Christ, car ici Jésus énonce un principe universel que connaissent ceux qui ont voulu « changer le monde » : pour réussir une révolution, il faut être prêt à tout donner.

Et comme l’histoire le démontrera, c’est grâce à la force de ce renoncement qui les conduira au martyre (et pas grâce au pouvoir de l’argent ni des armées), que ce petit groupe de disciples insignifiants fera que le message de Jésus deviendra l’église universelle qui inclut des millions de gens dans le monde entier aujourd’hui. Le miracle de l’expansion du christianisme est celui-là.

Malheureusement quand on étudie l’histoire du christianisme, on nous la raconte comme une succession de conquête militaires territoriales où l’évangélisation suit l’avancée des armées une conception fausse car c’est plutôt le contraire qui s’est passé. On oublie que sans ses hommes et ses femmes, ses premiers disciples ( et je ne veux pas dire que les 12 ) prêts à tout sacrifier comme Jésus le leur avait enseigné, le message de l’évangile serait tombé dans la désuétude. Les conquêtes militaires, elles sont venues bien après !

La richesse : un obstacle

La richesse, un obstacle, c’est ce que je retiens dans cet enseignement de Jésus : un obstacle parce son acquisition bouffe toute notre énergie au détriment de causes plus valables, un obstacle, parce qu’elle nous rend timoré et nous enseigne la peur de perdre la fausse sécurité qu’elle nous prodigue, un obstacle surtout, parce-qu’elle nous enlève la liberté de parole et d’action du prophète que nous sommes tous appelés à être à un moment donné de notre vie si nous décidons de le suivre.

Pour les disciples , le baptême par le feu a été l’arrestation de Jésus….. et le grand encouragement pour nous, c’est que s’ils n’ont pas été à la hauteur, à ce moment là,  ils le seront plus tard: avec Jésus on peut tomber et se relever, ou plutôt être relevé quand on accepte de prendre sa main qui nous est tendue.

Mais on en n’est pas encore là dans l’histoire…

P.S Qui sait si cet homme que Jésus a rencontré n’a pas plus tard décidé de faire le grand saut, on ne le sait pas … un beau sujet de roman pour ceux qui savent les écrire…

Article qui traite de l’attitude des Esséniens sur la pauvreté: Broshi, M. (2000). MATRIMONY AND POVERTY: JESUS AND THE ESSENES. Revue De Qumrân, 19(4 (76)), 629-634. Retrieved March 12, 2021, from http://www.jstor.org/stable/24662972

Pandémie et Folie humaine

16 mars 2021, Washington D.C

Ici en pleine ville, on ne voit pas le printemps… surtout que le temps s’est rafraîchi… malgré tout, on entend les oiseaux quand les sirènes sont silencieuses…

Tout le monde a marqué d’une manière ou d’une autre, l’anniversaire du jour où l’épidémie du Covid-19 a été déclarée une pandémie…et essaie de proposer un bilan….

Alors que de ce côté de l’Atlantique, on voit le bout du tunnel et on a l’impression que des jours meilleurs arrivent, cette fois-ci, c’est de l’autre côté que les choses ont l’air de mal se passer : je n’y comprends rien…chiffres qui remontent, polémiques autour d’un vaccin, les informations que je lis vont dans tous les sens et aussi ce que j’entends de mes proches… C’est difficile de se faire une idée…

Ce qui m’interpelle le plus c’est la guerre des informations : qui croire est la grande question, quels médias, quels réseaux sociaux… Entre les négationnistes et les alarmistes, on a toute la gamme… on navigue dans des eaux encombrées de médecins, d’experts, de chercheurs divers qui se contredisent et la politisation à outrance d’un phénomène pourtant bien concret où chiffres, statistiques, observations au microscope ne devraient pas conduire à des conclusions et des avis tellement contradictoires…Et pourtant…

Comment en est-on arrivé là ?

C’est vraiment la faillite du progrès humain, ou plutôt de l’arrogance des discours sur les avancées scientifiques : si on considère qu’avoir un vaccin si vite est un exploit, il y a eu tellement de ratés dans cette histoire et il continue à y en avoir tellement qu’on aurait tort de se féliciter.

L’être humain est vraiment une créature étrange, un tissus de contradiction, de sagesse et de déraison, de bonté et de cruauté, d’intelligence et d’ignorance…et on pourrait continuer à les énumérer et les citer ces contradictions…la liste risquerait d’être bien longue

Blaise Pascal, lui a su le dire avec tellement d’éloquence !

Alors, voilà quelques unes de ses citations pour se faire plaisir :

Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser.

Les hommes sont si nécessairement fous, que ce serait être fou, par un autre tour de folie, de n’être pas fou.

Incompréhensible que Dieu soit, et incompréhensible qu’il ne soit pas.

À méditer!

La tiédeur

le 9 mars 2021, la Virginie

La tiédeur,

Rien de plus agréable que la tiédeur

On peut s’y asseoir confortablement

 Fermer les yeux et…

Somnoler,

Prétendre que rien d’autre n’existe

Sinon ce lieu calme et tranquille

sans heurts,

sans cris,

sans personne

pour le perturber

sans rien

pour nous perturber

La tiédeur

Rien de plus agréable

mais aussi de plus dangereux

justement parce que…

On peut s’y asseoir confortablement

fermer les yeux et

Somnoler…

prétendre que rien d’autre n’existe

sinon ce lieu calme et tranquille

sans heurts,

sans cris,

sans personne

pour le perturber

sans rien

pour nous perturber,

La tiédeur,

ce bain chaud

ce lit douillet

on peut s’endormir dedans

             et ne plus jamais vouloir

             ni pouvoir

            se réveiller

La tiédeur,

            ni chaud, ni froid…

Tu n’es ni froid ni chaud. Plût à Dieu que tu fusses froid ou chaud! Aussi, parce que tu es tiède et que tu n’es ni froid ni chaud je vais te vomir de ma bouche. (Apocalypse 3:16)

La tiédeur : attention !

Prière universelle

Samedi 6 Mars, 2021

La visite du pape en Iraq me réjouit pour beaucoup de motifs, en particulier pour le soutien qu’elle représente à cette minorité persécutée, descendante des toutes premières communautés chrétiennes, décimée pendant cette dernière décennie, qui a dû s’exiler et dont il ne reste qu’un petit groupe de fidèles. Et aussi, parce que toutes communautés confondues, ce peuple a énormément souffert et continue à être le centre d’une guerre sourde et dévastatrice qui les affecte tous.

* * *

Je me souviens de la conférence internationale des églises anabaptistes à Bulayawo, Zimbabwe  en 2003 : beaucoup de pays occidentaux boycottaient le Zimbabwe pour des raisons compréhensibles ( corruption, autoritarisme, violence gouvernementale etc.) et le pays était dans un état lamentable, surtout économiquement parlant, le boycott affectant les plus pauvres come d’habitude : c’était aussi au plus haut de l’épidémie du Sida où les gens tombaient comme des mouches !

Les dirigeants des églises en Europe et aux États Unis ne savaient pas s’ils devaient y tenir leur conférence ou joindre ce boycott, ne voulant pas donner l’opportunité au gouvernement de l’utiliser pour sa propagande. Ils ont donc consulté avec l’église du Zimbabwe qui, elle les a encouragés à venir en marque de solidarité avec eux, leurs frères et sœurs dans ces moments de souffrance : être présent auprès d’eux, c’était plus important que tous les discours et les déclarations que l’on aurait pu faire.

Et pour nous qui y avons participé, l’accueil et la foi de cette communauté a été une occasion de découverte et de moments partagés inoubliables. J’en suis revenue comme dans beaucoup d’autres situations semblables, en me disant à moi-même : femme de peu de foi !

* * *

En tout cas en ce samedi, jour de pause, je recopie cette belle prière du pape François  ( j’imagine qu’il a dû avec d’autres, bien pesé chaque mot quand il l’a écrite)  au cours de cette rencontre :

Dieu Tout-Puissant, notre Créateur qui aime la famille humaine et tout ce que tes mains ont accompli, nous, fils et filles d’Abraham appartenant au judaïsme, au christianisme et à l’islam, avec les autres croyants et toutes les personnes de bonne volonté, nous te remercions de nous avoir donné comme père commun dans la foi Abraham, fils éminent de cette noble et bien-aimée terre.

Nous te remercions pour son exemple d’homme de foi qui t’a obéi jusqu’au bout, en laissant sa famille, sa tribu et sa patrie pour aller vers une terre qu’il ne connaissait pas.

Nous te remercions aussi pour l’exemple de courage, de résistance et de force d’âme, de générosité et d’hospitalité que notre père commun dans la foi nous a donné.

Nous te remercions en particulier pour sa foi héroïque, manifestée par sa disponibilité à sacrifier son fils afin d’obéir à ton commandement. Nous savons que c’était une épreuve très difficile dont il est sorti vainqueur parce qu’il t’a fait confiance sans réserve, que tu es miséricordieux et que tu ouvres toujours des possibilités nouvelles pour recommencer.

Nous te remercions parce que, en bénissant notre père Abraham, tu as fait de lui une bénédiction pour tous les peuples.

Nous te demandons, Dieu de notre père Abraham et notre Dieu, de nous accorder une foi forte, active à faire le bien, une foi qui t’ouvre nos cœurs ainsi qu’à tous nos frères et sœurs ; et une espérance irrépressible, capable de voir partout la fidélité de tes promesses.

Fais de chacun de nous un témoin du soin affectueux que tu as pour tous, en particulier pour les réfugiés et les déplacés, les veuves et les orphelins, les pauvres et les malades.

Ouvre nos cœurs au pardon réciproque et fais de nous des instruments de réconciliation, des bâtisseurs d’une société plus juste et plus fraternelle.

Accueille dans ta demeure de paix et de lumière tous les défunts, en particulier les victimes de la violence et des guerres.

Aide les autorités civiles à chercher et à retrouver les personnes qui ont été enlevées, et à protéger de façon particulière les femmes et les enfants.

Aide-nous à prendre soin de la planète, maison commune que, dans ta bonté et générosité, tu nous as donnée à tous.

Soutiens nos mains dans la reconstruction de ce pays, et donne-nous la force nécessaire pour aider ceux qui ont dû laisser leurs maisons et leurs terres à rentrer en sécurité et avec dignité, et à entreprendre une vie nouvelle, sereine et prospère.

AMEN !

Une rencontre ratée

2/4 mars 2021, la Virginie

Dans le calendrier liturgique, on s’avance à grands pas vers Pâques.., on n’y est pas encore dans cet évangile mais ça viendra bientôt….et pour ce qui est des actualités ici, c’est plutôt calme  : les élections sont passées, le nouveau président n’envoie pas des tweets à tout bout de champ et l’ancien est toujours banni de la « tweetosphère » On est en période de jeûne, ça tombe bien !

Marc 10 : 17-23

Comme Jésus se mettait en chemin, un homme accourut, et se jetant à genoux devant lui: Bon maître, lui demanda-t-il, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle?

Jésus lui dit: Pourquoi m’appelles-tu bon? Il n’y a de bon que Dieu seul.

Tu connais les commandements: Tu ne commettras point d’adultère; tu ne tueras point; tu ne déroberas point; tu ne diras point de faux témoignage; tu ne feras tort à personne; honore ton père et ta mère.

Il lui répondit: Maître, j’ai observé toutes ces choses dès ma jeunesse.

Jésus, l’ayant regardé, l’aima, et lui dit: Il te manque une chose; va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, et suis-moi.

Mais, affligé de cette parole, cet homme s’en alla tout triste; car il avait de grands biens.

Jésus, regardant autour de lui, dit à ses disciples: Qu’il sera difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu!

Une rencontre inopinée

Bon maître, lui demanda-t-il, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle?

On voit défiler dans cet évangile toutes sortes de personnes qui s’approchent de Jésus parce-qu’elles ont une requête particulière pour elles-mêmes ou pour un de leurs proches. On vient de voir la demande que Jésus touche ou bénisse des enfants à laquelle il accède avec plaisir, malgré les réticences de ses disciples. Cette fois-ci c’est un homme qui se jette à ses pieds : première fois qu’on voit un tel geste, première fois que Jésus est qualifié de bon, première fois aussi que la demande n’est pas matérielle mais spirituelle, une rencontre donc qui est rapportée parce-qu’elle sort de l’ordinaire.

(Même si ce n’est que plus tard que l’on saura qu’il est riche, je ne peux m’empêcher de penser que sa question en est une évidence : il n’a pas de nécessité matérielle pressante, il a donc tout le loisir de se poser des questions spirituelles comme celle de la vie éternelle…)

L’auteur ne met pas en doute la bonne foi de cet homme ( il n’y a pas de commentaire comme pour le divorce où il est dit que la question était pour l’éprouver) mais la question que lui pose Jésus peut sembler une remise en cause du qualificatif de « bon » et a suscité de nombreux commentaires : exprime-t-elle la surprise, est-ce un reproche ou une affirmation qu’il a vu juste en lui attribuant des qualité divines? La question de la divinité de Jésus n’étant jamais très loin, certains y ont vu une manière de confirmer ou au contraire d’infirmer son égalité avec Dieu…

Le plus naturel, dans ce contexte, me semble-t-il est tout simplement la surprise de se voir qualifier aussi généreusement par cet inconnu, l’obligeant par sa question à peser les mots qu’il a peut-être dit à la légère pour s’attirer les bonnes grâces de Jésus, une manière de lui dire : tu penses vraiment ce que tu dis quand tu m’appelles bon maître ? Surtout, considérant comme il sera noté plus tard que son apparence a dû mettre en évidence qu’il s’agit d’un homme riche, sa surprise pouvait venir du fait qu’il appartenait à un milieu qui lui était généralement plutôt hostile.

Les critères de Jésus pour la vie éternelle

Tu ne commettras point d’adultère; tu ne tueras point; tu ne déroberas point; tu ne diras point de faux témoignage; tu ne feras tort à personne; honore ton père et ta mère.

Il est intéressant de noter que les commandements que Jésus cite ont tous à voir avec des règles de vie. Les premiers, en tout cas dans le texte de l’Exode qui affirment la suprématie de Dieu, l’interdiction de faire des images, de ne prononcer son nom qu’avec respect et d’observer le sabbat, ne sont pas mentionnés, peut-être parce-qu’ils sont une évidence, tellement normatifs pour un juif qu’il n’est pas besoin de les rappeler. Seuls ceux concrets et relationnels, qui indiquent ce qu’il faut ou ne faut pas faire sont inclus dans la liste.

(Dans cette liste ce qui a frappé beaucoup d’exégètes est le fait que Jésus a ajouté à la liste, μὴ ἀποστερήσῃς ce qui est traduit en français, ” tu ne feras tort à personne”  et qui n’est pas inclus dans le décalogue. Il a été suggéré que cette liste pourrait provenir de Malachi 3:5 « Je m’approcherai de vous pour le jugement, Et je me hâterai de témoigner contre les enchanteurs et les adultères, Contre ceux qui jurent faussement, Contre ceux qui retiennent le salaire du mercenaire, Qui oppriment la veuve et l’orphelin, Qui font tort à l’étranger, et ne me craignent pas, Dit l’Eternel des armées » Selon cette interprétation, Jésus pourrait insinuer que la richesse pourrait être acquise au détriment des plus vulnérables ce qui serait un acte condamnable pour un homme riche comme lui)

En tout cas, Jésus ne fait pas de qui il est le critère de l’accès à la vie éternelle ni de la reconnaissance de son identité mais d’une éthique de vie…C’est le rapport à autrui qui prime, non le rapport à Dieu qui lui est donné comme acquis.

Jésus l’aima

Une autre remarque étonnante : on a vu Jésus exprimer de la compassion pour les foules, de l’admiration pour la foi des femmes qui l’ont approché pour la délivrance ou la guérison d’un de leurs proches , mais c’est la première fois qu’il est parlé de l’amour de Jésus pour un individu particulier.

On peut en tirer toute sorte de conclusion, mais l’auteur, une fois de plus est sobre : il ne propose pas de commentaire.

Ce qui me semble le plus naturel, (sans aller chercher midi à 14 heures) est que Jésus a apprécié de rencontrer quelqu’un qui n’était pas satisfait de la manière dont il vivait, même si comme sa réponse le montre, il était un bon juif qui obéissait aux commandements et aurait été considéré comme un homme de bien : il voulait lui aller plus loin. La sincérité de son désir , sa soif d’absolu ou de perfection, d’une générosité plus grande a certainement plu à Jésus.

Jésus répond donc à sa requête en lui disant que s’il veut vraiment aller plus loin, il peut devenir un de ses disciples : mais comme il l’a déjà fait auparavant il met la barre très haut et dans son cas, sachant que cet homme avait de nombreux biens, il lui demande de les vendre tous.

Il te manque une chose; va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, et suis-moi.

Cette demande à ce stade du récit ne paraît pas étonnante de la part de Jésus : on retrouve l’exigence d’une conduite exemplaire et sacrificielle qu’il demande à ses disciples, avec l’interdiction du divorce énoncée plus haut, être prêt a mourir et à porter sa croix et bien d’autres encore qu’il a mentionné après l’annonce de sa passion à venir. Ce qui est différent c’est qu’avant, il s’adressait à ses disciples ou à des personnes qui appartenaient à un milieu socio-économique beaucoup moins favorisé et donc n’avait pas eu besoin de parler de la richesse : on ne peut pas renoncer à ce qu’on n’a pas. Mais, on est face maintenant à une personne dont on ne connaît pas le nom et pour lequel l’unique caractéristique que l’on aura est qu’il était très riche.

En lui demandant de vendre ce qu’il a et de le donner aux pauvres, Jésus lui a révélé ce que cet homme a priori généreux ne savait pas lui-même: qu il était attaché au mode de vie confortable et agréable que lui permettait ses richesses plus qu’il ne l’imaginait. On aurait tort de dire que c’est parce-qu’il était matérialiste : ça donne une fausse idée de ce que signifie la richesse, ce n’est pas tant le plaisir de la possession comme on la voit dans l’Avare de Molière, il n’était pas avare…mais être riche permet d’avoir une vie facile.

Quand on y réfléchit, être riche, contrairement à ce que l’on pense généralement, ce n’est pas seulement avoir de l’argent dans la banque, c’est ne pas avoir à se préoccuper pour le lendemain, (comme Jésus sait être la préoccupation de ceux que l’entourent, raison pour laquelle, il inclut la demande du pain quotidien dans le Notre Père) On a la sécurité du lendemain, on sait qu’on aura de quoi manger, on sait qu’on aura de quoi boire, on sait qu’on ne risque pas de se faire expulser de son domicile, on sait qu’on pourra avoir accès au meilleurs soins médicaux, aux meilleurs écoles pour ses enfants… on sait qu’on n’aura pas à travailler dans des conditions difficiles de l’aube à la tombée du jour sous le soleil brûlant ou la pluie battante…, on sait qu’on pourra payer quelqu’un pour faire les tâches quotidiennes difficiles ou répétitives… et la liste pourrait être encore plus longue…Vendre ses biens, c’est se retrouver sans ces sécurités basiques qui facilitent la vie.

Mais, affligé de cette parole, cet homme s’en alla tout triste; car il avait de grands biens.

On peut comprendre le refus du jeune homme mais aussi sa tristesse et sa déception. On comprend qu’il n’ait pas envie de tout quitter pour suivre Jésus, ce prédicateur itinérant et sa bande de va-nu pieds, qui ne savaient d’où leur viendrait leur prochain repas… Mais sa tristesse, sa déception c’est aussi de découvrir ses limites, de perdre ses illusions sur lui-même : il se croyait mieux que ça, il était conscient qu’il lui manquait quelque chose que ses biens matériels ne pouvaient lui offrir : mais la barre était trop haute. Jésus ne lui a pas offert de demie-mesure, c’est tout ou rien… dans cette Palestine du 1er siècle, suivre ce Jésus qui allait être crucifié, c’était prendre des risques que Jésus ne voulait pas lui cacher !

Dans cette optique, on peut comprendre aussi la remarque de Jésus quand le jeune homme renonce à le suivre :

Jésus, regardant autour de lui, dit à ses disciples: Qu’il sera difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu!

Quand on a tout, on ne voit pas l’intérêt d’entrer dans le royaume de Dieu, on a besoin de rien, on a même pas besoin de Dieu lui-même  : de le prier pour demander son pain quotidien car il est toujours assuré, on n’a pas besoin de le supplier de nous faire justice, car on a les moyens de payer les meilleurs avocats, on n’a pas besoin de venir à Jésus pour être guéri, car on a les meilleurs médecins, on n’attend pas le bonheur dans la vie éternelle car on l’a déjà dans la vie réelle. Quand on a rien ou pas grand-chose, c’est plus facile car d’une certaine manière on n’a rien à perdre et tout à gagner. (Et c’est d’ailleurs l’argument qu’utilise les détracteurs de l’évangile : et c’est parce qu’on ne peut pas tenir seul sur ces deux pieds qu’on se tourne vers la religion….On invente Dieu parce-qu’on a besoin de lui… )

Une rencontre ratée

Devant cette scène, qui sonne tellement vraie maintenant que je la relis,  j’ en oublie pour un moment tous les sermons qu’elle a pu suscité sur la question des maux de la richesse et des vertus de la pauvreté, il me semble découvrir ce qu’elle était d’abord : le récit d’une belle rencontre  mais d’une rencontre avortée.

Une rencontre entre un homme, riche en l’occurrence et que Jésus aima car il voit le potentiel dans cette personne avide d’une vie autre que celle qu’il mène… mais qui pourtant ne peut lâcher prise et Jésus, l’intransigeant qui reste fidèle à lui même ne baisse pas la barre: même s’il aime le jeune homme riche, il ne lui court pas après pour lui dire qu’il y a été un peu fort, que c’était une manière de parler, qu’il ne voulait pas dire ça, qu’il pouvait quand même venir… Il n’oblige personne à le suivre, avec lui c’est toujours à prendre ou à laisser.

Finalement, cette belle rencontre du début entre deux personnes différentes mais qui ont su s’apprécier le temps de croiser leur chemin, ce n’est pas une scène à la hollywood où tout finit bien, c’est une histoire qui termine mal:  ils ne poursuivent pas la route ensemble, ils repartent chacun de leur côté…

Une rencontre ratée en quelque sorte ; et c’est pourquoi, elle m’émeut particulièrement car la vie, c’est comme ça quelquefois…

P.S. Mais heureusement, l’histoire ne s’arrête pas avec cette opportunité manquée…

Le printemps

Le 2 mars 2021 , de retour chez nous…

Le cycle des saisons

Il fait froid mais le soleil brille…

le vent soufflait fort hier…

Un peu partout surgissent de terre des tiges vertes…

On est au mois de mars…

Le printemps va peut-être vraiment revenir…

Je m’étonne quand même,

en pensant à toute cette agitation constante, ce vacarme incessant, ces déclarations intempestives dans le monde des humains,

de voir cette constance têtue, cette force souterraine, cette activité invisible du monde de la nature, du cycle saisonnier

qui s’entête

à suivre sa route indifférent à ce qui se passe dans notre monde à nous

et qui le fait sans nous.

Surtout,

il est tellement difficile d’imaginer devant le spectacle désolé des arbres sans feuilles, de la terre gelée et stérile,

qu’au-dessous de tout cela,

la vie continue,

invisible à nos yeux.

On ne contrôle pas l’univers…(même si on peut le détruire)

* * *

Cette force invisible cachée, têtue qui éventuellement fait renaître les plantes et les fleurs disparues,

elle me rappelle,

cette autre force, invisible et cachée, et tout aussi têtue et persévérante si on veut bien s’en emparer,

!

la prière

Priez sans cesse dit l’apôtre !

Pour que le monde refleurisse!

Les femmes et les enfants d’abord

Le 18 février 2021, la Virginie

Marc 10:14-16

On lui amena des petits enfants, afin qu’il les touchât. Mais les disciples reprirent ceux qui les amenaient.

Jésus, voyant cela, fut indigné, et leur dit: Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas; car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent.

Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera point.

Puis il les prit dans ses bras, et les bénit, en leur imposant les mains.

Interruption bénie

Après, l’enseignement public sur le divorce et ses éclaircissements sur le remariage en privé pour répondre aux disciples, des enfants font interruption dans le récit. Où était Jésus à ce moment là ? Était-il en chemin, où était-il encore dans la maison qui est juste mentionnée ? Ou est-ce que l’incident rapporté ici ne s’est pas passé juste après cet enseignement ? Le texte ne le dit pas.

En réalité, peu importe !

Ce qui compte plutôt, c’est qu’on a déjà vu Jésus dans une scène précédente prendre et mettre un enfant au centre de sa prédication, un geste quelque peu inhabituel. Par contre, on avait aussi noté qu’il n’était pas inhabituel que l’on demande à un rabbin, de bénir des enfants, et ici c’est ce que le texte suggère :

On lui amena des petits enfants, afin qu’il les touchât.

Le texte ne dit pas qui a amené les enfants, mais on peut facilement imaginer que c’était des femmes qui naturellement voudraient que leurs enfants soient « touchés »par un homme qui avait la réputation d’avoir un don de guérison et d’expulsion des démons…quelle mère ne cherche pas à protéger ses enfants et ne rate pas une seule opportunité de les voir s’approcher d’un homme que l’on dit envoyé de Dieu pour les libérer de toutes sortes de maux présents ou à venir, (le mauvais œil y compris)? Attitude superstitieuse, diraient certains mais que Jésus ne censure pas et on retrouve ici l’autre Jésus, pas celui intransigeant qui reprend ses disciples, mais le Jésus compatissant, tendre qui accueille ceux qui sont normalement relégués au second plan et n’ont pas le droit au chapitre (à prendre littéralement ici si on en croit l’origine religieuse de cette expression)

Et ces deux Jésus, en quelque sorte, se retrouvent présents dans cette scène…car effectivement il reprend ses disciples pour avoir rabroué non pas les enfants mais les personnes qui les ont amenés (je n’avais pas remarqué auparavant que c’étaient ceux qui les avaient amenés qui étaient l’objet des foudres des disciples, pas les enfants).

Encore une fois les disciples ont le mauvais rôle, mais leur réaction est tellement naturelle dans ce contexte : des femmes avec des enfants bruyants sinon braillards ou pleurnicheurs ne sont pas vus comme des interlocuteurs dignes de s’approcher de leur maître Jésus. Désir de le protéger de personnes importunes? Plus vraisemblablement, étant donné le portrait qu’il est fait d’eux, une tentative de contrôler ceux qui veulent l’approcher révélant leur plaisir coupable d’avoir l’exclusivité d’un accès direct à sa personne.

Mais Jésus n’est pas la propriété des disciples, et il le leur fait savoir une fois de plus: c’est lui qui décide où il veut aller, quand il est temps de renvoyer une foule ou de lui donner à manger …et c’est lui qui décide qui a le droit de s’approcher de lui.

Jésus, voyant cela, fut indigné, et leur dit: Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas;

Herméneutique tendancieuse ou aparté féminine

Et là je ne vais pas hésiter à faire une lecture sinon féministe, mais en tout cas féminine du texte car la réaction des disciples, si elle était facilement compréhensible dans le contexte culturel de la Palestine du 1er siècle, elle est encore d’actualité dans beaucoup de lieux où l’évangile est prêché…2000 ans après…

On ne peut pas être mère avec des enfants en bas âge et ne pas être profondément émue et réconfortée par cette réaction d’indignation de Jésus et ses paroles d’accueil chaleureux à leur égard. Il reprend les disciples, et il a bien raison : d’abord ils voulaient que ce soit possible de prendre une nouvelle épouse après avoir répudié la première, maintenant ils veulent dépêcher femmes et enfants aux oubliettes…

On connaît toutes, la difficulté de devoir faire tenir des enfants en place pendant un culte religieux ou une messe et de devoir en plus se payer les regards réprobateurs des gens qui se retournent parce que les petits osent faire du bruit et interrompre leur train train tranquille du dimanche matin… On n’a qu’une envie c’est que le sermon termine promptement, qu’il y ait beaucoup de chants et de cantiques pour couvrir leurs cris éventuels, que les temps de prières soient réduits au minimum ( à moins qu’on ne soit dans une église pentecôtiste ou tout le monde prie en même temps et à haute voix) et on attend la fin avec impatience pour pouvoir les laisser gambader en paix…

Je ne dirai pas que ces moments qui se veulent de célébration de la communauté sont un chemin de croix pour les mères, (heureusement, maintenant les pères s’ils sont là sont plus réactifs qu’avant) mais ils ne sont certainement pas une joie : les enfants en bas âges sont bruyants, généralement agités et certains particulièrement turbulents, pas du tout souriants et silencieux comme on les montre sur les belles photos des revues féminines et des portraits des familles de la royauté…

( je dois reconnaître qu’à l’heure qu’il est, il y a beaucoup de communautés chrétiennes qui ont fait un effort pour que les enfants trouvent leur place mais ça n’empêche pas….les regards courroucés de certains membres de la congrégation quand ce n’est pas du prédicateur dont on ose perturber le sermon bien ficelé le problème c’est que les cultes/messes sont dans des espaces fermés et pas à l’air libre…. Pourtant si j’ai des mauvais souvenirs de moments tendus pour essayer de faire taire des enfants bruyants, j’ai aussi des bons souvenirs quand j’ai été dans des lieux où on leur laissait libre cours, dans des cultes quechuas par exemple où les mères en plus allaitaient une ribambelle d’enfants sur les bancs de derrière sans que ça gêne qui que ce soit…En tout cas, c’est toujours avec un plaisir malin, que j’aime citer ce passage de l’évangile quand les gens se plaignent des enfants qui perturbent les cultes religieux…)


Un retournement complet de nos valeurs et nos hiérarchies

Alors, je ne voudrais quand même pas pour autant passer sous silence les implications théologiques profondes de l’enseignement de Jésus quand il affirme :

Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera point.

Pourtant, en tant que femme, ce n’est pas la leçon théologique que je retiens de ce passage, mais cette réaction impromptue de Jésus devant une interruption d’enfants qui au lieu de le déranger, devient l’occasion d’une leçon sur les valeurs du Royaume. Et pour une fois, sa réaction d’indignation envers ses disciples, ne me paraît pas choquante ou malheureuse… un trait de caractère à déplorer…mais au contraire une valorisation inattendue des personnes qui avec leurs enfants sont généralement exclues de la prédication de la bonne nouvelle.

L’ interruption au milieu de tâches ou d’activités que l’on considère sérieuses et importantes est la marque de fabrique des enfants ( une marque quelque fois particulièrement pénible, surtout en ces temps de pandémie où les femmes font du télétravail et essaient en même temps de les surveiller) et la réaction de Jésus dans cette scène rapportée qui fait irruption dans le récit remet en cause un ordre hiérarchique et un système de valeur plus sûrement et plus clairement même que ses paroles sur le sujet. On aurait tort de ne pas s’y arrêter, même si ce ne sont que deux versets qui sont coincés entre deux enseignements qui semblent plus importants dans la formation des disciples : l’un sur le mariage et l’autre qui viendra après sur la richesse.

Faut-il ajouter que comme souvent, c’est dans le contexte d’un événement du quotidien que Jésus donne ses plus belles leçons ?

( et on laissera les exégètes décider si c’est le rédacteur de l’évangile qui crée l’interruption du récit ou tout simplement le quotidien de Jésus et de ses disciples)

En tout cas, pourquoi ne pas le dire… on lit toujours l’évangile avec sa propre grille d’interprétation, que l’on veuille l’admettre ou non !