Le grand saut en arrière

Le 9 avril 2022, Auvergne,

Surréaliste,

C’est le mot qui me vient à l’esprit… ce parallèle troublant entre la fiction et le réel…

Hier soir, je voyais cet épisode à la télévision, de l’acteur comique devenu président, un peu perdu dans son rôle inespéré où  il se retrouve d’un jour à l’autre à la tête de la nation…naïf et bon enfant, jeté au milieu d’un monde corrompu, découvrant les privilèges inespérés des hommes d’État. Tout à coup, tous ses problèmes sont résolus : sa dette est miraculeusement payée, ses amendes sont annulées et les plaintes contre lui retirées. On le voit entouré de sa famille et de ses amis qui profitant de l’aubaine revendiquent leur lien avec lui pour promettre des postes aux différents ministères du gouvernement, aux plus incompétents de leurs proches. Un programme de télévision drôle, enjoué mais qui ne manque pas au passage de faire une critique acerbe des hommes au pouvoir…

Sauf que,

Cet acteur président, est devenu dans le monde réel, président : son visage poupon est maintenant ferme et résolu, son costume cravate a été troqué pour un gilet pare balle et un uniforme militaire car au lieu d’un scénario à la vaudeville il se trouve à la tête d’un pays qui vit sous les bombardements ….

Destin inouï, contraste entre ces deux Zelensky… métamorphose incompréhensible…on ne sait plus où donner de la tête, quand fiction et réalité se croisent, quand elles sont à la fois si proches et si éloignées.

Mais plus que lui, personne et personnage, c’est avant tout l’inconcevable, l’inimaginable, l’impensable de ces images de destruction, de ruines, de morts, de cortèges de femmes et enfants réfugiés, hagards, apeurés, qui ont remplacé celles d’un scénario d’un pays moderne, avec ses grandes avenues, ses immeubles, ses magasins où les habitants vivent un quotidien sans histoires ou plutôt fait d’histoires simples, de petits plaisirs mais aussi d’agacements et de frustrations journalières

En l’espace d’un mois à peine, presque sans crier gare, tout un pays a basculé… on a reculé de plus de 75 ans et ces images que l’on croyait révolues, ces scènes d’un passé épouvantail que l’on voyait dans ces nombreux documentaires sur la deuxième guerre mondiale, les voilà revenues : ce sont les mêmes !

Comment est-ce possible ?

Comment en est-on encore là ?

On peut mettre tout sur les épaules de Poutine bien sûr, mais comment un seul homme peut-il causer tant de destruction, transformer en quelques semaines, la vie de quelques millions de personnes en un enfer ? ( même si on sait bien qu’il faut toujours des exécutants) C’est la question qui revient à chaque conflit, à chaque guerre, à chaque massacre, à chaque tuerie d’ampleur …

Qui est responsable ?

La folie de la guerre…

Chaque fois, les experts du moment nous offrent des analyses diverses et variées : on donne les notes et on répartit les bons et les mauvais points, on forme des hypothèses et surtout on est plein d’idées a posteriori sur ce qu’on aurait pu faire pour éviter que la guerre n’advienne…

La question, elle devient surtout maintenant, comment l’arrêter ; commencer une guerre, c’est tellement facile mais l’arrêter c’est une autre histoire : il y a tellement de morts à venger…

Alors comment concilier paix et justice ?

* * *

Surréaliste,

On est bien le 9 avril 2022, on n’est pas en 40, et pourtant aujourd’hui l’Ukraine brûle. Et la semaine qui s’annonce, est une semaine pas comme les autres, ou peut-être une semaine trop comme tant d’autres, la semaine Sainte, la semaine de tous les chemins de croix…

Heureusement, au bout du compte, il y aura la grande fête des peuples orthodoxes russes et ukrainiens (mais aussi de toute la chrétienté ! ) celle de la résurrection où l’on se salue en se disant : il est ressuscité, et on répond, oui, il est vraiment ressuscité !

Je prie de tout mon cœur avec des milliers d’autres, je n’en doute pas, qu’en ce jour ils puissent se saluer en disant : la paix est revenue, oui la paix est vraiment revenue.

N.B . La Pâque orthodoxe est le 24 avril, une semaine après la nôtre…ce qui leur donne plus de temps pour faire la paix!

Décalage

3 avril 2022, Auvergne, France

Ça y est, on a traversé, l’Atlantique mais la neige et le froid ont traversé avec nous. Ils sont arrivés un ou deux jours plus tard : ils ont dû faire escale en route mais qui sait où ?

La neige qui est tombée à Paris était aussi imprévue qu’à Washington, la preuve, impossible de trouver des gants dans les magasins…On avait sorti la collection de printemps ont dit les vendeuses, plus de gants aux rayons, (mais des jolis pulls chauds à – 50 %! La tentation ! )

Le problème c’est qu’on était dans un beau quartier et que là, pas de bazar où l’on peut trouver tout ce que l’on veut à bas prix comme une paire de gants à 3 ou 4 euros, probablement faits en Chine…

Alors ici, en Auvergne, c’était carrément l’hiver avec de la neige, du verglas même que tous les cars de la SNCF avaient été annulés par décret de la préfecture…et des températures au-dessous de 0 pendant la nuit.

Bref…

Mais on est là, avec un bon feu dans le poêle, des vieux pulls bien chauds et des double paires de chaussettes en attendant que la maison se réchauffe. On a surtout été accueilli par des voisins bienveillants qui nous ont donné du pain frais et une brique de potage à faire réchauffer…en plus de venir nous chercher..

Pas vraiment de connexion Internet pour l’instant mais une boîte aux lettres pleine à craquer avec du courrier à trier… On a quand même pu informer tout le monde qu’on était bien arrivé…et rassurer enfants et amis.

Bien entendu, je me souviens de cette époque révolue (depuis longtemps) ou une minute de téléphone d’un pays à un autre coûtait les yeux de la tête et où il fallait attendre des semaines pour avoir des nouvelles par courrier. Et pourtant, on en mourrait pas !

C’est l’aînée qui parle ( le mot que l’on utilise aujourd’hui pour parler des vieux et ne vexer personne!)

L’homo faber

L’adaptation de l’être humain continue à m’étonner mais surtout sa capacité à inventer des objets technologiques dont après on ne plus plus se passer. Mais qu’on peste ou non contre ce nouveau monde du progrès technologique, en l’occurrence du numérique on s’illusionne si on croit que c’était mieux avant…

Ça me fait toujours un peu sourire, ces expériences où les gens sont censés vivre comme des primitifs pour une semaine ou deux… On a oublié les galères de devoir laver son linge à la main, de faire des kilomètres pour puiser de l’eau au puits, de passer des heures à ramasser du bois pour se chauffer et préparer les repas, de sortir dans le froid pour aller aux toilettes ( j’y pense à cause de la neige d’aujourd’hui) etc…etc… Même ceux qui veulent vivre le plus écologiquement possible renoncent rarement à l’eau courante ou à l’électricité.

J’ai oublié de dire que les galères que j’ai citées en exemple, étaient celles des gens pauvres : les autres avaient toute une armée de servantes ou de serviteurs pour les faire pour eux…

En tout cas ces quelques réflexions d’aujourd’hui, sont inscrites à la date du 3 avril, et ça fait bizarre de penser que quand quelqu’un les lira, le 3 sera passé depuis belle lurette ( bon pas vraiment) et qu’elles ne seront donc plus d’actualités…, comme les lettres que l’on écrivait autrefois…

Qu’est-ce que ça change dans nos rapports humains de savoir que ce que j’écris aujourd’hui ne sera lu que demain ou après-demain ? Quand le temps du moment de celui qui écrit perd de son immédiateté pour devenir le passé de celui qui le lit ? Ou n’est-ce pas plutôt que ce qui est devenu le passé, devient au moment de sa lecture, un nouveau présent où se retrouvent à la fois lecteur et locuteur ?

L’immédiateté du moment que je vis, est que le soir est arrivé et qu’avec le décalage horaire, je sens la fatigue m’envahir…

Alors mes réflexions sur la communication immédiate ou différée s’arrêteront là…

Abraham, père du voyage

le 29 mars 2022 , banlieue de Washington…quelques heures avant le départ..

il fait toujours froid ici…la Covid explose de nouveau en France la vague de froid qui est descendue ici nous attendra là bas… l’Ukraine brûle…finalement la situation idéale pour partir…

Au moins, cette fois-ci je n’ai pas une otite, ou une grippe intestinale, et surtout je n’ai pas d’enfants en bas âge qui risquent de pleurer et même de se mettre à hurler sous le regard désapprobateur des passagers qui pensent que les parents d’aujourd’hui sont incapables de contrôler leurs enfants….Si c’était eux…

Je pourrais faire, si j’en avais le temps, une rétrospective de tous nos voyages internationaux et de toutes les mésaventures qui y sont attachées, entre les queues interminables pour passer la sécurité, les vols retardés qui vous font rater votre correspondance, les nuits et journées entières passées dans un aéroport, les valises perdues ou endommagées, les discussions sans fin pour obtenir une chambre d’hôtel pour la nuit…. sans mentionner, le passage aux frontières où vous êtes considéré tout à coup comme suspect pour une raison inconnue…

Bref, comme diraient certains, il vaudrait mieux rester chez soi…

Mais tout est là : où est ce fameux « chez soi » ?

* * *

Finalement tout est la faute d’Abraham et du buisson ardent… il n’aurait pas dû quitter son « chez soi » pour aller ailleurs, il n’aurait pas dû écouter la voix d’un Inconnu, il n’aurait pas dû partir à l’aventure…

Alors bien entendu je ne me prends pas pour Abraham, mais je me revendique quand même de sa famille : on nous rabâche suffisamment dans tous les sermons qu’il est notre père dans la foi !

Alors, Abraham, le nomade, père dans la foi, en ce jour de voyage, je pars confiante ( ou presque) comme toi… sous le regard de l’Éternel !

Aujourd’hui et demain

le 28 mars 2022, banlieue de Washington,

Quelquefois c’est le texte qui commande la photo mais cette fois-ci, c’est la photo qui commande le texte ! Impossible de laisser passer inaperçu ces cerisiers en fleurs sans leur rendre hommage !

Mais survivront-ils à cette gelée inattendue ? Le thermomètre tout à coup est descendu au-dessous de 0… et j’ai dû emprunter un manteau pour sortir

Vivre un jour à la fois, pas un moment de plus,

Célébrer un moment à la fois, sans demander la suite,

Je suis ici aujourd’hui et demain ?

Devrais être au-dessus de l’Atlantique …

mais qui sait, entre ce soir et demain, il y a un fossé infranchissable…

Pourquoi essayer de le franchir ?

Demain viendra bien tout seul,

Avec ou sans les fleurs de cerisier….

Premier jour du printemps

Le 21 mars, 2022, La Virginie

Officiellement, c’est maintenant le printemps!

Même si le thermomètre est descendu à zéro hier soir, je salue ce premier jour de printemps avec les jonquilles qui fleurissent de partout et le soleil qui brille… de quoi chanter ou réciter un de ces nombreux psaumes qui célèbrent la beauté de la création…

En réalité non... en relisant plusieurs de ces psaumes, je remarque qu’ils ne commencent pas par exalter la beauté du monde comme le feraient aujourd’hui nos contemporains, qui utilisent le mot « Nature » comme si celle-ci était une réalité autonome, auto génératrice qu’il faudrait vénérer car c’est elle qui est à la source de la vie de notre planète…

Mais ils commencent toujours par louer Dieu qui en est l’auteur.

En voici quelques exemples:

Les cieux racontent la gloire de Dieu,

Et l’étendue manifeste l’œuvre de ses mains.

Le jour en instruit un autre jour,

La nuit en donne connaissance à une autre nuit…

Même si le reste du psaume compare le parcours du soleil à celui d’un époux qui se lève le matin et se couche au soir

Et le soleil, semblable à un époux qui sort de sa chambre, S’élance dans la carrière avec la joie d’un héros;

Il se lève à une extrémité des cieux, Et achève sa course à l’autre extrémité: Rien ne se dérobe à sa chaleur (Psaume 19)

(Ce n’est pas le Dieu soleil que vénéraient beaucoup de peuples comme le Japon par exemple…)

Et puis il y a l’émerveillement et aussi le respect devant les forces de la Nature mais c’est toujours devant Dieu que l’on se prosterne

Rendez à l’Éternel gloire pour son nom! Prosternez-vous devant l’Éternel avec des ornements sacrés!

La voix de l’Éternel retentit sur les eaux, Le Dieu de gloire fait gronder le tonnerre; L’Éternel est sur les grandes eaux.

La voix de l’Éternel est puissante, La voix de l’Éternel est majestueuse. (Psaume 29)

Et finalement, (mais il y en aurait beaucoup d’autres) il y a ce long psaume 1O4 que Philippe Loiseau, appelle le psaume écologique par excellence (http://sanctuaire-behuard.fr/files/2020/10/6-les-psaumes-de-la-creation-1.pdf)

Il faudrait le citer tout en entier mais en voilà quelques extraits

Bénis l’éternel, mon âme!

Éternel, mon Dieu, tu es infiniment grand, tu es revêtu de splendeur et de magnificence [. . .]

Et suit alors une vision allégorique et poétique du Dieu créateur de l’univers qui

décrit le cycle de l’eau qui abreuve les animaux et les êtres humains leur permettant de vivre….

Il conduit les sources vers des torrents qui parcourent les montagnes.

Tous les animaux sauvages y boivent, les ânes y étanchent leur soif.

Les oiseaux du ciel nichent sur leurs rives et chantent dans les feuillages.

Du haut de sa demeure, Dieu arrose les montagnes. La terre est rassasiée du fruit de ton travail.

Il fait pousser l’herbe pour le bétail et les plantes pour les besoins de l’homme afin que la terre produise de la nourriture:

le vin qui réjouit le cœur de l’homme et fait plus que l’huile resplendir son visage, et le pain qui fortifie le cœur de l’homme.

Moralité, il faut que je revoie ma copie pour ce premier jour de printemps :

Je te salue ô Éternel en ce premier jour du printemps , qui proclame ta bonté, ta magnificence et ta souveraineté…

( et bien d’autres choses encore!)

Upside down

le 12 mars, 2022, la Virginie

En vrac

C’est étrange ce qui se passe : tout à coup, toute la planète se passionne pour cette guerre. Il semble que pour une fois on peut prendre partie pour un groupe contre l’autre sans arrière pensée. C’est le David contre le Goliath et tout le monde est bien entendu du coté de David…On a les bons d’un côté et les mauvais de l’autre, les bourreaux d’un côté et les victimes de l’autre…et puis on a le Méchant, l’incarnation du mal, Monsieur Poutine : il a un visage, on peut se défouler sur lui et lui faire porter toute la responsabilité ( ce qui ne veut pas dire qu’il ne soit pas responsable)

Mais évidemment au fur et à mesure que le conflit dure, les lignes bougent…la résistance armée va brouiller les pistes … les catégories bien nettes que l’on avait établies vont vite s’effacer ( entre les gentils et ceux qui le sont un peu moins)… .on ne peut encore qu’imaginer le drame des familles dont le fils, soldat russe tué au cours des affrontements est en train de vivre. Car eux, ils nous sont , invisibles à la fois a cause de la censure du gouvernement russe que celle des médias occidentaux qui ne montrent que les visages des victimes ukrainiennes… Les visages de ceux-là, on ne les voit pas… ce ne sont que des nombres abstraits avancés par le gouvernement ukrainien pour impressionner, mais impossible à vérifier.

D’où l’importance de ne pas oublier le « aimez vos ennemis » au milieu de l’hystérie guerrière…

(en plus c’était l’évangile du jour!)

Paroles difficiles à entendre et encore plus à vivre

( d’une certaine manière, comme ici amis et ennemis se ressemblent, ça devrait faciliter quand même la tâche…)

* * *

Étrange aussi, en plein milieu de ce début de printemps prometteur, ce coup de vent hivernal qui nous a apporté de la neige…

Décidément, on ne peut présumer de rien…

Le monde est sens dessus, dessous!

Sépulture

e 11 mars, 2022

Sépulture

La guerre continue…

Hier, c’était des images de sacs en plastique où se trouvaient des cadavres que l’on jetait dans une fosse commune qui étaient diffusées…l’ultime indignité, celle du corps désacralisé même après la mort. Cette indignité, Jésus ne l’a pas connue.

Marc 15 : 42-47

Le soir étant venu, comme c’était la préparation, c’est-à-dire, la veille du sabbat,

arriva Joseph d’Arimathée, conseiller de distinction, qui lui-même attendait aussi le royaume de Dieu. Il osa se rendre vers Pilate, pour demander le corps de Jésus.

Pilate s’étonna qu’il fût mort si tôt; il fit venir le centenier et lui demanda s’il était mort depuis longtemps.

S’en étant assuré par le centenier, il donna le corps à Joseph.

Et Joseph, ayant acheté un linceul, descendit Jésus de la croix, l’enveloppa du linceul, et le déposa dans un sépulcre taillé dans le roc. Puis il roula une pierre à l’entrée du sépulcre.

Marie de Magdala, et Marie, mère de Joses, regardaient où on le mettait.

* * *

L’homme qu’on n’attendait pas

Le soir étant venu, comme c’était la préparation, c’est-à-dire, la veille du sabbat, –

Effectivement, selon la loi juive, il ne fallait pas laisser un corps sans sépulture le jour du sabbat, il était donc du devoir d’un proche de s’en occuper, travail qui était accompli par des hommes : les femmes, elles, elles préparaient les épices pour embaumer le corps mais ce sont les hommes eux qui se chargeaient de l’ensevelir.

Étant donné que selon cet évangile, tous les disciples avaient disparu, ( Marc ne les mentionne plus après le reniement de Pierre), apparaît un homme inattendu que l’on nomme par son origine comme cela se faisait mais aussi par son statut dans la communauté juive. Et il semble là que, l’évangéliste a besoin d’ajouter une précision sur lui ou tout au moins une explication

 arriva Joseph d’Arimathée, conseiller de distinction, qui lui-même attendait aussi le royaume de Dieu. Il osa se rendre vers Pilate, pour demander le corps de Jésus.

En effet, de par sa position, il aurait dû être associé ou appartenir à ce groupe d’ennemis de Jésus qui l’avaient fait condamner. L’évangéliste ressent donc le besoin de préciser qu’il n’était pas un anti Jésus mais un sympathisant.  Ce qui ressort de cet éclaircissement, c’est que l’audience ne le connaissant pas personnellement, ait  aussi été étonné que quelqu’un comme lui ait fait ce geste bienveillant en demandant le corps de Jésus pour qu’il soit traité selon les égards dus aux morts dans les  coutumes juives.

Qui était-il  en réalité ?

Évidemment, comme toujours les supputations sur qui il était et quelles étaient ses vrais motivations ont été le sujet de beaucoup d’études( on est habitué maintenant à voir ce genre de recherches, et de ne pas trouver de conclusions définitives sur le sujet à la fin de ces lectures… je cite un article sur le sujet à la fin de ce texte) , mais on retrouve la même cohérence du reste de l’évangile de Marc où l’on nous présente d’une manière positive un autre personnage imprévu…. ce qui moi, ne m’étonne pas… pas pour des raisons de rédaction de l’évangile mais plutôt parce-que justement c’est le propre de Jésus et de Dieu, de bousculer nos préjugés sur les bons et les méchants…. Autrement dit, Marc n’invente pas un Joseph d’Arimathée, il relate son action même si nous on ne pas savoir qui il était en réalité…

Pilate s’étonna qu’il fût mort si tôt; fit venir le centenier et lui demanda s’il était mort depuis longtemps. S’en étant assuré par le centenier, il donna le corps à Joseph.

Ce qui semble étonner Pilate ce n’est pas que Joseph d’Arimathée vienne recueillir le corps mais c’est que Jésus soit mort si vite… et il demande donc une vérification…de peur qu’il ne soit pas complètement mort et que ce soit une tentative de lui sauver la vie ?

(On sait combien les gens qui ont survécu à des massacres parlent du fait qu’ils font le mort pour qu’on ne les achève pas… je pense à ce vieil homme Guy Coponet, qui a été grièvement blessé par un des assaillants dans l’attentat de Saint-Etienne-Rouvray et dit être resté sans bouger après avoir reçu de nombreux coups )

Il me semble donc normal que Pilate ait voulu une confirmation… et je ne crois pas que l’évangéliste l’ait rapporté pour convaincre les gens que Jésus ait été vraiment mort…

L’autre remarque sur ces lignes est que l’auteur note que ce n’était pas une faveur facile à demander. Même s’il était un membre important de la communauté juive, on ne s’adresse pas à Pilate si aisément que ça… c’est une faveur qu’il demande ( il y avait un décret romain qui autorisait les membres de la famille d’un condamné à réclamer un corps, étant donné que les romains reconnaissaient l’importance des rites religieux associés avec la sépulture). Mais dans ce cas, en appeler directement à Pilate pour quelqu’un qui d’une certaine manière avait été condamné pour sédition ( puisque la sentence était qu’il s’était dit roi des juifs) n’était pas aussi évident. La difficulté et le risque de faire cette demande renforce le caractère positif qui est donné à ce Joseph….

Finalement, on retrouve les femmes, les femmes fidèles qui avaient dû rester jusqu’au bout et qui ont donc pu assister au moment où le corps de Jésus a été descendu de la croix et suivre de loin pour voir où il a été enseveli… Sachant qu’il n’avait pas pu être embaumé, elles voulaient pouvoir le faire après…

* * *

Une ensevelissement qu’on n’attendait pas…

L’ignominie, Jésus en a fait l’expérience avant de mourir…. mais une fois mort, cette sépulture faite dans les règles de la loi juive et par un haut représentant de la communauté lui a redonné toute la dignité qu’il avait perdu… Il a été traité avec le respect qui lui était dû, après sa mort. Que son corps n’ait pas été jeté aux loups, dévoré par les animaux sauvages, mutilé ou même brûlé, qu’il n’ait pas pourri exposé aux intempéries à la vue et au su de tous sur cette croix, avant même qu’il ne soit question d’une résurrection, est vraiment notable après tout ce qu’il a subi de son vivant : c’ est une sorte de réparation. On ne s’attend pas ou on ne s’attend plus qu’il puisse être épargné de cette dernière ignominie qu’est une mort sans sépulture et où la profanation du corps du défunt est de mise…

Ce qui me pose question,

Dieu n’a pas permis ?

Sachant l’importance de donner aux morts une sépulture digne. que l’on voit dans toutes les sociétés humaines, pensant à ce besoin de « ré enterrer » les morts ( après les avoir déterrés ) ne serait-ce que les quelques restes que l’on retrouve de personnes jetées en vrac dans une fosse commune et qu’on essaie d’identifier afin de pouvoir conduire une cérémonie religieuse pour s’assurer qu’ils reposent en paix…

Serait-ce sombrer dans l’anthropomorphisme que d’y voir un geste d’amour de Celui que Jésus a appelé père, envers un fils auquel il n’avait pourtant pas épargné l’ignominie de son vivant ?

(je viens de découvrir que dans les rites juifs, les proches déchirent un vêtement en signe de deuil pour exprimer la douleur (Qu’ia) …. et je me demande si le voile du tabernacle qui se déchire en deux après que Jésus expire ne serait pas l’expression de la douleur de Dieu)

Ce soin de son corps mort faut-il le rapprocher de cet épisode où une femme lui verse tout un vase de parfum sur la tête et que Jésus dit pour la défendre des reproches des disciples «  Elle a fait ce qu’elle a pu, elle a d’avance parfumé mon corps pour l’ensevelissement ». Épisode troublant quand on pense qu’à cause des circonstances, le corps de Jésus n’a pas pu être embaumé avant d’être mis dans le linceul ce qui était la coutume, (plutôt qu’après), épisode troublant encore de par son insistance que ce geste soit toujours rappelé ? « Je vous le dis en vérité, partout où cette bonne nouvelle sera proclamée, dans le monde entier, on racontera aussi en souvenir de cette femme ce qu’elle a fait.»

Par là Dieu veut-il valoriser ces coutumes funéraires où l’on prend un soin particulier des dépouilles mortelles comme marque d’affection et de respect envers la personne décédée ? Ou comme signe que la vie humaine ne s’arrête pas là, ou carrément, dans le cas de Jésus comme un prélude à sa résurrection imminente ?

Je ne sais trop que penser…

En tout cas pour ces femmes qui l’ont observé de loin et sont restées jusqu’au bout … de voir qu’il est descendu de la croix par les soins d’un notable juif ( ou de son entourage) , que son corps a été mis dans un linceul comme il se doit et a été transporté dans un lieu sûr, a certainement été un soulagement ou même une consolation après une journée éprouvante au cours de laquelle elles ont assisté au spectacle horrifiant de son agonie publique. Elles peuvent maintenant, tristement mais tranquillement s’affairer à la préparation du repas pour le sabbat rassurées de savoir la dépouille mortelle du Jésus qu’elles ont aimé dans un lieu sûr…

Une forme d’apaisement à la fin de ce chemin de croix …

Une grâce spéciale pour les vivants, qui est souvent octroyée à la famille après un enterrement d’un être cher particulièrement difficile…

P.S : Un article assez fouillé sur la question de la mise au tombeau de Jésus

BROWN, R. E. (1988). The Burial of Jesus (Mark 15:42-47). The Catholic Biblical Quarterly, 50(2), 233–245. http://www.jstor.org/stable/43719405

L’imprévisible

Illustration: le temps de Salvador Dali

Mercredi 9 mars 2022, en Virginie…

L’imprévisible s’est emparé de notre vie !

C’est ce que je me suis dis en relisant les pages de mon journal depuis janvier…

L’année dernière toutes les actualités étaient dominées par la pandémie et au début de cette année c’était le variant Omicron qui bousculait tous nos plans….

Maintenant, c’est la guerre en Ukraine… et la flambée des prix à la pompe…

La guerre, un autre type de pandémie…

On nage dans l’incertitude, avec des moments où l’on se trouve au bord du précipice dans ce jeu dangereux d’intimidation de l’adversaire

Il semble qu’il suffise que quelqu’un donne un ordre malvenu ou appuie sur le mauvais bouton pour que le monde explose…

* * *

Et en même temps, je m’étonne de cette réaction de solidarité envers le peuple ukrainien, de toutes ces initiatives qui ne sont pas des initiatives belliqueuses,

De toutes ces prières tout azimut pour la paix, autant pour le peuple russe que le peuple ukrainien, autant pour Poutine que pour Zelensky….. ( qui ne sont probablement pas les mêmes, mais peu importe, Dieu saura faire le tri…)

De toutes ces levées de fonds pour les réfugiés, de collectes de vêtements et de médicaments, du simple quidam aux ONG de renom…

De toutes ces personnes qui ouvrent leurs cœurs et leurs portes, jusqu’aux gouvernants qui ouvrent leurs frontières ( même si ce n’est pas sans arrière-pensée)

De cet élan de bonne volonté qui s’oppose à la volonté de destruction, de puissance mais aussi de revanche (bien souvent) …

* * *

Étonnant autant qu’inattendu….

Imprévisible….

Comme Dieu qui nous surprend par sa présence au milieu de notre folie meurtrière,

là où on ne l’attend plus,

Toujours Lui-même,

malgré tout, malgré nous…

Ecce Homo: Post Mortem

Le 1er-Mars 2022…la Virginie 2022

J’ai abandonné Jésus sur la croix… avec la guerre en Ukraine qui fait rage, je suis dans tous mes états : je veux à la fois savoir et ne pas savoir ce qui s’y passe… en fait retourner à l’évangile de Marc est une manière d’échapper à cette réalité même si celle de la mort de Jésus n’est pas très réjouissante et me replonge dans un monde où les puissants prennent le dessus sur les plus faibles…

on est déjà le 4 mars… et on a l’impression de marcher au bord d’un précipice…

Marc 15 : 38-41

Le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas.

Le centenier, qui était en face de Jésus, voyant qu’il avait expiré de la sorte, dit: Assurément, cet homme était Fils de Dieu.

Il y avait aussi des femmes qui regardaient de loin. Parmi elles étaient Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques le mineur et de Joses, et Salomé,

qui le suivaient et le servaient lorsqu’il était en Galilée, et plusieurs autres qui étaient montées avec lui à Jérusalem.

Réactions devant la mort de Jésus

Ceux qui étaient là …. et ceux qui n’y étaient pas

Jésus vient de mourir dans un cri et l’évangéliste nous dit qu’à ce moment là le voile du temple s’est déchiré sans donner à ce fait une signification particulière : seulement une constatation même si très vite on trouvera toute une dimension théologique à cet événement, (entre autre qu’il signifiait que l’on pouvait grâce à la mort de Jésus avoir un accès direct à Dieu car le tabernacle, le Saint des Saints était derrière le voile) Il est important de noter ici qu’aucune doctrine n’est attachée à ce qui est rapporté comme un événement.

De même, la réaction du centenier, (officier romain qui probablement supervisait les soldats qui s’occupaient de la crucifixion, car il faut se rappeler que Jésus n’était pas le seul à être crucifié ce jour là même si on en mentionne que deux autres, il pouvait y en avoir plus) est rapportée telle quelle et a suscité énormément de commentaires. En effet, en disant « il était vraiment le fils de Dieu » il affirme ce qui deviendra un des piliers de la doctrine chrétienne à savoir la divinité de Jésus. Ce qui fait que certains exégètes mettent en doutent l’historicité de cette affirmation ou pensent que le centenier romain l’a prononcé sur un ton ironique et n’est en aucun cas une confession de foi… .

Pour moi cette affirmation ne fait pas problème car on ne sait ce que signifiait au moment de la rédaction de ce texte, rédigé bien avant le dogme de la trinité, ce qu’on entendait par fils de Dieu…et que l’évangile de Marc, a pour titre « commencement de l’évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu ». Ce titre donc lui était donné et était largement reconnu, dogme trinitaire ou pas. ( en bas de texte, un article sur le sujet)

En tout cas, s’il est rapporté, il ne sonne pas faux dans cet évangile où l’auteur n’hésite pas à raconter les histoires qui mettent en valeur des personnes qui ne sont pas appréciées de la société juive bien-pensante de l’époque… Certainement cette affirmation admirative de quelqu’un qui n’était pas juif et en plus avait un haut poste dans l’armée romaine, serait un motif de réconfort et d’affirmation pour ceux qui ont vu ou entendu parler de l’humiliation de Jésus, leur maître et seigneur,objet de la risée publique, exécuté, condamné comme n’importe quel criminel… argument suffisant pour en justifier la citation dans le texte sans aller jusqu’à le présenter comme « une confession de foi », titre que l’on donne souvent du passage et qui n’est pas inscrit dans le texte.

La présence des femmes, elle, est tellement naturelle qu’elle ne fait pas problème : tout le monde sait bien que les femmes sont celles qui n’abandonnent jamais leurs proches…

( j’exagère peut-être, mais je n’oublierai jamais toutes ces femmes que j’ai rencontrées et qui se battaient bec et ongles pour rendre visite à un de leurs proches emprisonnés….  ces « folles » comme on les appelait qui ont manifesté pendant des années  à Buenos Aires, ses femmes en Somalie qui n’hésitaient pas à affronter les hommes armés et…..dernière en ligne de cette gente, cette femme russe, âgée de plus de 90 ans survivante du siège de Stalingrad qui manifestait pour la paix en Ukraine dans les rues de Moscou, arrêtée manu militari par des jeunes policiers un peu gênés…)

Toujours est-il que, de la même manière que l’auteur l’a fait pour Simon de Cyrène, leurs noms sont donnés avec les précisions d’usage sur le nom de leurs enfants pour que l’audience sache de qui il s’agissait : il n’est pas précisé qu’une de ces femmes soit la mère de Jésus, encore une fois on peut supposer ce que ce n’était pas nécessaire… cependant comme tout est sujet de polémique dans les évangiles, étant donné cette fois-ci la doctrine de la virginité perpétuelle de Marie que certains veulent prouver et d’autres discréditer, dès que l’on nomme des enfants à une Marie, ça fait jaser… (et quant à Marie de Magdala…la supposée amoureuse de Jésus ou carrément femme, encore plus ).

Ce qui m’intéresse moi, plus précisément est qu’il est montré très clairement que ces femmes étaient des disciples, car non seulement elles le servaient depuis la Galilée mais en plus elles étaient venues avec lui à Jérusalem : première fois que leur importance est reconnue, leur nombre, et première fois que l’on peut les appeler disciples au sens fort du terme car elles se déplacent pour le suivre. Avant les femmes étaient vues comme les nombreux quémandeurs plus ou moins anonymes, demandant l’intervention de Jésus pour une guérison mais tout à coup, presque à la fin de cet évangile, on découvre qu’il y a tout un groupe de femmes qui suivent Jésus : c’est vraiment une nouveauté de les voir apparaître ici comme un groupe distinctif !

* * *

Dans ce récit on ne peut s’empêcher de remarquer que les disciples choisis par Jésus brillent par leur absence… de la même manière que tout au cours de ce récit, ils brillaient par leur incompréhension et leurs remarques déplacées et ceux qui l’honorent encore devant la Croix ce sont ceux qui sont en dehors du cercle des initiés, ou tout au moins du groupe de ceux auxquels on accorde généralement toute notre légitimité et qu’on a appelé apôtres à l’exclusion des autres dont on a promu et prolongé le statut avec la notion de succession apostolique. Les femmes n’étaient pas de ce cercle et les centurions romains ne l’étaient pas non plus..

L’autre remarque que je ferai et que Jésus était à peine mort que ceux qui n’y étaient pas, ont cherché dans les réactions de ceux qui y étaient à prouver dogmes et théories plus ou moins contradictoires : au lieu de contempler, en silence Jésus sur la croix, on ne cesse de pérorer sur la signification de sa mort...ce qui a rendu difficile pour moi, la (re) lecture de ce texte et m’a obligée à sortir de ce récit éprouvant car je ne pouvais pas ignorer tout ce qui avait été dit ou écrit là-dessus: on a besoin d’un minimum d’exégèse historique pour lire et comprendre un texte traduit et écrit il y a deux mille ans…

Ce n’est qu’en me rappelant d’expériences vécues auprès de prisonniers condamnés injustement, dont certains ont disparu sans laisser de traces, que j’ai pu entrer dans ce récit de la passion de Jésus. C’est sous cet angle là que cette passion que j’ai essayée de suivre pas à pas dans toutes les étapes décrites dans ce texte, m’a semblé d’une insoutenable réalité et révélatrice du mal qui existe en nous et dans le monde. Je ne crois qu’aucune des interprétations théologiques sujets de constantes polémiques n’arriveront jamais à épuiser le sens de ce Jésus crucifié . D’où mon appréciation pour la sobriété de cet évangile…

Ecce homo

P.S. Sur le thème de la déclaration du centurion, un article récent :IVERSON, K. R. (2011). A Centurion’s “Confession”: A Performance-Critical Analysis of Mark 15:39. Journal of Biblical Literature, 130(2), 329–350. https://doi.org/10.2307/41304204

Ash Wednesday

mercredi 2 mars 2022, Virginie,

mercredi des cendres, premier jour du carême

Le printemps continue d’arriver et les fleurs de pousser : la vie, le renouveau…

la guerre en Ukraine continue d’escalader : la destruction, la mort…

* * *

Les paroles que l’on prononce le mercredi des cendres, je les cite de mémoire,

« souviens-toi que tu es poussière et que tu redeviendras poussière »

sont tout à fait appropriées pour ces temps que nous vivons…

« tu es poussière » : ne te crois pas si important que ça, tu n’es pas grand-chose et si aujourd’hui tu te vois puissant, demain tu seras insignifiant…

* * *

C’est rassurant de penser à cela quand on voit la force des armées et de leur dirigeants se déployer devant nos yeux…

Ils semblent tellement invincibles…

C’est rassurant de réaliser que finalement un jour ou l’autre, eux, nous, tous, on se retrouvera dans la tombe…

tous égaux dans notre impuissance…

Ça nous ramène à notre juste mesure,

* * *

alors en attendant,

de disparaître de cette terre,

il nous faut continuer à avancer

confiants,

car le dernier mot de l’histoire ne nous appartient pas…

Il appartient à Celui

qui permet au printemps

de revenir bon an, mal an

réjouir notre cœur…