Ode au pain de campagne

samedi 27 mai 2023, Auvergne

J’ai craqué…

pas pour un belle robe, encore moins pour un beau bijou, et pas du tout pour des nouvelles chaussures…

mais quand elle est passé avec sa camionnette pour faire sa tournée de pain en klaxonnant après s’être arrêtée dans la seule rue principale du village juste devant chez moi,

et que j’ai vu ce beau pain de campagne avec sa belle croûte dorée…

même si je n’en avais pas besoin,

en tout cas pas tant

je n’ai pas pu résister…

***

Qu’il est beau et qu’il est bon ce pain

avec ses grandes tranches et sa mie fondante,

rien à voir avec les baguettes des villes,

riquiqui et rabougries

qui durcissent en 24 heures chrono…

***

Ce pain lui il tient la route, et durera bien une semaine

sans rassir vraiment

jusqu’à la prochaine tournée

***

En plus, si je veux me justifier

Il me suffit de réciter

cette supplique élémentaire

de la plus simple des prières

« donne nous aujourd’hui notre pain de chaque jour »

alors pourquoi ne pas craquer ?

( et maintenant j’en ai plein, de ce pain quotidien ! )

Grâce

le 25 mai, de retour chez nous, Auvergne

Comment expliquer ?

Ces moments où l’on est tendu à l’extrême comme l’élastique qui est prêt à lâcher et à nous péter dans les doigts…

Il n’y a rien de pire que cela.

Cette sensation horrible que c’est notre moi

qui va se péter en mille morceaux..

* * *

Comment expliquer après

Qu’on ait tenu malgré tout

en s’accrochant de toutes ses forces,

et que finalement

la fin de monde redoutée

se soit éloignée..

et qu’on se retrouve tout entier

sur ses deux pieds.

* * *

La Grâce, Ta grâce,

quoi d’autre

qui nous porte

on ne sait comment

dans ces moments périlleux

venus

d’on ne sait où…

Poser mes valises

Bruxelles, 19 mai, 2023

Presque la fin de la semaine et je n’ai pas encore posé mes valises

ne serait-ce qu’un instant,

Mais c’est toujours comme ça quand je voyage,

je n’en prends pas le temps,

*   *   *

le manège tourne, tourne,

il y a la pêche aux canards,

et les incontournables stands de tir

l’odeur des beignets est partout dans l’air

et la musique risque de vous assourdir

*   *  *

fête foraine ou je ne sais comment on l’appelle ici,

mais elles se ressemblent toutes,

les mêmes enfants, les mêmes parents

les mêmes gens du voyage

l’air fatigué mais bienveillant…

*   *   *

Ça c’était hier,

les autres jours c’était la cour d’école,

des enfants encore et aussi des parents,

et puis des personnes âgées qui dans la rue

avancent avec difficulté.

*  *  *

Évidemment, il y a plein de magasins,

avec des produits alléchants et scintillants

Acheter, acheter disent-ils,

ce n’est pas cher

vous verrez bien après

si vous pouvez payer…

*   *   *

Rien de cela au milieu des prés verdoyants,

À peine une ou deux personnes rencontrée en chemin

Bien loin  semble-t-il de  ce monde étrange

grouillant d’êtres humains affairés et pressés

qui  existent pourtant  bel et bien

sur une même et unique planète.

*   *   *

Qui sommes nous ? que faisons nous ? où allons nous ?

Quid de notre terre commune ?

l’énigme reste entière

et à moins de poser mes,valises quelques instants

pour écouter la Voix qui murmure

au plus profond de moi

je perdrai pied

indubitablement…

Marcher

le 12/05/23, Auvergne,

J’ai décroché ?

Les fusillades à répétition dans les lieux publics aux États Unis avec leur lot de victimes ne me touchent plus, pas non plus le refus des hommes politiques de voter des lois pour la restriction de la vente des armes à feu, sous des prétextes révoltants, qui avaient l’habitude de me mettre dans des colères noires…

Les poursuites judiciaires en termes d’escroquerie mais aussi d’agressions sexuelles de Trump, ne me font plus rêver… qu’il perde son ascendant et sa popularité ( mais qu’ il soit susceptible d’être réélu, ça je ne veux même pas y penser!) et qu’il disparaisse de la scène médiatique

Les morts qui s’accumulent en Ukraine et les déclarations intempestives des dirigeants de Moscou ( pas que Poutine) qui continuent à régner malgré tous les boycott possibles et imaginables… sans parler de l’industrie des armes qui bat son plein…ne m’empêchent pas de dormir

Chaque fois que les puissants de ce monde rebondissent et arrivent à éviter de payer les conséquences de leurs actes, je suis profondément déçue…. Ce qui fait que je me tourne vers ses séries policières à deux sous où le coupable termine toujours par être appréhendé et justice est faite en l’espace d’une demie heure ou une heure et demie grand maximum …

Car par contre dans le monde réel…. la justice tarde… c’est le moins qu’on puisse dire…

Serai-je arrivée à une certaine sagesse qui me rende indifférente aux informations qui nous assaillent de partout et dont les choix sont uniquement faits à des fins commerciaux… ?

Indifférence, lassitude, découragement, ?

En fait, c’est plutôt un manque de foi, qui ne dit pas son nom.. .

Malgré tous les rappels qui ont été faits à travers les siècles que Dieu  « aime la justice, et hais la méchanceté » ( psaume 45…) mais aussi qu’il fera justice, et qu’un jour ou l’autre les grands seront renversés… « Laisse la colère, abandonne la fureur; Ne t’irrite pas, ce serait mal faire. Car les méchants seront retranchés » (ps 37)

j’ai du mal à y croire et a continué à espérer et même à prier…

Pourtant, il est vrai que tous ceux qui luttent encore pour la paix et la justice ne font que rarement la Une des journaux…. et cependant ils forment une armée d’invisibles et d’anonymes non négligeables qui continuent à lutter envers et contre tout…

alors,

colère peut-être mais indifférence certainement pas,

il me faut reprendre le chemin de l’espérance avec eux

et marcher …

L’Esprit

1er mai 2023, Auvergne

Jean 3 : 1-10

Me voilà maintenant devant un autre texte qui a été commenté et cité à gogo…un texte qui a été à travers les différents courants de renouveau du christianisme utilisé pour remettre en cause la foi de certains chrétiens qui n’auraient pas fait l’expérience de « naître de nouveau »… aux États Unis, il y a maintenant plus d’une vingtaine d’années la question posée comme test de l’authenticité de leur foi étant « are you a born again christian ? » sachant qu’une réponse négative les excluait de la liste des élus… contrairement à Jésus dont le test est tout autre….en tout cas à la fin des temps…à savoir si l’on a donné manger aux affamés, rendu visite aux malades etc….

(étonnant, quand même l’utilisation que l’on a pu faire au cours des siècles de telle ou telle parole du Christ rapportée dans les évangiles à des fins pas très sympa…)

Mais il y eut un homme d’entre les pharisiens, nommé Nicodème, un chef des Juifs,

2 qui vint, lui, auprès de Jésus, de nuit, et lui dit: Rabbi, nous savons que tu es un docteur venu de Dieu; car personne ne peut faire ces miracles que tu fais, si Dieu n’est avec lui.

3 Jésus lui répondit: En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu.

4 Nicodème lui dit: Comment un homme peut-il naître quand il est vieux? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère et naître?

5 Jésus répondit: En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu.

6 Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est Esprit.

7 Ne t’étonne pas que je t’aie dit: Il faut que vous naissiez de nouveau.

8 Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit.

9 Nicodème lui dit: Comment cela peut-il se faire?

10 Jésus lui répondit: Tu es le docteur d’Israël, et tu ne sais pas ces choses!

* * *

Mais il y eut un homme d’entre les pharisiens, nommé Nicodème, un chef des Juifs,

qui vint, lui, auprès de Jésus, de nuit, et lui dit: Rabbi, nous savons que tu es un docteur venu de Dieu; car personne ne peut faire ces miracles que tu fais, si Dieu n’est avec lui.

Voilà donc l’apparition d’un personnage, ou plutôt d’une personne puisqu’on nous donne son nom et son statut social dans la communauté juive. Comme toujours, la question de savoir qui il était, a suscité l’intérêt de beaucoup pour établir son identité : quoiqu’il porte un nom grec sa judéité n’est pas remise en question, on le retrouvera plus tard dans ce même évangile , mais c’est ici sa première apparition et comme il arrive souvent pour quelqu’un d’importance, son nom a été retenu. Il ne fait pas partie de ces anonymes qui entrent en scène et disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus.

Le fait que le texte mentionne qu’il est venu la nuit a été l’occasion de commentaires multiples : comme il ne nous est pas dit pourquoi, on s’évertue donc à l’expliquer… En gros il y a ceux qui y voient la volonté de garder secret sa rencontre avec Jésus car il avait peur de la réaction « des autres » d’autres y voient simplement le fait que Jésus prêchait auprès des foules pendant la journée et était plus facilement abordable la nuit s’il voulait avoir une longue conversation avec lui.

Toujours est-il que le fait que le moment de la journée où il a rencontré Jésus a été mentionné, signale son importance par contre, le jour, le mois ou l’année, on ne le sait pas : l’histoire est racontée juste après le séjour de Jésus à Jérusalem pour la Pâque mais rien ne nous dit combien de jours après, si c’est la même année et ou même si c’est à Jérusalem. Une fois de plus, dans la transmission des faits, on ne rapporte que ce qui est significatif pour les personnes auquel s’adresse l’information ou qui ont vécu l’événement

Rabbi, nous savons que tu es un docteur venu de Dieu; car personne ne peut faire ces miracles que tu fais, si Dieu n’est avec lui.

L’adresse de Nicodème à Jésus est respectueuse et positive ( à moins qu’elle ne soit ironique ? On ne peut pas connaître le ton de sa voix ) contrairement à ceux des « chefs juifs »qu’on a rencontré dans les autres évangiles qui remettent en cause l’authenticité de Jésus en tant que prophète. Lui, à cause des miracles reconnaît que Dieu  est avec lui: ce n’est pas la justesse de ses enseignements mais le miracle qui en est la preuve ou la garantie. Il veut peut-être parler à Jésus, pour en savoir plus sur ses enseignements et se faire une idée plus complète de qui il est vraiment.

Jésus lui répondit: En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu.

Jésus lui répondit ? Mais il ne lui a pas posé de question…Y-avait-il une question implicite dans son adresse ? Lui demandait-il quelle était la nature de sa relation avec Dieu ? Ou est-ce que pour une raison ou une autre la question de Nicodème aurait été omise dans le récit de cette rencontre ?

En tout cas, réponse ou pas Jésus fait une déclaration pour le moins cryptique qui déboussolerait n’importe quel interlocuteur. Serait-il qu’il refuse d’entrer dans le débat auquel il s’attend de la part d’un spécialiste de la loi où l’échange ne serait qu’une joute faite d’arguments basés sur une connaissance savante des écritures ?

Ici, Jésus entre directement dans un mode de pensée qui n’est pas argumentatif en utilisant un langage symbolique et à double sens qui d’ailleurs n’était pas étranger à la pensée juive et que les rabbins utilisaient pour répondre à des questions pour lesquelles on ne pouvait donner une réponse simple. Il le fait donc pour provoquer une réaction de la part de cet expert et révéler ce qu’il pouvait bien y avoir derrière son désir de rencontrer Jésus.

Celui-ci, malheureusement pour lui ( mais heureusement pour nous qui avons aussi besoin d’explications) passe à côté et rate le test car, comme les juifs cités plus haut quand Jésus les provoque en disant qu’il pourra détruire le temple et le reconstruire en 3 jours, il prend ses paroles littéralement et évidemment, ne peut en comprendre le sens.

 Nicodème lui dit: Comment un homme peut-il naître quand il est vieux? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère et naître?

Jésus donc commence à se livrer à une explication, comme il l’a fait une ou deux fois dans l’évangile de Marc pour les paraboles/contes qu’il racontait à la foule quand ses disciples le lui demandaient.

Je ne peux passer l’occasion sans dire qu’il y a des personnes par contre qui en comprennent immédiatement le sens… Je me souviens de la réaction de cette femme quechua en Colombie : j’étais assise par terre chez elle dans une petite pièce où elle vivait et où étaient amoncelés ces vêtements que sa communauté qui venait de l’Equateur vendait sur les places du pays…l’histoire des circonstances de cette rencontre seraient trop longues à raconter ici, mais elle m’avait demandé de lui lire l’évangile car elle ne pouvait pas lire en espagnol…

En tout cas, quand je lui ai lu cette phrase son visage s’est illuminé comme si elle avait reçu une révélation : elle avait saisi de l’intérieur ce que ça voulait dire, contrairement au rabbin bourré de connaissances. Naître comme un enfant pour entrer dans le royaume de Dieu était une évidence, comme elle me l’a expliqué alors que pour moi, la formule n’était pas aussi percutante. Sa réaction m’a vraiment surprise !

Jésus répondit: En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est Esprit.

Ne t’étonne pas que je t’aie dit: Il faut que vous naissiez de nouveau.

L’explication de Jésus est à la fois simple, logique et … compréhensible ( l’eau fait allusion au baptême semble-t-il) Il y a deux réalités, une réalité physique, matérielle et une réalité spirituelle et l’une ne peut engendrer l’autre. Simple, évident peut-être, ça n’empêche que derrière cette affirmation, il y a toute une révolution pour ce maître de la loi…car le royaume de Dieu étant situé dans le monde spirituel, on n’y entre pas grâce à un droit de naissance  : ce n’est pas l’appartenance à une lignée généalogique, ni à une ethnie, ni à un pays qui permet d’entrer dans le royaume de Dieu, ( le mot royaume finalement désigne un territoire) tout le contraire que ce qu’un juif de l’époque pouvait penser. On ne fait pas automatiquement partie du royaume de Dieu parce que ses parents, ses grands-parents, ses ancêtres etc.… en sont les citoyens ou les sujets. S’il y a certainement une transmission culturelle de la foi, il n’y a pas de droit du sang…

 Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit. Nicodème lui dit: Comment cela peut-il se faire? 

Jésus introduit une autre image, le vent, pour non pas expliquer mais illustrer ce qu’il veut dire à Nicodème en ce qui concerne l’Esprit…une réalité impossible à définir, à saisir et donc à contrôler et à manipuler…La réaction de Nicodème continue à être la même : incompréhension de cette « vérité » profonde, de cette réalité hors norme, justement car elle ne rentre pas dans des paramètres légalistes que sont les commandements et la loi de Moise, ce sur quoi il serait incollable…

Jésus lui répondit: Tu es le docteur d’Israël, et tu ne sais pas ces choses!

On a vraiment l’impression que Jésus à un malin plaisir à lui montrer son ignorance et à le rabaisser : il est indubitablement moqueur et la galerie applaudirait, s’il y en avait eu une, mais étant donné que c’était la nuit, seuls quelques disciples ont dû être présents. On retrouve le Jésus de Marc qui ne se laisse pas impressionner par le statut des gens qu’il rencontre et on se souvient du cantique de sa mère Marie : « il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles » Certainement Nicodème a été rabaissé à sa juste mesure…

* * *

Intelligence du savoir, connaissance livresque des réalités spirituelles, la supériorité des experts du religieux est mise à mal. NON, être évêque, pape, théologien, exégète, avec ou sans imprimatur, NON, avoir un niveau bac +6 ou bac +10 ne garantit d’aucune manière une meilleure compréhension ni une entrée assurée dans le royaume de Dieu…

Cet épisode me réjouit d’abord car il serait fondamentalement injuste que la compréhension de l’évangile de Jésus soit réservée à une élite spirituelle, religieuse, ou académique. Pas de privilégiés d’office pour entrer dans ce royaume ni pour en comprendre les ressorts.. Le fait que Jésus n’appartenait à aucune de ces castes, (et non pas qu’il soit pauvre pour qu’on en ait pitié) est une garantie que cette vérité fondamentale déconstruit tous les schémas de presque 2000 ans d’histoire où le christianisme a été utilisé comme un instrument des grands pour humilier et contrôler « les petits » Il n’y a rien qui ne fonde mieux la déclaration universelle des droits de l’homme qui stipule : « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » que ce refus de Jésus de considérer que seulement certains ont un droit d’entrée de par leur naissance à son royaume..

La deuxième raison qui affirme et renforce la première, c’est cette révélation qui coupe court à toute tentative de manipuler Dieu

 Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va.

La toute puissance est une tentation tellement grande dans les milieux religieux parce-qu’on dit avoir un accès exclusif à Dieu ce qui la rend excessivement dangereuse comme le prouvent encore aujourd’hui tous ces cas d’emprise spirituelle, qui ont conduit entre autre au Kenya à la mort d’adeptes d’un pasteur gourou, ou plus près d’ici aux souffrances indicibles de ces sœurs bénédictines du Sacré Coeur…

(mais la tentation de la toute puissance des scientifiques qui disent avoir des connaissances démontrables et irréfutables est tout aussi dangereuse, quand certains à une époque ont affirmé l’infériorité de certaines races, ou se sont livrés à des expérimentations dangereuses sur des êtres humains vulnérables…)

Où il veut,

Tout est là !

En attendant

le 6 mai 2023, Auvergne

Avril, ne te découvre pas d’un fil, mai fais ce qu’il te plaît…

D’un côté, il fait tellement bon…

les prés sont verts,

les pissenlits sont en fleurs,

les vaches ruminent tranquillement,

et on entend à l’occasion

le bruissement d’un cours d’eau…

j’ai même vu des papillons !

***

D’un autre…

On entend parler de la sécheresse à venir

des restrictions d’eau,

des feux de forêts

de l’invasion du moustique tigre,

des glaciers qui fondent

et à l’occasion,

d’inondations ,d’ouragans et de cyclones…

***

Mais ce matin,

surprise

le premier iris s’est ouvert

tout droit, tout fier

demandant qu’on le regarde,

et qu’on lui fasse la fête

***

alors,

pour quoi ne pas respirer profondément

et apprécier ce qu’il nous reste encore

de beau et de vivant

en attendant

la fin des temps…

Le vent souffle où il veut

le 25 mars 2023, Auvergne

Dimanche, grande surprise…alors que je m’attendais à voir 3 pelés et deux tondus ayant au moins la soixantaine tout à coup, ont fait leur apparition toute une ribambelle de jeunes enfants, avec leurs parents, dans cette église vieillotte…

Je n’en croyais pas mes yeux !

C’était d’abord un puis deux couples avec 3, 4 ,5 enfants qui entraient les uns après les autres, dont les uns étaient dans des poussettes et d’autres dans les bras…des familles cathos pratiquantes ( dans plus d’un seul sens du mot) si on en jugeait par le nombre de leur progéniture…jusqu’à ce que tous les premiers rangs d’habitude si vides et si morts, étaient pleins d’enfants débordants de vie.

D’où venaient-ils ?

Les enfants avaient l’air de se connaître car ils n’hésitaient pas à traverser l’allée principale pour rejoindre leurs amis, certains plus turbulents que les autres montaient carrément sur le dos des bancs pour mieux voir ce qui se passait au grand dam de leurs parents qui essayaient de les calmer .. sortant de sacs préparés à l’avance, plein de livres, de doudous, de pages de coloriage, censés les occuper pendant la messe…

Y avait-il un baptême à la fin? Était-ce des enfants du catéchisme ? ( impossible car à part un ou deux, ils étaient trop petits me semblaient-ils), ou y avait-il dans le coin une retraite pour les familles nombreuses ? Est-ce qu’un évêque allait se pointer à un moment donné… pourtant ce n’était pas la Pentecôte, donc pas de confirmation …

Bref , je me suis dit que je devais bien garder mes oreilles grandes ouvertes pour écouter si quelque chose était dit qui me renseigne sur cette foule inattendue, surtout que je ne reconnaissais personne dans ce groupe…

Le prêtre qui officiait avait l’air ravi de toute cette agitation inattendue et a eu l’intelligence d’écourter le sermon et sinon d’aller au pas de course, de ne pas laisser traîner les choses…peut-être connaissait-il tout ce petit beau monde ?

Ah oui… à un moment donné il a effectivement félicité un couple un peu plus âgé que les autres pour leur 50 ans de mariage et toute l’assemblée a applaudi ( on se serait cru dans une église évangélique…comme quoi!) C’était donc ça, l’événement ?

Finalement au dernier chant entonné, certains ont même frappé dans les main et évidemment les enfants à qui on avait dit pendant toute la durée de l’office d’être silencieux et de se tenir à carreau, s’en sont donnés à cœur joie…

Alors, il a bien fallu que j’interroge quelqu’un pour savoir de quoi il s’agissait : c’était bien une grande famille dont tous les membres étaient venus en vacances se retrouver, m’a expliqué une dame complaisante à laquelle je me suis adressée, et à ma grande surprise a ajouté que les grands-parents en question avaient 36 petits enfants ! ( 36 ou 38… on n’en est pas à deux près ) Je n’en revenais pas !

C’est quand on croit que l’église est morte qu’elle renaît de ces cendres… Ce qui m’est venu à l’esprit est cette déclaration de Jésus à un grand homme religieux docte et savant qui essayait de comprendre, l’incompréhensible :

 Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va.

Incontrôlable, imprévisible, insaisissable,

L’Esprit de Dieu souffle où il veut et quand il veut….

Toujours vivant!

le 19 avril 2023, Auvergne,

J’ai abandonné Jésus au milieu de son saut d’humeur contre les vendeurs du temple à Jérusalem… En réalité, pas exactement, j’avais terminé le chapitre 2 quand tout à coup, pschit… le document s’est volatilisé, impossible de le retrouver…Du coup, j’ai piqué ma crise et j’ai laissé Jésus planté là avec ses nouveaux disciples…Il est temps que j’y vienne le retrouver mais j’ai un peu perdu le fil…il me semble qu’il s’est passé tellement de choses entre temps…

Jean 2 : 18-25

Les Juifs, prenant la parole, lui dirent: Quel miracle nous montres-tu, pour agir de la sorte?

Jésus leur répondit: Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai.

Les Juifs dirent: Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois jours tu le relèveras!

Mais il parlait du temple de son corps.

C’est pourquoi, lorsqu’il fut ressuscité des morts, ses disciples se souvinrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.

Pendant que Jésus était à Jérusalem, à la fête de Pâque, plusieurs crurent en son nom, voyant les miracles qu’il faisait.

Mais Jésus ne se fiait point à eux, parce qu’il les connaissait tous,

et parce qu’il n’avait pas besoin qu’on lui rendît témoignage d’aucun homme; car il savait lui-même ce qui était dans l’homme.

* * *

Face à la colère de Jésus qui chasse les vendeurs du temple, on a d’abord eu la réaction des disciples qui y voient l’expression de son « zèle » ou de sa passion pour le temple, maison de Dieu. Maintenant, on a la réaction des autres, de ceux qui se trouvaient là mais ne connaissait pas Jésus.

Les Juifs, prenant la parole, lui dirent: Quel miracle nous montres-tu, pour agir de la sorte?

Jésus leur répondit: Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai.

 Les Juifs dirent: Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois jours tu le relèveras!

Jésus leur répondit: Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai.

Les Juifs dirent: Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois jours tu le relèveras!

Mais il parlait du temple de son corps

Confronté aux « juifs » ?

L’expression nous gêne aujourd’hui, car il semble désigner un groupe différent de Jésus et de son entourage, comme si, eux ils n’étaient pas aussi juifs, une forme d’antisémitisme avant l’heure. Or il est impossible de penser que celui qui a écrit cet évangile soit accusé d’une telle attitude, car il était juif lui-même et l’hostilité qu’il pouvait avoir envers les autorités juives de l’époque qui s’associaient aux romains pour persécuter les premiers adeptes de Jésus, n’était nullement liée à une appartenance ethnique quelconque… Les exégètes continuent à discuter sur cette appellation qui n’apparaît pas aussi souvent telle quelle dans les autres évangiles car ceux qui étaient hostiles à Jésus, étaient bien définis : les Scribes, les pharisiens les membres du conseil du Sanhédrin … Il faut donc se rappeler qu’après la Shoa, culmination de l’horreur de près deux millénaires d’un antisémitisme infâme, si ce mot nous fait frémir à juste titre, notre réaction est anachronique et fausse le sens du texte.

Quel miracle nous montres-tu, pour agir de la sorte?

Ceux qui sont présents, étonnement , ne condamnent pas le geste de Jésus ce qui renforce l’idée que son action n’a pas causé la déflagration et le chaos que l’on imagine et que l’on dépeint. Leur question n’est pas : pourquoi tu as fait cela, mais de quel droit le fais-tu, de quelle autorité ?

Aussi, le fait qu’ils demandent à Jésus de faire un miracle pour confirmer son autorité, donne à penser que c’était le début de sa vie publique et qu’il n’était pas encore connu pour en avoir fait . (On pourrait peut-être au contraire imaginer qu’il avait déjà fait des miracles et qu’ils l’interpellaient car ils avaient envie d’en voir un sous leurs yeux mais qui sait?)

Toujours est-il que la réponse de Jésus est tellement outrancière voire délirante qu’elle semble le fait d’un vantard éhonté…et on (ou plutôt), je retrouve le Jésus combatif et provocateur de l’évangile de Marc :

 Jésus leur répondit: Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai.

D’ailleurs ses interlocuteurs le prennent au pied de la lettre et dénoncent son outrecuidance

Les Juifs dirent: Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois jours tu le relèveras!

C’est donc le rapporteur de cette scène qui se voit dans l’obligation de nous donner l’interprétation de ses paroles, car Jésus ne le fait pas,

Mais il parlait du temple de son corps

On a donc bien les deux niveaux du texte que l’on avait décelé auparavant : celui d’un fait qui s’est déroulé du vivant de Jésus, décrit en respectant son authenticité en notant l’incompréhension des observateurs et son interprétation après sa résurrection où l’auteur n’hésite pas intervenir pour éclairer les auditeurs/lecteurs sur les comportements de Jésus : on est déjà dans le commentaire de texte ou dans le sermon…

Le texte d’ailleurs continue dans la même veine quand il explique

C’est pourquoi, lorsqu’il fut ressuscité des morts, ses disciples se souvinrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.

En tout cas, cette affirmation donne à penser que ce n’est qu’après sa résurrection que les disciples crurent en lui…mais quels disciples, ceux qui étaient de Jean auparavant et qui avaient du mal à croire que c’était lui le Messie ? Pas de précision là-dessus.

Un Jésus sceptique en guise de conclusion ?

Finalement, pour clore le récit de son séjour pendant cette Pâque à Jérusalem on n’aura plus d’anecdotes mais des simples généralités :

Pendant que Jésus était à Jérusalem, à la fête de Pâque, plusieurs crurent en son nom, voyant les miracles qu’il faisait.

Mais Jésus ne se fiait point à eux, parce qu’il les connaissait tous,

et parce qu’il n’avait pas besoin qu’on lui rendît témoignage d’aucun homme; car il savait lui-même ce qui était dans l’homme.

Il est intéressant de noter que l’évangéliste tout de suite après avoir affirmé que « plusieurs crurent en son nom » met en doute leur sincérité. C’est d’ailleurs Jésus lui-même nous dit-il qui le fait… Pourquoi ce besoin de le faire remarquer ? Ici l’intention de l’auteur est de rehausser la figure de Jésus: un être supérieur qui a une connaissance extra-ordinaire de l’être humain.

Si je me demande pourquoi ce fait a été noté, en réalité, je me rends compte de la justesse des remarques car croire en Jésus seulement parce-qu’il fait des miracles, c’est comme croire en un magicien, ça ne va pas loin. La foi en Jésus ne peut pas s’appuyer sur sa capacité à faire des miracles, surtout quand on sait qu’à un moment donné, il va refuser de faire le plus grand : descendre de la croix pour se sauver, comme le suggérerons les moqueurs…

* * *

On retrouve ici finalement le même Jésus que celui rencontré dans l’évangile de Marc, même si l’on est distrait par les commentaires et les explications d’un auteur qui est prompt à faire des remarques sur ses faits et gestes. Après le Jésus combatif et provocateur dans le temple, on découvre un Jésus sceptique qui voit au-delà des apparences : quelqu’un qui ne fait pas des miracles pour faire de l’esbroufe, pour impressionner les gens et n’est pas dupe des mauvaises raisons pour lesquelles on pourrait croire en lui. Par contre, on l’a vu dans les autres évangiles, il reconnaît celui et bien souvent celle qui ne font pas semblant et exhibent une fois profonde en lui, comme le centurion romain, comme la femme syro-phénicienne qui le supplie de chasser le démon de sa fille.

Ce début de la vie publique de Jésus, est malgré tout très différent de ce que l’on pourrait attendre : il commence par un miracle discret mais asserté d’eau transformée en vin à un mariage que l’on ne trouve nulle part ailleurs, on est conduit directement ensuite au temple de Jérusalem à une fête de la Pâque où il s’en prend aux vendeurs qu’il traite de voleurs, pour finalement terminer par remarquer que les gens qui semblent croire en lui à cause des miracles qu’il fait ( sans qu’on nous dise lesquels), ne sont pas fiables. Dire qu’il ne cherche pas à s’attirer l’approbation ou l’adulation des foules est une évidence qui affirme sa singularité et son indépendance. Mais ce portrait composite de Jésus qui se profile dans ce début est encore plus déstabilisant que celui des autres évangiles : est-ce pour cela qu’on cherche tellement à le faire entrer dans des schémas qui nous permettent de le récupérer et lui enlever son aspect insaisissable ?

Pour moi, cependant, face aux certitudes sur qui est Jésus que l’on dégage habituellement de cet évangile, c’est rafraîchissant et un gage de son authenticité de découvrir qu’il peut-être déstabilisant. Un Jésus enfermé dans le carcan de 2000 ans de certitudes, serait une Jésus mort et enterré, pas le Vivant que l’on peut rencontrer encore aujourd’hui !

Chez soi

Le 17 avril 2023, Auvergne, chez moi,

Partir c’est bien, rentrer chez soi, c’est encore mieux ….

En tout cas c’est ce qu’il me semble aujourd’hui, assise auprès du feu..

Même si

ou peut-être parce que

dehors c’est gris,

froid et humide

***

Retrouver ses affaires, sa chambre, sa salle de bain

et les petites routines du quotidien

c’est rassurant et stabilisant…

mais c’est probablement

parce que

on est parti…

* * *

Pour aller plus loin : un grand sonnet classique écrit par Du Bellay 1522-1560

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine :

Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la doulceur angevine.

Joachim Du Bellay