Jean et Jésus: les faux rivaux

La photo n’est pas en terre de Judée…mais on peut s’y faire baptiser!

le 6 juillet 2023, Auvergne

je ne cesse de devoir changer la date de l’entrée de ce blog, tellement je peine à entrer dans cet évangile…surtout je continue à avoir des difficultés à trier dans les commentaires que je peux lire …

Jean 3 : 22-30

Après cela, Jésus, accompagné de ses disciples, se rendit dans la terre de Judée; et là il demeurait avec eux, et il baptisait.

Jean aussi baptisait à Énon, près de Salim, parce qu’il y avait là beaucoup d’eau; et on y venait pour être baptisé.

Car Jean n’avait pas encore été mis en prison.

 Or, il s’éleva de la part des disciples de Jean une dispute avec un Juif touchant la purification.

Ils vinrent trouver Jean, et lui dirent: Rabbi, celui qui était avec toi au delà du Jourdain, et à qui tu as rendu témoignage, voici, il baptise, et tous vont à lui.

Jean répondit: Un homme ne peut recevoir que ce qui lui a été donné du ciel.

Vous-mêmes m’êtes témoins que j’ai dit: Je ne suis pas le Christ, mais j’ai été envoyé devant lui.

Celui à qui appartient l’épouse, c’est l’époux; mais l’ami de l’époux, qui se tient là et qui l’entend, éprouve une grande joie à cause de la voix de l’époux: aussi cette joie, qui est la mienne, est parfaite.

Il faut qu’il croisse, et que je diminue.

* * *

Jésus le Baptiste ?

Après cela, Jésus, accompagné de ses disciples, se rendit dans la terre de Judée; et là il demeurait avec eux, et il baptisait.

On sort du discours théologique pour se retrouver sur celui du récit qui est un terrain plus ferme et concret mais c’est la première fois que j’entends dire que Jésus baptisait, …. ce n’est pas vraiment étonnant car aucun autre évangile ne le mentionne ( j’ai dû le lire avant mais sans y prêter attention parce que le fait est qu’on n’en parle jamais).

Encore une fois ce récit se singularise dans la mesure où il raconte des épisodes qui lui sont uniques et dont il est difficile de tracer l’origine mais qui ont fait que certains exégètes comme Marguerat attribuent à cet évangile une date plus ancienne ( c’est-à dire plus près de la vie de Jésus) que celle donnée traditionnellement. Certains commentateurs pensent que ce n’est pas Jésus lui-même qui baptisait mais ses disciples car un Jésus qui baptise ne coïncide pas avec l’image convenue que l’on se fait de lui et que l’on dessine à partir d’autres textes. Pourtant un Jésus qui baptise le rend beaucoup plus plausible et concret, beaucoup mieux inséré dans son temps.

Jean aussi baptisait à Énon, près de Salim, parce qu’il y avait là beaucoup d’eau; et on y venait pour être baptisé.

Car Jean n’avait pas encore été mis en prison.

Voilà donc que Jean Le baptiste refait son apparition : contrairement à Jésus, il est précisé le lieu où il baptisait (qui est difficile à identifier avec exactitude aujourd’hui, on en donne plusieurs possibilités, mais on ne considère pas que ce soit un lieu fictif !) Si le lieu nous est donné, est-ce pour insister qu’il n’était pas le même endroit que celui où Jésus baptisait ou qu’il était connu des lecteurs/auditeurs du texte auxquels il s’adressait ?

En tout cas, le texte lui-même explique le choix de ce lieu qui correspond à la pratique d’un baptême par immersion ( au moins partielle) nécessitant une certaine profondeur. Il y a bien entendu une indication de temps évidente ( que Jean Baptiste n’était pas encore en prison… puisqu’il baptisait) qui renvoie au fait que ce qui est raconté, se serait passé au début du ministère de Jésus…

Jésus et Jean des rivaux ? Jalousie quand tu nous tiens…

Or, il s’éleva de la part des disciples de Jean une dispute avec un Juif touchant la purification.

Ils vinrent trouver Jean, et lui dirent: Rabbi, celui qui était avec toi au delà du Jourdain, et à qui tu as rendu témoignage, voici, il baptise, et tous vont à lui.

La scène maintenant ne paraît que trop familière, pour moi qui ai fréquenté de nombreuses communautés chrétiennes …

Tout d’abord les discussions sur des points de pratique religieuse et sur leur signification sont légion. Le thème de la purification était évidemment un thème central dans la pratique religieuse du judaïsme de l’époque et particulièrement des pharisiens qui étaient attachés à définir ce qui était impur et ce qui ne l’était pas (la polémique a été remplacée par celle sur ce qui est péché et ce qui ne l’est pas dans le christianisme…) d’où l’importance du baptême comme rite de purification…

Ensuite elles sont toujours accompagnées sur celles de savoir qui est qui ou qui est le plus grand car les disputes entre différentes chapelles, sont rarement basées sur des questions théologiques, elles cachent souvent derrière des conflits de personnes, soit des rivalités entre hommes forts..( comme entre Poutine et Prigojine…. ) Et l’insinuation des disciples de Jean, est évidente : en bons défenseurs de la légitimité de leur groupe, ils considèrent que ce n’est pas juste que certains de leur membres les aient quitté pour suivre Jésus, surtout quand Jean n’avait pas rabaissé Jésus mais « lui avait rendu témoignage ». Jésus était à leurs yeux un rival, au sens fort du terme…( André Girard aurait parlé de rival mimétique) et la désertion de leur groupe pour le rejoindre était vue comme une trahison. Rien de plus naturel, finalement !

Mais Jean, contrairement à ce qui arrive souvent, ne mord pas à l’hameçon !

Jean répondit: Un homme ne peut recevoir que ce qui lui a été donné du ciel.

Vous-mêmes m’êtes témoins que j’ai dit: Je ne suis pas le Christ, mais j’ai été envoyé devant lui.

Il réitère ce qu’il a dit quand il a rencontré Jésus ( raconté dans le premier chapitre du texte) en clarifiant bien que sa vocation à lui, est différente de celle de Jésus car il n’a pas reçu la même mandat du ciel : il n’y a donc pas de rivalité possible. On est sur un autre plan.

Celui à qui appartient l’épouse, c’est l’époux; mais l’ami de l’époux, qui se tient là et qui l’entend, éprouve une grande joie à cause de la voix de l’époux: aussi cette joie, qui est la mienne, est parfaite.

Et il renchérit en utilisant le motif de l’ami de l’époux,exprimant sa totale satisfaction ( joie parfaite) de sa position de « second ».

( L’image n’est pas totalement étrangère à la tradition juive : Jérusalem est comparée à une épouse dans sa relation avec Dieu. « Pour l’amour de Sion je ne me tairai point, Pour l’amour de Jérusalem je ne prendrai point de repos, Jusqu’à ce que son salut paraisse, comme l’aurore, [ . . .] On ne te nommera plus délaissée, […] Mais on t’appellera mon plaisir en elle, Et l’on appellera ta terre épouse; Car l’Eternel met son plaisir en toi, Et ta terre aura un époux.Comme un jeune homme s’unit à une vierge, Ainsi tes fils s’uniront à toi; Et comme la fiancée fait la joie de son fiancé, Ainsi tu feras la joie de ton Dieu.… Ésaïe 62 ” c’est assez érotique finalement!)

 Il faut qu’il croisse, et que je diminue.

Dans cette dernière phrase, on a une très belle formule qui sied très bien au style d’un homme qui vit retiré dans le désert, s’habille avec des peaux de chameau et mange des insectes : tout le contraire de ceux qui cherchent la gloire, et qui se sentent pas menacé par quelqu’un qui serait plus populaire qu’eux…ou qui auraient plus de followers sur leur compte facebook..

* * *

Ce que j’en retiens…

J’ai vraiment été intéressée de découvrir que Jésus ait pu baptiser, car après son discours un peu hermétique à Nicodème , il était agréable de se retrouver sur un terrain plus solide, celui du récit plutôt que du discours. Aussi le fait de savoir que Jésus ait pu baptiser, pour moi qui n’essaie pas de lire cet évangile en voulant à tout prix le faire concorder avec les autres, est un plus et ne pose pas problème, au contraire, cela rend Jésus plus abordable, plus terrestre, plus dans l’air du temps, en tout cas de ce temps là .

Cependant , je dois avouer que, même si je ne mets pas en doute l’épisode des disciples de Jean se plaignant du fait que beaucoup d’entre eux suivaient Jésus, le style des propos imputés à Jean me laissent un peu sceptique : ils sont trop similaires à ceux de Jésus quand il parle de lui-même dans son dialogue avec Nicodème ou de l’évangéliste quand il les rapporte… Certains d’ailleurs pensent qu’ils sont plus de ceux de l’évangéliste écrits pour éteindre la polémique avec des communautés de disciples de Jean Baptiste, qui continuaient à exister longtemps après la mort et la résurrection de Jésus… je ne sais si c’est le cas, mais je ne vois pas ici une invention de toute pièce dans le sens que je crois qu’elles reflètent l’attitude de Jean envers Jésus même s’il ne s’est peut-être pas exprimé en ces termes exacts .

En tout cas, Jean Baptiste, de nouveau ressort grandi de l’épisode peut-être plus même que Jésus quoique ça n’ait pas été l’intention de l’auteur. Et c’est donc juste que Jean Baptiste soit encore aujourd’hui considéré comme un exemple d’abnégation et d’humilité dont Jésus lui-même avait d’ailleurs vanté la grandeur (ce qui n’empêchait pas Le Baptiste d’être virulent quand il dénonçait les fautes de ses contemporains : l’un n’exclut pas l’autre ni non plus que ses certitudes sur l’identité de Jésus de ce moment-là, aient pu devenir des doutes après son emprisonnement…c’est difficile de garder le moral quand on est enfermé dans un cachot et on attend d’être exécuté…)

Le drame, c’est qu’il y a peu de liders chrétiens aujourd’hui qui aient le calibre d’un Jean Baptiste : beaucoup cherchent avant tout à ce que leurs disciples chantent leurs louanges (et seulement la leur car tous les autres sont indignes de confiance) , empêchant leur auditoire de s’attacher réellement à Jésus et de découvrir son vrai visage …et quand ils se cassent la figure, ce qui arrive souvent quand ils deviennent populaires c’est catastrophique…Les réseaux sociaux regorgent d’exemples plus qu’édifiants….

Il faut qu’Il croisse, et que je diminue 

Devise incontournable pour la personne qui annonce l’évangile. Jésus ne peut pas croître aux yeux du croyant si le prédicateur ne cherche pas à diminuer : il y a là une impossibilité totale…( on ne peut pas avoir deux maîtres)

Dimanche

le 27/06/ 2023, Auvergne

Recueillement

Une chapelle en pierre en haut de la montagne , ça fait rêver…

mais ça existe,

on y était dimanche avec 4 ou 5 fidèles,

et un prêtre

venu d’une ville alentour,

***

Il y avait de beaux bouquets de fleurs partout

bleu, rouge, vert, jaune,

fleurs des jardins, fleurs des champs,

ni trop petits,ni trop grands

juste ce qu’il fallait

pour donner un air de fête

à ce lieu dénudé

***

Qui les avait faits me suis-je demandé

en regardant la petite assemblée ?

***

Beauté, dépouillement,

simplicité

Présence discrète

de Dieu

que l’on pouvait presque toucher

avec les yeux…

P.S. J’avais envie de prendre une photo, mais je ne l’ai pas fait pour ne pas perturber le lieu…

Entre la peste et le choléra

Le 26 juin 2023,

Entre la peste et le choléra,

On a tous suivi , en tout cas moi la première, les événements de samedi, l’avancée de troupes rebelles dirigée par Prigojin… en route vers Moscou….

Entre les deux mon cœur balance…. 

On ne savait si se réjouir de cet affrontement entre deux hommes forts et puissants, sanguinaires autant l’un que l’autre, l’un s’en vantant ouvertement sur les réseaux sociaux, l’autre plus intelligent couvrant ses crimes du langage archi rabâché mais toujours efficace de la grandeur de la nation en péril pour commanditer une guerre meurtrière contre ses voisins…

(On ne compte plus le nombre de morts mais on avance celui de 220 000 depuis le début de la guerre dans l’armée régulière, et de 25 000 chez les mercenaires dont le contingent était de 50 000 sans mentionner ceux tués dans les troupes et les civils ukrainiens)

On retenait son souffle en les voyant mener ce bras de fer sans savoir qui l’on voulait en sortir vainqueur ..

Mais finalement après insultes et menaces de part et d’autre, un marché a été conclu et le rebelle a fait demi-tour, tout en étant ovationné comme un héros au moment de quitter la ville dont il s’était emparé sans coup férir…

Qui sait ce qui s’est passé : quel accord secret on-t-ils négocié ? On n’en connaît que la version officielle

L’effet de surprise était total…

Après coup, évidemment tous les experts ont dit qu’ils l’avaient venu venir, que l’affrontement était devenu inévitable…que etc.… et ces mêmes experts n’en finissent pas aujourd’hui de commenter les événements et d’en analyser les conséquences…

n’empêche que,

ils ne savaient quand ou comment ça allait terminer…le dénouement était imprévisible dans ce combat de coqs irascibles et féroces ( même si ce n’est pas vraiment terminé…)

* * *

Pour moi, qui vit pourtant bien loin de ces événements, ça a été comme un coup de semonce, un rappel tonitruant de l’imprévisibilité du monde dans lequel on vit…

Mais ce rappel a été salutaire parce- que je m’étais laissé convaincre que les puissants étaient indéboulonnables et que leur pouvoir maléfique était indestructible

J’avais oublié qu’après tout comme le dit le psaume :

« lL’Éternel se moque du méchant car il voit son jour qui arrive.

L’impie a tiré son épée, il a tendu son arc pour abattre le pauvre et le faible, pour tuer l’homme droit.

Mais l’épée lui entrera dans le cœur, et son arc se brisera.[ …]

Car le bras de l’impie sera brisé, mais l’Éternel soutient les justes […] »

Le jour viendra tôt ou tard où n’aura pas à choisir entre la peste et le choléra,

Telle est sa promesse, telle est aussi notre espérance…

Qui est jugé?

le 20 juin, 2023, Auvergne… l’été est arrivé…

Jean 3 : 18-21

Celui qui croit en Lui n’est pas jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu

 Et ce jugement c’est que, la lumière étant venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs oeuvres étaient mauvaises.

 Car quiconque fait le mal hait la lumière, et ne vient point à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dévoilées;

mais celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient manifestées, parce qu’elles sont faites en Dieu.

* * *

On passe maintenant du non-jugement, d’un Dieu qui en Jésus-Christ vient sauver mais non pas juger, à une parole plus dure et plus difficile à comprendre, celle du jugement.

Celui qui croit en Lui n’est pas jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu

Jésus donc instruit Nicodème, un membre du Sanhédrin qui fait partie des hautes autorités juives de l’époque sur le jugement, cependant, au lieu de prononcer un jugement sur la base des manquements à la Loi donnée à Moïse, comme il est courant dans la tradition prophétique, le jugement se centre sur la question de qui est Jésus. Et si on continue à penser que Jésus parle de lui-même à la troisième personne, il ne se donne pas seulement le titre de fils de l’homme, mais de fils de Dieu, et qui plus est de « fils unique de Dieu ». Pourtant, pas de réaction ni d’interruption de la part de Nicodème…

Jésus continue en expliquant

Et ce jugement c’est que, la lumière étant venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises.

On n’a pas d’explication sur les titres que Jésus s’est donné, mais sur les raisons de ce jugement et là il reprend la terminologie du prologue de l’évangile, ( discours théologique s’il en est un) du motif de la lumière et des ténèbres pour parler de lui et de la réaction de ceux qui le rejettent. Mais il peut être intéressant de noter qu’il ne dit pas que le rejet vient « des siens » soit d’un groupe particulier, cette fois est utilisé un terme général qui désigne l’être humain. Cependant, étant donné la situation contextuelle, il s’adresse bien aux personnes qui sont présentes autour de lui …

L’autre aspect intéressant, est que le jugement n’est pas présenté comme un décret divin, externe à la personne, mais qu’ il est intrinsèque « ils ont préféré » suppose un choix, une décision consciente. Ce n’est pas Dieu qui les condamne, ce sont eux qui le font.

Jésus continue à développer son argumentation

Car quiconque fait le mal hait la lumière, et ne vient point à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dévoilées;

Il affirme une réalité qui apparaît comme une évidence : le fait que quand on fait le mal, on ne veut pas que ce soit révélé, on le fait dans le secret : une réalité dont on est tous conscients, c’est pour cela que l’on impose le silence à ceux qui pourraient dévoiler nos agissements pervers ou corrompus. On ne peut penser qu’à tous ces cas de pédophilie dans l’église mais aussi ailleurs…Me viennent à l’esprit deux ouvrages assez récents en français, la familia  grande de Caroline Kouchneret Le Bouddhisme : la loi du silence de Elodie Emery et Wandrille Lanos … Je ne parle même pas de tous les actes de tortures et de corruption…que les lançeurs d’alerte dénoncent et dont ils paient les lourdes conséquences par la prison et la mort par assassinat.

mais celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient manifestées, parce qu’elles sont faites en Dieu.

Et ce discours de Jésus termine avec une note positive décrivant ceux qui n’ont pas peur de la vérité car ils ne pratiquent pas le mal, mais c’est quand même une fin un peu abrupte où Nicodème disparaît totalement et le récit de cette rencontre passe au deuxième plan : elle est prétexte pour que Jésus expose des idées qui ont une portée universelle et qui encore aujourd’hui nous laissent pour plus d’un motif le souffle coupé avec aussi beaucoup d’interrogations.

* * *

Ce que je retiens

Après cette révélation extraordinaire de l’amour de Dieu pour l’être humain et de la mission de salut de Jésus, je suis frappée que le jugement sur les personnes qui « ne croient pas au nom du Fils Unique de Dieu » nesoit pas un jugement externe, un acte de Dieu, mais vienne d’eux-mêmes. Jésus, en tant que lumière joue le rôle de révélateur de ce qu’il y a de caché dans l’être humain, caché finalement volontairement car on sait dans notre for intérieur qu’il y a une zone d’ombre qui s’y blottit… On a peur du regard de vérité qui pourrait être posé dessus.

Les réseaux sociaux en sont une illustration parfaite : on se permet de tenir des propos haineux qui reflètent notre part d’ombre car on est caché derrière un pseudo… et on se permet de regarder des sites pornographiques car on croit pouvoir en effacer les traces (ce qui d’ailleurs n’est pas possible). Résultats : ces escrocs qui pullulent sur le Net et menacent d’exposer « vos fréquentations secrètes » à vos proches si vous ne les payez pas…

D’autre part une des raisons du succès des fakenews et sites complotistes vient du fait que l’on préfère croire le pire sur nos ennemis imaginaires que le réel, car il nourrit en nous un appétit insatiable de se scandaliser du mal fait par autrui surtout si cet autrui ne nous ressemble pas. Du même coup il nous permet de nous aveugler sur le mal qui existe en nous et nous rassure sur notre appartenance par contraste à la catégorie de « gens bien et sensés »

Cependant, il y a une phrase sur laquelle je m’interroge : comment appliquer ou comprendre aujourd’hui cette déclaration de Jésus : « celui qui ne croit pas en moi … est déjà jugé » ? Surtout que certains commentaires ont permis à des prédicateurs zélés de vouer aux feux de l’enfer toute une partie de l’humanité…comme si c’était nous qui décidions…

On comprend que face au Jésus qui existait en chair et en os, il y a deux mille ans, le refus ou l’acceptation de ce qu’il disait et faisait était révélateur de ce qu’ils avaient dans le cœur…ça c’est compréhensible, mais deux mille ans après, maintenant que Jésus n’est plus présent en chair et en os, comment savoir qui le rejetterait et qui l’accepterai : bien malin celui qui pourrait répondre à la question…

(Je me suis à un moment donné posée moi-même la question : aurais- je fait partie des disciples qui suivaient Jésus si j’avais vécu à l’époque…je ne me la pose plus car je me rends compte à quel point la question est ridicule, car je ne serais pas qui je suis aujourd’hui… avec mon idiosyncrasiedu 21ème siècle … je ne penserai ni parlerai en français, entre autre, comment imaginer un moi qui ne sois pas moi ? On se crée ce genre de fantasme quand on essaie d’imaginer que pendant les époques de génocides, on aurait été des héros plutôt que des salauds … on aurait sauvé des juifs plutôt que de les livreron peut toujours rêver…les choix ne se font que dans le présent)


Mais la question reste entière de qui rejette Jésus aujourd’hui, car n’est-ce pas à travers des chrétiens qu’ils ont une chance de le connaître? Cette fameuse église, bourrée de scandales et d’hypocrisie où l’on ne sait plus où donner de la tête ? Et que rejettent les gens, le Jésus de ceux qui disent en être les représentants y en donnent une image tellement déformée qu’elle empêche de voir celle présentée dans l’évangile de Jean ? Comment peut-on être confronté à Jésus aujourd’hui comme l’ont été les juifs de son époque ?

Ce n’est pas évident du tout… à moins qu’on ne croie qu’il est ressuscité et donc encore vivant aujourd’hui . Comme toujours, avec ces déclarations rapportées par l’évangéliste Jean, on est obligé de faire le saut de la foi. Et pour ceux qui ne veulent pas le faire il y a cette citation un peu décapante de Pascal dont c’était c’était l’anniversaire des 400 ans de la naissance hier,

Il y a assez de lumière pour ceux qui ne désirent que de voir, et assez d’obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire.”

Et pour les autres qui croient, cette autre qui ne les permet pas de s’enorgueillir de leur choix :

« Pour celui qui croit, Jésus est toujours un mystère »

Hommage à Blaise Pascal

19 juin 2023, Auvergne, 2023 : région où Blaise Pascal est né il y a 400 ans,

Je ne peux pas laisser passer cette date sans le saluer, lui qui a été mon maître à penser quand j’étais en classe de terminale…et que je continue à considérer comme un génie !

À cause de mon admiration pour lui, je me suis obligée à livre ses œuvres complètes même si je ne comprenais rien à ses traités de physiques et de mathématiques… moi qui n’ai jamais brillé dans les matières scientifiques..

Par contre, j’ai lu avec un malin plaisir « Les Provinciales », ce long pamphlet contre les jésuites qui officiaient à la Cour de France et étaient des modèles d’hypocrisie. Il faut dire que j’étais particulièrement remontée contre eux à l’époque après qu’un jésuite aumônier d’une retraite à laquelle j’étais allé, avait exposé à mon grand scandale ce qu’il considérait être la mission de son ordre : atteindre les élites françaises pour influencer la politique du pays ! Donner la priorité aux riches, tout ce que Jésus n’enseignait pas…

Bref, j’ai voulu le lui faire savoir… mais comme c’était une retraite silencieuse, ce n’était pas évident de trouver un moyen de lui parler… Il a fallu attendre mon tour dans une petite salle où étaient d’autres jeunes filles qui voulaient lui demander conseil… sauf que moi, je n’y allais pas pour lui demander conseil … et qu’en plus, j’y étais avec une de mes meilleures amies qui était aussi scandalisée que moi…

Je ne crois pas que j’ai pu lui dire ce que je pensais, car on a dû chuchoter toutes les deux en attendant notre tour… et on s’est fait vertement rabrouées car on avait parlé…ce qui était interdit !

( en plus je me souviens d’une session où il nous avait accusées toutes de jeter le trouble chez les garçons avec certaines de nos comportements supposés séducteurs et qu’à cause de cela, ces pauvres garçons “pêchaient” et devaient aller se confesser et que lui entendait leur désarroi ….)
 

* * *

Revenons-en plutôt à Pascal lui qui lui mérite notre attention… et qui en cet anniversaire de sa naissance fait l’objet de nombreux articles et analyses… traité d’hérétique et exilé en son temps, le pape François vient d’écrire une lettre pour lui rendre hommage. ( un bon point de plus pour lui, mais faut dire qu’après qu’ils soient bien morts et enterrés et qu’ils ne remettent en cause plus personne, c’est facile de réhabiliter les gens)

Moi ce qui me plaît tellement chez lui, et en cela je trouve qu’il rejoint la pensée contemporaine , c’est cette contradiction, ce paradoxe qu’il voit dans l’être humain : sa grandeur et sa misère à la fois, sa capacité à une pensée profonde tout autant que sa futilité, mais aussi les limites de son raisonnement et ses faux-semblants. Voilà quelques unes de ces perles, mais il y en aurait bien d’autres…

Qu’est-ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout.”

L’homme n’est ni ange ni bête et le malheur veut que, qui veut faire l’ange fait la bête

C’est une maladie naturelle à l’homme de croire qu’il possède la vérité.

* * *

La dernière démarche de la raison est de reconnaître qu’il y a une infinité de choses qui la surpasse.

Il n’est pas certain que tout soit incertain.

* * *

Incompréhensible que Dieu soit, et incompréhensible qu’il ne soit pas. ”

Dieu. Les uns craignent de le perdre, les autres craignent de le trouver.”


Et peut-être cet aveu du croyant sincère qui comme Kierkegaard sait que la foi n’est pas une évidence et ne pas être démontrée par aucun raisonnement si brillant soit-il…

Le Christ sera toujours un mystère pour celui croit.

N.B. Pour ceux qui veulent lire le texte en entier : http://www.penseesdepascal.fr/

Les fleurs des champs

12 juin, Auvergne

les coquelicots sont revenus

alors qu’ils avaient presque

disparus,

il faut que je résiste

à l’envie de

les cueillir

sinon, ils vont

mourir

Coquelicots, bleuets, boutons d’or

fleurs des champs

la gloire du printemps

Je vous salue

Votre beauté éphémère

témoigne de la gratuité

de Celui

qui vous a

habillé

* * *

« Considérez comment croissent les lis des champs: ils ne travaillent ni ne filent; cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux. Si Dieu revêt ainsi l’herbe des champs, qui existe aujourd’hui et qui demain sera jetée au four, ne vous vêtira-t-il pas à plus forte raison, gens de peu de foi » Jésus dans l’évangile de Mathieu

En même temps, Jésus ne peut pas s’empêcher d’utiliser cette belle image, pour nous donner un sacré coup de semonce… Il n’en rate pas une !

Accepter de Le croire… ou pas

Le 5 juin, 2023 , Auvergne

Jean : 11-17

En vérité, en vérité, je te le dis, nous disons ce que nous savons, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu; et vous ne recevez pas notre témoignage.

Si vous ne croyez pas quand je vous ai parlé des choses terrestres, comment croirez-vous quand je vous parlerai des choses célestes?

Personne n’est monté au ciel, si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel.

Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l’homme soit élevé,

 afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle.

Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle.

Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.

* * *

Un texte déroutant

(Quand on lit l’évangile de Marc, on a l’impression que l’on peut suivre mieux les échanges de Jésus avec ses interlocuteurs car il nous est donné des détails sur les circonstances des rencontres qui aident à nous éclairer. Ce n’est pas le cas ici où l’on en est encore au début du ministère de Jésus (ou tout du moins au début de l’évangile) et c’est la première fois que Jésus entame un dialogue avec une personnalité qui appartient au Sanhédrin alors qu’on ne sait pas encore qu’il a été l’objet d’attaques de leur part. Il faut donc que j’abandonne toute recherche de chronologie dans cet évangile et me rappeler qu’il a été écrit à la lumière du Christ ressuscité et donc son intention n’est pas de nous faire un récit de ses faits et gestes dans l’ordre mais de nous dire et nous montrer qui il était)

En vérité, en vérité, je te le dis, nous disons ce que nous savons, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu; et vous ne recevez pas notre témoignage.

 Si vous ne croyez pas quand je vous ai parlé des choses terrestres, comment croirez-vous quand je vous parlerai des choses célestes?

Du dialogue du début, on passe au monologue où l’on ne voit pas à première vue de quoi il s’agit vraiment car Jésus ne cherche pas à répondre à une question mais à exposer une vérité, une certitude : en vérité en vérité, une manière de dire, ce que je vous dis est vrai, je vous le jure, je ne suis pas un menteur …

Il continue aussi à faire des reproches à Nicodème mais il le fait ‘au pluriel’ indiquant qu’il prend à partie non seulement Nicodème mais tout le groupe qu’il représente… Il réfute ainsi, sans le dire explicitement, les arguments qui cherchent à remettre en cause son autorité et son droit à parler et interpréter les écritures.

D’autre part on se demande ce que ce « nous » représente dans ce passage : un nous de majesté, un nous qui introduit une idée générale comme un on en français ? ( mes recherches là dessus n’ont donné que des possibilités) . Quelque soit le cas, il fustige ceux qui ne veulent pas le croire et « il témoigne de ce qu’il a vu » mais sans dire ce qu’il a vu ni de quel témoignage il s’agit... Le contexte immédiat du texte, ne nous permet pas de savoir à quoi, il se réfère car Nicodème a exprimé son incompréhension sans toutefois récusé son témoignage … Il faut penser en tous les cas qu’à ce niveau là Nicodème comprend les reproches qui lui sont faits à lui et au groupe auquel il appartient, mais on n’a pas sa réaction…

Jésus continue donc …

Personne n’est monté au ciel, si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel.

Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l’homme soit élevé,

Il y a maintenant une explication des bases de l’autorité de Jésus.. même s’il parle de lui-même à la troisième personne. Jésus décline son identité en se donnant le titre de « fils de l’homme » ( pas de fils de Dieu) , mais en affirmant qu’ il est descendu du ciel, et cette déclaration à de quoi nous laisser pantois ( en tout cas ma réaction) . Évidemment c’est une formule à laquelle nous sommes habitués avec le credo des apôtres, mais qui lui a été élaboré bien plus tard… (Mais même avec une date de rédaction tardive pour cet évangile, on ne peut pas dire qu’elle viendrait du credo qui été rédigé aux environs de 200 ans après Jésus-Christ). Ici il n’y a pas à proprement parler d’affirmation de divinité mais on en est proche ( comme dans le prologue) et il n’y a pas de réaction à cette affirmation de la part de Nicodème comme celle de blasphème qui aurait pu être le cas.. Est-ce qu’il a fait cette déclaration au moment de cette rencontre avec Nicodème où a-t-elle était faite plus tard mais citée ici… .impossible de le savoir.

 Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l’homme soit élevé,

 afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle.

En tout cas, Jésus continue à utiliser des formules cryptiques mais dont certaines sont déchiffrables pour un juif quand il fait allusion à un épisode bien connu de l’Ancien Testament du serpent et de Moïse. Comme rappel voilà l’histoire  racontée dans le livre de Nombres : les Israélites qui étaient dans le désert après leur fuite de l’Égypte où ils étaient esclaves, furent mordus par des serpents venimeux en punition pour leur attitude rebelle. Beaucoup d’entre eux en moururent… Mais après qu’ils eurent reconnu leurs fautes, Dieu permit qu’ils soient guéris de la manière suivante :

L’Éternel dit à Moïse: Fais-toi un serpent brûlant, et place-le sur une perche; quiconque aura été mordu, et le regardera, conservera la vie.

Moïse fit un serpent d’airain, et le plaça sur une perche; et quiconque avait été mordu par un serpent, et regardait le serpent d’airain, conservait la vie.

Jésus donc introduit un parallèle entre lui et cet épisode : veut-il dire que le serpent le représente dans la mesure où il est celui qui est envoyé par Dieu pour guérir et pardonner ? Et la perche sur laquelle il est mis est une préfiguration de la croix comme certains l’ont interprété ? Il est difficile pour nous de savoir après tant de siècles de commentaires ce qu’a voulu dire Jésus et ce qu’ont compris ceux qui l’entouraient à ce moment là surtout quand il n’avait pas encore été crucifié et bien entendu ce qu’a voulu dire l’évangéliste qui l’a rapporté après la crucifixion….

( l’erreur que nous faisons nous souvent, quand nous lisons des textes à portée symbolique comme les paraboles par exemple c’est de vouloir que chaque détail ou chaque mot de l’histoire utilisée ait une correspondance dans la réalité concrète. Or ce n’est pas le cas : le but de ce type de discours c’est le sens général qui doit être compris intuitivement plutôt que logiquement)

En tout cas cet épisode de l’Ancien Testament est éclairci par ce qui suit, où là Jésus fait une déclaration étonnante…

Le Dieu que Jésus connaît

On arrive à cette déclaration bien connue qui n’en est pas moins saisissante par sa clarté et par son sens, une des plus belles déclarations sur la nature de Dieu qui une fois pour toutes détruit l’image de Dieu, père fouettard…

Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle.

Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.

Si on continue à penser à cet épisode de Moïse et du serpent raconté dans la bible où Dieu punit les Israélites pour leur rébellion… Jésus semble vouloir clarifier avant tout que Dieu n’agit jamais par haine de son peuple, ni celle « du monde » mais qu’il agit par amour. Les intentions de Dieu pour l’être humain ne sont jamais ni perverses ni mauvaises comme pouvaient l’être souvent celles des autres dieux que les peuples autour d’eux révéraient.

C’est une affirmation énorme …. mais qui n’est pas nouvelle pour les juifs car on la trouve souvent dans les psaumes et les écrits des prophètes… ( ex : L’Éternel est miséricordieux et compatissant. Lent à la colère et plein de bonté. Il est bon envers tous…ps. 145 : 8 et 9) Ce qui frappe ici c’est qu’elle est exprimée sous forme de vérité universelle qui s’étend à tous les peuples et que Jésus a insisté avant sur le fait qu’il sait de quoi il parle :

« En vérité, en vérité, je te le dis, nous disons ce que nous savons [. . .]et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu; [ . . .] Personne n’est monté au ciel, si ce n’est celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel »

On peut mais encore plus on devrait donc le croire quand il affirme que Dieu aime le monde et que sa mission à lui et de le faire savoir et de le démontrer parce qu’il est « descendu du ciel ». Est-ce qu’il le dit pour se démarquer clairement de celle de Jean Baptiste qui lui a été envoyé pour juger et appeler à la repentance, comme beaucoup d’autres prophètes avant lui ? En tout cas, Jésus énonce que sa mission est celle de Sauveur avec un S majuscule plutôt que celle de prophète .

On en a envie d’en rester là et de ne pas aller plus loin tellement cette déclaration donne à penser… mais il faudra bien continuer… En tout cas, ce sera pour une prochaine fois…

* * *

Rien n’est simple dans cet évangile, rien n’est évident…et les études qui ont été faites sont tellement nombreuses et tellement empreintes de théologie qu’il est difficile de séparer ce que Jésus a voulu dire de ce que celui qui l’analyse ou même le traduit veut nous faire croire… tant de siècles nous séparent d’un texte archi commenté… car ce qui a commencé comme un simple dialogue entre Jésus et Nicodème se transforme en un discours rempli d’affirmations déroutantes de Jésus sur qui il est (comme le fait qu’il soit descendu du ciel) et sur qui est Dieu

Moi, ici ce que je veux retenir, c’est sur qui est Dieu… Même si l’ affirmation sur la bonté et l’amour de Dieu envers le monde nous est souvent répétée dans de nombreux textes du judaïsme, on a le droit d’en douter car on en a d’autres où il est surtout question de punition. Également quand on voit le spectacle de guerre, d’injustice, de cruauté qui se déploie tous les jours , on pourrait imaginer un Dieu qui a les mêmes défauts et les mêmes mauvaises intentions que l’être humain ce qui est d’ailleurs le cas dans de nombreuses mythologies. Encore pire quand les prédicateurs chrétiens qui fourmillent sur les médias renforcent l’image d’un Dieu vengeur et cruel qui se réjouirait de la souffrance des uns et des autres car ils le mériteraient bien, la déclaration de Jésus sur l’amour de Dieu pour le monde est une révélation majeure !

C’est en ce Dieu là, dans cette déclaration étonnante  d’un Être « qui a tant aimé le monde »  qu’il a envoyé son fils « non pas pour juger mais pour sauver » et que Jésus assure connaître intimement…. que je crois !

Mais ça reste bien un acte de foi!

Pour aller plus loin : Reynolds, B. E. (2007). THE TESTIMONY OF JESUS AND THE SPIRIT: THE “WE” OF JOHN 3:11 IN ITS LITERARY CONTEXT. Neotestamentica, 41(1), 157–172. http://www.jstor.org/stable/43048621

Suggit, J. N. (1980). NICODEMUS — THE TRUE JEW. Neotestamentica, 14, 90–110. http://www.jstor.org/stable/43047809

Prière: pater noster

le 6 juin, Auvergne 2023

Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel…

Ça veut dire que….

la terre importe, pas que le ciel,

qu’œuvrer pour la paix et la justice ici-bas

n’est pas en attendant que…

mais maintenant…

* * *

Ça veut dire que …

demander le bien-être des êtres qui y vivent

n’est pas optionnel

n’est pas…

une préoccupation secondaire

un ajout de dernière minute,

une note en bas de page

où l’essentiel serait relégué

à

l’après

* * *

La terre importe,

son existence n’est pas insignifiante

sa beauté n’est pas frivole

son soin n’est pas anodin

et nous qui y vivons

tout passagers que nous sommes

devons nous atteler à la tâche

pour qu’elle soit aussi belle,

que le ciel.

* * *

Que ton règne arrive

Ton règne de paix, d’harmonie, de félicité,

de beauté

Qu’il devienne réalité

sur la terre comme au ciel!

Philosophie et foi chrétienne

le 1er juin, 2023, Auvergne

Décidément, ce Benoît XVI, pape émérite décédé, unique à plus d’un titre dans l’histoire de l’église catholique, était loin d’être un imbécile …

( terme que je ne devrais pas utiliser ! Je me suis fait gronder par ma petite fille de 7 ans qui étudie à l’école en français maintenant et m’a dit que c’était un gros mot, quand je lui ai dit excédée : arrête de faire l’imbécile! )

Je viens de lire ce commentaire qu’il a fait sur un certain Justin, martyre au deuxième siècle, grand amoureux de la philosophie grecque, et tout à coup je comprends cette alliance entre la philosophie grecque et le christianisme qui a conduit à ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui le christianisme occidental et même la pensée occidentale inclus celle dite laïque…

Révélation fascinante pour moi qui a toujours voulu plaider la cause d’un christianisme débarrassé de ses racines européennes et de l’affirmation que l’on rencontre partout, du christianisme comme une religion « occidentale » alors qu’elle est née au Moyen orient et s’est développée sur le sol africain  autant que européen ( soit romain) à son origine… et qui par surcroît n’est pas du tout l’invention de Paul, comme on se plaît à le répéter dans certains cercles…

Justin relu par Benoît XVI

Bref, voilà ce que m’a révélé la lecture de ces quelques extraits de ce texte de Benoît XVI sur la pensée de Justin…pardon St Justin…après tout il était martyre..

Dans celles-ci, Justin entend illustrer avant tout le projet divin de la création et du salut qui s’accomplit en Jésus Christ, le Logos, c’est-à-dire le Verbe éternel, la raison éternelle, la Raison créatrice.

Donc ce fameux passage sur le Logos de l’évangile de Jean, n’est pas interprété comme parole créatrice mais comme « Raison créatrice » avec un R majuscule ! Intéressant !

Chaque homme, en tant que créature rationnelle, participe au Logos, porte en lui le “germe” et peut accueillir les lumières de la vérité. Ainsi, le même Logos, qui s’est révélé comme dans une figure prophétique aux juifs dans la Loi antique, s’est manifesté partiellement, comme dans des “germes de vérité”, également dans la philosophie grecque.

Alors je retrouve ici la définition de l’être humain comme « une créature rationnelle » tellement utilisée particulièrement pour mépriser, les africains qui eux soit-disant n’étaient très rationnels… Justin, selon Benoît XVI, va très loin et met la philosophie grecque sur le même plan que la révélation de l’Ancien Testament :

Et il dit que ces deux réalités, l’Ancien Testament et la philosophie grecque, sont comme les deux voies qui mènent au Christ, au Logos. Voilà pourquoi la philosophie grecque ne peut s’opposer à la vérité évangélique, et les chrétiens peuvent  y  puiser  avec  confiance, comme à un bien propre.

La compatibilité de la philosophie grecque avec le christianisme énoncée ici est fondamentale car elle a fait que l’interprétation du christianisme a emprunté les catégories de pensée de celle-ci pour se dire pendant les siècles à venir et de plus, a élevé « la raison » au statut de preuve et de moyen valide pour trouver la vérité « chrétienne » (ce que je ne savais pas, mais qui m’aide à comprendre la manière dont les dogmes ont été construits particulièrement celui de la Trinité). Il explique aussi comment la pensée juive a été reléguée au deuxième plan car elle n’était plus nécessaire pour expliquer le « mystère de la foi en Jésus Christ » ou même de son identité.

En y pensant, d’un côté je peux reconnaître que cette affirmation a favorisé l’étude et le raisonnement philosophique comme l’atteste la création des centres d’études académiques comme l’ont été les grandes universités du Moyen âge (avec toutes leurs limites bien entendu.) Dans ce sens les idées de Justin ont été une chance pour le christianisme car elles n’ont ni frustrées ni interdites les études philosophiques quand l’église a exercé son autorité sur la vie culturelle en Europe. ( Il est dommage qu’il n’y ait pas eu de grand texte similaire sur la connaissance scientifique qui ait empêché que l’église s’oppose si souvent à ses découvertes et ses déclarations)

Par contre, elle a voué aux gémonies la pensée dite « païenne » qui relevait du mythe et de la coutume, y n’y a trouvé aucune valeur de vérité la considérant comme démoniaque. Il faut dire que Justin comme d’autres ont été condamnés à mort pour refuser de sacrifier aux divinités païennes même si c’était plus un test de leur loyauté envers le pouvoir politique impérial plutôt qu’une caution de ces divinités… mais de la part de Justin, son élévation de la pensée grecque pourrait aussi venir d’une attitude qui reflétait la mentalité de l’élite romaine envers une pensée venant des peuples « barbares » considérés comme inférieurs.

« Dans l’ensemble, la figure et l’œuvre de Justin marquent le choix décidé de l’Eglise antique pour la philosophie, la raison, plutôt que pour la religion des païens. […] Ils estimaient qu’elle était une idolâtrie, au risque d’être taxés d'”impiété” et d'”athéisme » Justin en particulier, notamment dans sa première Apologie, conduisit une critique implacable à l’égard de la religion païenne et de ses mythes, qu’il considérait comme des “fausses routes” diaboliques sur le chemin de la vérité »

Voilà qui m’éclaire…

et je ne peux m’empêcher d’y voir l’attitude de mépris toujours de mise au 19ème siècle des anthropologues européens qui, quand ils sont partis à la découverte du monde, ont vu dans la pensée mythique des peuples, une absence de raison qui attestait de leur infériorité, car opposée à la pensée raisonnable. Elle m’aide à comprendre aujourd’hui encore la difficulté de l’église à discerner les chemins de vérité dans des cultures qui ne sont pas issues de la pensée européenne occidentale…

Paul versus Justin

Pourtant, Paul, ( l’apôtre) n’a pas du tout laissé entendre ni encore moins prôné ce genre de conception de la vérité chrétienne.

« Frères alors que les juifs réclament des signes miraculeux, et que les Grecs recherchent une sagesse, nous nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les nations païennes mais puissance de Dieu, sagesse de Dieu pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs, car la folie de Dieu est plus sage que les hommes. » ( 1 Corinthiens : 21-25)

Pas d’apologie ici de la raison, qu’elle soit la Raison Créatrice avec une majuscule ou pas…il faut dire aussi que le prologue à l’évangile de Jean n’avait pas été écrit non plus…

(Évidemment, le contexte était différent : le but de Justin était de défendre la religion chrétienne naissante, auprès de ceux qui y voyaient une secte dangereuse, cannibale et irrationnelle).

Mais Paul est encore plus surprenant quand il admet que les païens peuvent avoir la loi de Dieu dans leur cœur, au même titre que les juifs qui eux l’ont eu sur des tablettes

« quand les païens qui n’ont pas la loi font naturellement ce que prescrit la loi, ils sont eux qui n’ont point la loi, une loi pour eux-mêmes. Ils montrent que l’œuvre de la loi est écrite dans leurs cœurs, leur conscience en rendant témoignage et leurs pensées s’accusant ou se défendant tour à tout » Romains 2 : 12-15

Paul, montre bien qu’il n’était pas un philosophe grec comme Justin mais que sa pensée était bien judaïque… quant à Benoît XVI, il montre lui, son appartenance à la grande tradition de la philosophie et théologie européenne où les allemands se sont si souvent illustrés…

* * *

Cette lecture de Justin mais encore plus du commentaire et de l’explication si claire de Benoît XVI lève pour moi le voile sur le pourquoi et le comment, cette fameuse pensée occidentale tellement décriée par les uns et défendue avec acharnement par les autres, est devenue si prépondérante et a permis la venue du règne de la Raison qui s’est développée par la suite au détriment de la foi en Dieu. Mais en même temps elle permet aussi de montrer qu’elle n’est pas Révélation et donc essentielle et nécessaire au message de l’évangile qui est bien au-delà des catégories philosophiques et culturelles dans lequel on voudrait l’enfermer, comme le montre bien les affirmations de l’apôtre Paul.

C’est pourquoi la pensée post-moderne, relativiste etc… ( il y a beaucoup d’autres termes pour dénoter les courants actuels) qui a détrôné la Raison (créatrice ou pas) et qui a du même coup dénoncé la domination de la culture européenne dite chrétienne, n’est pas du tout un danger pour l’avenir du christianisme ( pour l’hégémonie européenne, si, mais les deux ne sont pas liés), contrairement à ce que l’on peut lire sur tous ces sites qui se lamentent et s’affolent de la perte de l’influence de la culture chrétienne( française ici) et veulent opérer un retour à une culture et une société débarrassée de tous ses apports « non européens » : on comprend tous ce que ça veut dire…

Je salue donc Paul qui affirme :

« nous nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les nations païennes mais puissance de Dieu, sagesse de Dieu pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs, car la folie de Dieu est plus sage que les hommes. »

On est tous renvoyés dos à dos par une telle déclaration…

N.B Pour aller plus loin : le texte complet de Benoît XVI sur le sujet https://levangileauquotidien.org/FR/display-saint/2d08615a-9967-4104-8f2c-23a65e43180f