Droit du sol ?

Le 17 novembre 2022, de retour en Virginie

Je résiste,

je résiste encore à être ici,

mais une fois que j’aurai franchi le pas,

je m’y sentirai chez moi.

Pourtant,

je ne sais pourquoi,

je m’y refuse encore

***

Est-ce parce-que…

Être ici veut dire renoncer à être là-bas,

fouler la terre d’un territoire déjà occupé,

marqué du sceau indélébile

de ceux qui l’ont défriché, dominé voire accaparé ?

***

Est-ce parce-que

être pleinement dans ce lieu,

voudrait dire adopter leurs dieux

et renoncer

à tout ce qui fait de moi

celle que je suis ?

***

Non,

De ça il ne saurait jamais être question,

alors de quoi ai-je peur ?

***

Mon ancre est ailleurs,

ni ici, ni là bas

mais plutôt les deux à la fois,

et cette terre elle est à moi,

autant qu’à ceux qui l’occupent,

car elle revient de droit,

à Celui qui nous l’a donnée

( ou plutôt prêtée),

***

Alors tout le reste

droit du sang, droit du sol,

droit d’occupation

n’est qu’élucubration

sans rime ni raison !

Dérèglement

le 12 novembre, 2022, banlieue de Washington, Virginie,

Déséquilibre

Mon corps est bien ici avec moi,

Je l’habite toujours,

c’est bien le même,

mais autour de moi

tout a changé

***

Déstabilisant

de se retrouver d’un moment à l’autre,

à des milliers de kilomètres

dans des paysages

qui ne se ressemblent pas,

***

Quand on quitte les uns

avant d’entrer dans cet engin volant

ils ont bien l’air solide

mais quand les portes s’ouvrent de l’autre côté,

ils ont disparu,

ils se sont volatilisés et sont devenus…

inexistants

***

Les autres, que l’on retrouve

ont des visages à la fois étranges et familiers,

et l’on doit s’efforcer à maintenir les yeux ouverts

pour remplacer les images laissées derrière

dans notre cerveau embrumé

pour voir celles de la réalité

qui se dresse devant nous.

***

Être ici en même temps que là-bas

Croire qu’on est le soir quand on est le matin

Entre-deux déséquilibrant,

Hésitation déboussolante

Des premières heures, du premier jour, de la première nuit…

***

Puis, l’absence de ceux qu’on a laissé s’émousse peu à peu

la présence de ceux qu’on retrouve envahit tout notre espace,

Finalement on est bien là où notre corps a échoué,

tête et corps maintenant réconciliés

même si l’horloge qui nous habite continue pour un temps à être déréglée…

On a enfin atterri !

Éloge de la brasserie parisienne

le 10 novembre 2022, Paris

J’ai beau dire que….

Je me sens bien à la campagne,

que j’y apprécie le calme et le silence des nuits étoilées,

des promenades autour du village,

que je me régale de la beauté des nuages

au-dessus des montagnes,

que la ville avec ses néons, ses rues grouillantes, ses sirènes assourdissantes

ne me manquent pas…

***

on a beau dire (et on a souvent raison,)

que Paris est une ville pleine de gens indifférents,

pressés, friqués, arrogants

pas aimables pour deux sous

( avec des SDF partout)

***

je dois avouer, malgré tout

qu’on a inventé rien de mieux que le café brasserie à la parisienne…

où s’alignent suspendus derrière le comptoir tout un assortiment de verres à pied

avec toujours quelqu’un en train d’en essuyer un,

un torchon à la main

tout en parlant avec un habitué du quartier

prenant un verre assis sur un tabouret,

ou à une table proche,

le journal déplié…

( il y a encore des gens qui lisent les journaux dans les cafés…mais évidemment ce sont les retraités)

***

Il n’y a rien de mieux que de pouvoir s’asseoir à la terrasse

et regarder les gens passer

toute une après-midi,

sans être dérangé par un serveur impatient,

qui vous pousse à consommer,

et le plaisir suprême,

est de pouvoir s’offrir le plat du jour,

cuisiné sur place

simple mais abondant

sans avoir à éplucher une liste longue de deux pages

et devoir choisir entre dix entrées, plats, salades ou desserts !

***

Alors oui, Paris, ses musées, ses monuments, ses parcs..

(ses boutiques aussi!)

tout cela est bien beau,

mais pour moi un simple café

pris en bonne compagnie

voilà le Paris que j’aime retrouver,

même si c’est pour le quitter

le jour qui suit,

sans savoir ni quand ni comment,

je pourrai y retourner …

Je reviendrai si…

le 4 novembre, 2022, Auvergne,

( finalement, on allume le poêle et c’est bien agréable d’avoir chaud chez soi…)

Je pars… mais je reviendrai… si Dieu me prête vie…

Une formule qui devient de plus en plus réelle avec l’âge mais quelque soit l’âge qui en tout temps, énonce une vérité plus évidente peut-être quand on s’apprête à voyager…

( l’auteur qui vient de recevoir le prix Goncourt parle dans son roman justement de toutes les circonstances qui ont précédé et ont conduit (?) à l’accident mortel en moto de son mari, il y a plus de 20 ans. «  Le prix Goncourt 2022 est attribué à Brigitte Giraud pour son roman “Vivre vite” [ …] “Vivre vite” revient sur l’enchaînement des événements qui ont conduit à la mort du compagnon de l’autrice dans un accident de moto, en 1999. https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/prix-litteraires/le-prix-goncourt-2022-est-attribue-a-brigitte-giraud-pour-son-roman-vivre-vite_5455660.html »)

L’année dernière à cette époque-ci, je ne m’attendais à que « si Dieu nous prête vie_ » soit aussi littéral, je ne savais pas avant de partir que… je ferai un tonneau sur l’autoroute et qu’on se retrouverait, à l’envers, glissant sur le toit de la voiture avec des étincelles giclant de chaque côté, que la voiture finirait par s’arrêter sur la bande d’urgence, qu’on arriverait à s’ en extraire tout seuls et qu’on en sortirai indemne, dixit le certificat médical du médecin de garde de l’hôpital où on avait été transporté d’urgence sur un brancard après les examens et radio appropriées … car on ne sait jamais, nous a-dit tout le monde…vous êtes sous le choc et c’est pour ça que vous ne sentez rien…

Alors cette fois-ci, on ne partira pas en voiture et ce n’est pas moi qui conduirais, ce seront d’autres qui auront nos destins entre les mains : on prendra le train puis l’avion, puis la voiture… bref, on a rarement des voyages qui se passent bien du début jusqu’à la fin mais on verra…

L’enchaînement des événements qui conduit à la mort dit le commentaire sur le livre

( la fameuse phrase de Pascal, « le nez de Cléopâtre, s’il eu été plus long)

C’est trop dangereux après un accident ou quelque autre événement à déplorer, de réfléchir sur les si « si je n’avais pas, si j’étais partie plus tôt ou plus tard », j’ai appris cela il y a longtemps et même si je ne peux pas m’empêcher de me livrer quelquefois à ce jeu , je sais que je dois couper court : les « si » sont un sable mouvant dans lequel on s’enfonce peu à peu et d’où il faut sortir le plus vite possible pour ne pas se laisser engloutir.

Toute les questions de la destinée avec un grand D, de la fatalité ou du hasard, des coïncidences fortuites ou préordonnées sont posées avec les accidents … et révèlent finalement ce que l’on croit ou l’on ne croit pas…

L’irrésolu est insoluble sans faire un saut dans la foi ou dans l’incroyance.

Si Dieu me prête vie donc… je reviendrai,

Sinon…qui sait ?

Dieu verra…

pas moi,

(En attendant, je goûte à cette soirée auprès du feu, à la lumière de la bougie, avec la voix éraillée de Bob Dylan en sourdine… l’atmosphère parfaite pour une veillée de prière)

Toussaint

le 1er novembre, Auvergne

Dernière belle journée ?

***

La luminosité…

Cette luminosité d’une beauté indescriptible de fin d’après-midi,

juste avant le crépuscule,

les ombres qui s’allongent

et la même douceur des jours passés

de cet automne d’une chaleur inaccoutumée

***

Personne sur les chemins autour du village,

en ce jour de Toussaint,

sont-ils tous partis fleurir les cimetières ?

Ou ont-ils profité

De cette dernière journée ensoleillée

pour se promener bien loin d’ici ?

En tout cas, pas d’effervescence à cette heure-ci

près du portail du cimetière,

pas la peine d’y entrer,

pas d’enterrement aujourd’hui

c’était à peine il y a deux jours,

qu’un ancien vivant y était enterré !

***

Je sens quand même un peu le froid

en redescendant la colline,

parait-il que la température va chuter,

ce soir, à la tombée de la nuit

***

Je ferme le volet de la porte de derrière

et me tiens sur le seuil, interdite,

le ciel est d’une beauté insoutenable,

c’est une de ces nuits où les étoiles brillent d’une leur intense,

et où que je tourne la tête,

elles sont partout ,

pas un seul pan du ciel noir

qu’elles n’illuminent de leur présence.

***

L’air est si clair et si pur

Certainement, il fera froid cette nuit,

vite, il faut refermer la porte…

***

Aujourd’hui

lundi premier novembre,

jour de la Toussaint,

L’automne est là

et l’hiver montre enfin son nez…

Le bouche à oreille

le 27/31 octobre 2022,

le bouche à oreille..

Toujours cette douceur inattendue du temps : on est presque aux portes de l’hiver et l’on vit encore un été…les tomates continuent à rougir et les roses à fleurir…même si je ne m’en plains pas…je sais que c’est inquiétant pour le reste : le manque de pluie surtout…On verra ….

Jean 1 : 39-51

André, frère de Simon Pierre, était l’un des deux qui avaient entendu les paroles de Jean, et qui avaient suivi Jésus.

Ce fut lui qui rencontra le premier son frère Simon, et il lui dit: Nous avons trouvé le Messie (ce qui signifie Christ).

Et il le conduisit vers Jésus. Jésus, l’ayant regardé, dit: Tu es Simon, fils de Jonas; tu seras appelé Céphas (ce qui signifie Pierre).

Le lendemain, Jésus voulut se rendre en Galilée, et il rencontra Philippe. Il lui dit: Suis-moi.

Philippe était de Bethsaïda, de la ville d’André et de Pierre.

Philippe rencontra Nathanaël, et lui dit: Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi et dont les prophètes ont parlé, Jésus de Nazareth, fils de Joseph.

Nathanaël lui dit: Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon? Philippe lui répondit: Viens, et vois.

Jésus, voyant venir à lui Nathanaël, dit de lui: Voici vraiment un Israélite, dans lequel il n’y a point de fraude.

D’où me connais-tu? lui dit Nathanaël. Jésus lui répondit: Avant que Philippe t’appelât, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu.

Nathanaël répondit et lui dit: Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d’Israël.

Jésus lui répondit: Parce que je t’ai dit que je t’ai vu sous le figuier, tu crois; tu verras de plus grandes choses que celles-ci.

Et il lui dit: En vérité, en vérité, vous verrez désormais le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l’homme.

Les disciples, une bande de copains ?

Je me rends compte tout d’un coup que tous ces hommes dont on nous parle étaient des jeunes….des adultes certes mais qui tournaient autour de la trentaine ( ce que je ne suis plus depuis un certain temps mais celui de l’âge du pharmacien qui m’a fait mon rappel de Covid ce matin et qui m’a semblé si jeune !)

Comment caractériser des trentenaires dont Jésus faisait partie ?

Des hommes pleins de fougue et de vigueur, se scandalisant facilement en écoutant les dernières rumeurs sur les faits ou méfaits des autorités romaines mais aussi les instances juives qui traitaient avec eux, cherchant encore à changer le monde, attendant certainement de voir se réaliser les promesses messianiques qui permettraient de renverser le pouvoir romain… prêts à apporter un coup de main au besoin…

L’effervescence politique et religieuse ne fait plus de doute maintenant dans cette Palestine du 1er siècle et les documents de la mer morte découverts dans des caves appartenant à cette secte juive qui vivait à Qmran en est un exemple : chacun scrutait les écritures pour essayer de discerner les signes du temps présent pour savoir comment vivre… se retirer dans le désert et s’organiser en communauté, préparer une révolution violente pour renverser le pouvoir, ou plutôt vivre selon des règles strictes de pureté dans un monde païen pour garder son identité religieuse intacte comme les pharisiens ? (Être juif à cette époque en Palestine, c’est un peu comme être palestinien aujourd’hui?), et bien entendu, il y avait aussi les indifférents, ceux qui avaient la tête sur le guidon et qui cherchaient à vivre le mieux possible sans se poser trop de questions…

En tout cas ce n’était pas le cas des disciples de Jean qui eux, ne devaient pas être satisfaits du statut quo et de la médiocrité pour demander un baptême de repentance, ils devaient avoir soif d’autre d’autre chose…

André, frère de Simon Pierre, était l’un des deux qui avaient entendu les paroles de Jean, et qui avaient suivi Jésus.

Ce fut lui qui rencontra le premier son frère Simon, et il lui dit: Nous avons trouvé le Messie (ce qui signifie Christ).

L’appel des disciples là est très différent de celui de l’évangile de Marc où on nous dit que c’est Jésus qui choisit ses disciples: « Comme il passait le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, frère de Simon, qui jetaient un filet dans la mer; car ils étaient pêcheurs. Jésus leur dit: Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d’homme »

Rien de tout cela ici…non seulement, ce sont les disciples qui décident de suivre Jésus mais en plus ce sont eux qui vont en chercher d’autres…On a les deux mêmes personnes nommées dans Marc mais on découvre que c’est André, ancien disciple de Jean, qui a parlé de Jésus à son frère Simon.

En fait, cet épisode donne à penser que celui de l’appel de Jésus à André et Simon des autres évangiles aurait pu être postérieur à celui de cette rencontre racontée ici. C’est parce que Jésus savait leur intérêt qu’il les a appelés et ça résout la question de comprendre comment il se fait que Simon et André aient répondus immédiatement à son appel si c’était la première fois qu’ils le voyaient.

L’épisode racontée ici rend plus plausible celle rapportée ailleurs : on n’a pas besoin de croire qu’il y avait quelque chose de magique dans le regard de Jésus pour expliquer la décision des personnes appelées à le suivre immédiatement, ni non plus en « la sainteté » innée de ces premiers disciples devenus apôtres que l’on affublera d’une belle auréole par la suite… Ils avaient eu l’occasion de se croiser avant.

l’un des deux

Cette expression semble-t-il a attiré la curiosité de beaucoup d’exégètes qui se sont demandés pour quoi l’autre n’était pas nommé et donc qui il était. La tradition pensait qu’il s’agissait de l’auteur de l’évangile, qui serait « le disciple bien-aimé » mentionné autre part dans l’évangile, mais il y en a beaucoup aujourd’hui qui remettent en cause cette interprétation…( je le signale mais franchement, moi ça ne m’intéresse pas particulièrement)

J’ai rencontré le Messie, le Christ.

Quelle affirmation ! On ne peut probablement pas comprendre tout ce que cela pouvait signifier de bonheur, d’enthousiasme, pour un juif de cette époque d’avoir rencontré « le Messie » ( le Christ est le mot grec). Ça renforce l’idée qu ‘il y avait une vraie attente dans les hommes de cette génération de voir ce moment enfin arriver.

Et il le conduisit vers Jésus. Jésus, l’ayant regardé, dit: Tu es Simon, fils de Jonas; tu seras appelé Céphas (ce qui signifie Pierre).

Jésus reprend la main en donnant là Simon le nom de Céphas qui montre bien que l’on passe des disciples de Jean à ceux de celui qui est au maintenant au centre de cet évangile. Il n’y a pas d’explication ici de pourquoi Simon a été appelé Pierre, il semble donc que les lecteurs/auditeurs du texte, ne reconnaissait pas le nom Simon et que l’auteur voulait expliquer qu’il s’agissait de Pierre qu’eux connaissaient ( bon c’est une explication mais évidemment on ne sait pas si c’est vraiment le cas !.

 Le lendemain, Jésus voulut se rendre en Galilée, et il rencontra Philippe. Il lui dit: Suis-moi.

Philippe était de Bethsaïda, de la ville d’André et de Pierre.

Le cercle s’élargit et c’est maintenant de Philippe qu’il s’agit et on retrouve l’appel plus classique du Jésus qui prend l’initiative de l’appel à le suivre mais l’auteur note bien qu’il est de la même ville qu’André et Pierre et donc qu’ils ont pu très bien lui parler d’avoir rencontré Jésus, avant cette rencontre.

 Philippe rencontra Nathanaël, et lui dit: Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi et dont les prophètes ont parlé, Jésus de Nazareth, fils de Joseph. Nathanaël lui dit: Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon? Philippe lui répondit: Viens, et vois.

De nouveau on retrouve la même situation que celle mentionnée plus haut, mais cette fois-ci, c’est Philippe qui relaie l’information à une nouvelle personne Nathanaël. Il n’est pas ici question de Messie mais de Moïse et des prophètes qui sont devenus la référence pour comprendre qui est Jésus, ce que l’on avait mentionné plus haut dans le passage appelé « prologue ».

Pour quelqu’un comme Nathanaël qui doit bien connaître les écritures, la réaction est l’incrédulité : même si Philippe veut démontrer que Jésus est celui dont Moïse et les prophètes parlent, le fait qu’il vienne de Nazareth le disqualifie.

On ne sait pas si Jésus a entendu la conversation qui met sa crédibilité en doute et dénote une certaine hostilité mais il faut noter que dans la phrase qui suit, Jésus n’appelle pas Nathanaël à le suivre…

Jésus, voyant venir à lui Nathanaël, dit de lui: Voici vraiment un Israélite, dans lequel il n’y a point de fraude.

D’où me connais-tu? lui dit Nathanaël. Jésus lui répondit: Avant que Philippe t’appelât, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu.

Nathanaël répondit et lui dit: Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d’Israël.

À un Nathanaël récalcitrant et dubitatif, Jésus fait un compliment : il reconnaît un homme au cœur droit faisant partie,(certains le disent) de la descendance des lévites mais pas l’ombre d’un reproche. Quand Nathanaël se surprend que Jésus le connaisse aussi bien, Jésus lui en donne l’explication : il l’a vu avant même que Philippe ne l’appelle, ce qui semble confirmer que Jésus a bien entendu la remarque désobligeante qu’il a dit quand Philippe l’a invité à venir le rencontrer.

La réponse de Nathanaël est enthousiaste et finit par le convaincre mais il n’utilise pas le même terme qu’André : il l’appelle fils de Dieu ( appellation que l’on a déjà rencontrée) et en ajoute un autre roi d’Israël qui en dit long sur l’attente de ce jeune Israélite…

Jésus répond à son enthousiasme en termes énigmatiques pour nous mais bien adaptés à son interlocuteur qui en comprendrait la signification :

 Jésus lui répondit: Parce que je t’ai dit que je t’ai vu sous le figuier, tu crois; tu verras de plus grandes choses que celles-ci.

Et il lui dit: En vérité, en vérité, vous verrez désormais le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l’homme.

Pour quelqu’un comme Nathanaël connaisseur de la tradition juive, cette image évoquera sans doute l’histoire de l’échelle que Jacob a vu en songe dont voici un extrait dans le livre de la Genèse.

 Il eut un songe. Et voici, une échelle était appuyée sur la terre, et son sommet touchait au ciel. Et voici, les anges de Dieu montaient et descendaient par cette échelle.

Et voici, l’Éternel se tenait au-dessus d’elle; et il dit: Je suis l’Éternel, le Dieu d’Abraham, ton père, et le Dieu d’Isaac. La terre sur laquelle tu es couché, je la donnerai à toi et à ta postérité.

Cette promesse que fait Dieu à Jacob , c’est qu’il le bénira lui et sa postérité, alors qu’il n’aurait pas dû la recevoir car il n’était pas le fils aîné mais il avait utilisé d’un subterfuge pour que son père le désigne comme héritier de la promesse de Dieu. La signification de cette allusion, est d’affirmer que lui Jésus était l’accomplissement de la promesse que Dieu avait fait à Abraham que toutes les nations seraient bénies en sa postérité. Jésus-Christ est à la fois cette postérité et l’échelle qui permet d’accéder au royaume des cieux.

Il est saisissant de voir la manière dont Jésus entre en communication avec Nathanaël, reconnaissant ses qualités et respectant ses réticences, (« positive reinforcement »dirait-on pour parler de cette pédagogie) : pas de reproches, mais pas non plus d’appel à le suivre essayant de lui forcer la main avant qu’il ne soit prêt, parlant son langage et lui donnant des gages de son identité, et puis finalement lui confiant un message que peu auraient pu comprendre. On notera aussi qu’on ne reparlera plus de ce Nathanaël dans le reste de l’évangile…mais peu importe ! Cette rencontre nous suffit !

* * *

Viens et vois

Cet évangile me surprend encore…et me rend vivant ce groupe de disciples qui suivra Jésus et qui est loin des images qu’on se fait des « apôtres » qui deviendront plus tard des statues immobiles de personnages de pierre, sans âge, sans émotions, jouissant d’une autorité que l’on n’a pas le droit de remettre en cause, tellement loin de ces jeunes enthousiastes en quête de sens…

Il donne tout à coup un visage authentique à ce que l’on appelle d’une manière un peu gênée l’évangélisation, qui n’est autre qu’un André qui raconte à son frère, Simon qu’il a trouvé le Messie, et après un Philippe qui lui dit à un Nathanaël sceptique, qu’il a rencontré le Fils de Dieu…chacun à sa manière, avec ses propres mots, et des réactions diverses.

Viens et vois,

Tout est là…

Mais où peut-on inviter aujourd’hui les gens à venir pour qu’ils voient le Christ ? Dans les églises où les liturgies sont tellement incompréhensibles à quelqu’un qui est étranger à sa culture ? Dans des lieux où les cultes sont devenus des salles de spectacle ? Et surtout quand l’église enregistre scandale après scandale tant dans les abus sexuels que les détournements de fonds, que les compromissions politiques ? avec l’état de l’église chrétienne aujourd’hui, on ne sait plus trop où donner de la tête ( ou à quel saint se vouer diraient les autres)

Pourtant, on ne peut pas taire cette invitation et garder pour soi la joie et les bienfaits de cette rencontre qui donne tout le sens à notre existence.

Viens et vois,

toi aussi…

Pour aller plus loin : (LONGENECKER, B. W. (1998). THE WILDERNESS AND REVOLUTIONARY FERMENT IN FIRST-CENTURY PALESTINE: A RESPONSE TO D.R. SCHWARTZ AND J. MARCUS. Journal for the Study of Judaism in the Persian, Hellenistic, and Roman Period, 29(3), 322–336. http://www.jstor.org/stable/24668534)

Dimanche: un jour pour se souvenir

Le 30 octobre 2022, Auvergne

Dimanche : jour où je m’oblige à ne pas penser à tout ce qui se passe de catastrophique dans le monde, et surtout pas à ces hommes forts et puissants qui triomphent en détruisant tout …

mais voilà que la lecture du jour m’y ramène par un chemin surprenant :

Seigneur, le monde entier est devant toi comme un rien sur la balance, comme la goutte de rosée matinale qui descend sur la terre.

Tous ces hommes qui semblent puissants, ils ne sont rien…

Pourtant, tu as pitié de tous les hommes, parce que tu peux tout. Tu fermes les yeux sur leurs péchés, pour qu’ils se convertissent.

Étonnante cette phrase et ce qu’elle dit : tu peux tout, effectivement , tu as tout le pouvoir sur tout ce qui se passe…mais tu attends qu’ils se convertissent…la fameuse histoire de la liberté humaine et le respect d’un Dieu qui n’oblige personne…

Tu aimes en effet tout ce qui existe, tu n’as de répulsion envers aucune de tes œuvres ; si tu avais haï quoi que ce soit, tu ne l’aurais pas créé.

C’est surtout la pensée exprimée dans la deuxième partie de cette phrase qui m’a fait sursauter et qui pourtant est une évidence

si tu avais haï quoi que ce soit, tu ne l’aurais pas créé,

Bien sûr ! Comment pourrait-on haïr sa création ? Normal que tu aimes comme nous, cette nature magnifique et que tu ne veux pas qu’elle soit détruite: les fleuves, les montagnes, le ciel étoilé, les oiseaux, les biches et les cerfs qui sortent des bois en cette saison et les feuilles rousses qui tombent des arbres ….

Tout à coup c’est tout le récit de la création qui revient avec cette phrase fétiche qui apparaît après chaque étape du développement de l’univers :

Dieu vit que cela était bon.

Et qui finit par la création de l’homme et de la femme

Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme.

Et tout à la fin, au sixième jour, qui termine par cette phrase qui ne saurait être que celle d’un artiste qui admire son œuvre enfin réalisée :

 Dieu vit tout ce qu’il avait fait et voici, cela était très bon. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le sixième jour.

* * *

On oublie… quand on regarde le monde autour de soi et que la seule chose dont on entend parler sont les guerres, les famines, le réchauffement climatique avec ses effets catastrophiques, l’arrogance des grands et leurs mensonges,…

On oublie dans ces temps que l’on dit apocalyptiques, que ce n’est pas l’être humain qui a créé l’univers avec ces milliards d’années d’existence, ce n’est pas lui qui le contrôle, et c’est encore moins un Dieu vengeur, imaginé par des esprits pervers et dévoyés,

alors, en ce dimanche,

pas besoin de faire l’autruche et de se mettre la tête dans le sable pour oublier ce qui se passe dans notre monde,

le dimanche n’est pas un jour pour oublier,

mais pour se souvenir

P.S La lecture du jour était extraite du livre de la Sagesse : 11,22-26.12,1-2.

Quand les cloches sonnent

Le 26 octobre 2022, Auvergne

Les cloches ont sonné hier en fin d’après-midi… on sait ce que ça veut dire, en ce 21ème siècle à l’heure de l’Internet, des réseaux sociaux, des drones et je ne sais quoi encore…dans le village, quand les cloches sonnent dans la petite église où l’on ne dit plus la messe le dimanche depuis belle lurette…c’est l’annonce de la mort d’un natif du village, qu’il y vive encore ou qu’il soit parti depuis longtemps…

Comme la porte de l’église était entre ouverte, je me suis glissée à l’intérieur espérant trouver quelqu’un qui puisse me renseigner… L’escalier en colimaçon qui montait était très sombre et j’ai attendu que celui qui sonnait les cloches redescende pour lui demander le nom de celui qui était décédé…

C’est votre voisin, s’est-il exclamé !

Mon voisin ?

* * *

L’après-midi était tellement chaude qu’on avait pris un café dehors avec des amis qui étaient venus déjeuner chez nous… et alors qu’on était habitué à la ronde des aide-soignants 3 fois par jour à heure fixe, il semblait en ce milieu d’après midi qu’il y avait un groupe de personnes bruyantes qui s’était réunies de l’autre côté du mur comme pour une réunion de famille… je me réjouissais à l’idée qu’ils étaient venus le voir.

Je n’ai vu que le visage angoissé de son ex derrière la vitre d’une voiture quand ils sont repartis…

Les cloches sonnent peut-être encore mais tout le monde se déplace en voiture : on n’a pas le temps de parler avec les gens qui passent…

* * *

Encore une fois, le mystère de la mort mais aussi de la vie humaine. Une vie comme une autre dans ce village où il avait grandi et où il vient de mourir. Une vie dont tout le monde connaissait les secrets et qui donnait l’impression d’être faite de bouts de ficelle plus ou moins bien raccordés entre eux, sans que l’on connaisse le fil conducteur, surtout pour moi qui ne l’avait jamais vraiment côtoyé : proche physiquement il n’existait que dans ma vision périphérique…

Toujours me revient cette ligne d’un psaume : qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui? Et le fils de l’homme, pour que tu prennes garde à lui?

Mais la suite me surprend tant elle ne semble pas caractériser l’homme qui vivait ici …

Tu l’as fait de peu inférieur à Dieu, Et tu l’as couronné de gloire et de magnificence.

Couronné de gloire et de magnificence ?

Les mots ne collent pas à cette vie cabossée,

Et non plus à tellement d’autres qui paraissent si insignifiantes

Couronné de gloire et de magnificence

Comment se fait-il qu’elles finissent par être abîmées

terminant dans la tristesse et la désespérance…

(Qu’est-ce qui nous arrive à nous les humains ? Pourquoi troquons-nous cette couronne de gloire pour un bonnet d’âne et une peau de bête, est-ce pour pouvoir hurler avec la meute ?)

* * *

Les volets sont fermés maintenant

la mort est aussi mystérieuse que la vie quoique l’on croie…

deux d’entre nous qui l’avaient frôlée avaient raconté en cet après-midi ensoleillée

ces moments où elle s’était approchée

menaçante et terrorisante

puis avait reculé…

vaincue tout à coup

par un pouvoir plus fort qu’elle

la prière ont-ils dit..

* * *

Mais tout n’est pas fini : il y a encore l’enterrement… et ce jour là la cloche sonnera encore et ce sont les vivants qui se presseront,

peu ou nombreux,

mais certainement comme toujours, bruyants

aux abords de l’église du village

qui, elle, impassible et tranquille

verra encore se presser,

avant de se recueillir un instant

des générations de tous “ces couronnés de gloire et de magnificence

qui un jour ou l’autre disparaîtront pour toujours ?

* * *

Ça, c’est difficile à croire quand même…

Pas envie de…

le 20 octobre, 2022,

Pas envie de…

Pas envie de passer ce coup de téléphone,

et d’entendre une voix automatique énoncer la liste des options,

et me rendre compte au dernier moment que je n’ai justement pas le numéro X que je dois taper…

Pas envie de répondre à ce mail vieux de presqu’un mois et avoir à rédiger même un court paragraphe pour donner les informations demandées,

Pas envie de chercher mon mot de passe pour accéder au site untel ou même de cocher la case, « mot de passe oublié » et devoir faire un nouveau parcours du combattant pour le changer…

Pas envie de trier mes papiers et de les mettre dans le bon casier pour ne pas avoir à les chercher…

Surtout pas envie de ranger !

En fait pas envie de faire

quoique ce soit

de cette liste inscrite à mon ordre du jour !

***

Par contre,

Envie de traîner et traîner

en regardant bêtement,

des sites d’informations pour relire les mêmes grands titres du jour, ou feuilleter les mêmes rubriques en ligne de choses que je n’achèterai jamais…

Envie de me laisser conduire par l’ennui et l’inachevé

papillonnant ici et là sans jamais

me poser

***

En réalité

Le drame, c’est ça

ce manque de désir

qui m’empêche de sortir

de cette léthargie qui s’étire à n’en plus finir…

***

il faudrait me secouer

pour ne pas regretter

d’avoir gâché ce temps inespéré!

***

Mais voilà impossible de m’imposer

quelque obligation que ce soit

entêtée que je suis…

Faudra -t-il attendre jusqu’à demain ?

***

Au moins ces quelques lignes

écrites à la hâte

pour me désentraver…