Mercredi 4 juin, banlieue de Washington
Graduation
Il n’y a pas rien de plus traditionnel et de plus américain qu’une cérémonie de remise de diplômes « graduation » particulièrement, celle de fin d’études secondaires, pour montrer ce qui fait de l’Amérique un pays à part; surtout qu’il touche toutes les couches de la société car la grande majorité des enfants scolarisées acquièrent ce diplôme qui a différents niveaux pour inclure le plus grand nombre d’élèves possible.
D’abord, le déroulement lui-même de la cérémonie comprend toujours ces éléments incontournables
– défilé des élèves habillés de la toge noire et du chapeau carré qui viennent prendre place à leur siège dans le grand auditorium au son de la musique de la marche triomphale de Verdi
- l’hymne national américain joué et chanté avec toute l’assemblée priée de se mettre debout ( comme au début des matchs de foot…)
- Le serment prêté au drapeau américain avec la formule consacrée, la main sur le cœur
- Les discours : ils peuvent être nombreux et variés mais au moins toujours celui d’un(e) élève choisi par le groupe qui commence par la mention obligatoire d’une adresse aux « invités d’honneur » mais inclut des tas de remerciements aux parents, aux profs et même à leurs camarades…et puis chaque intervenant allant de sa dose de félicitations aux élèves
- La remise du diplôme entre les mains de chaque élève sur le podium après l’appel de son nom
- -finalement de nouveau le défilé des étudiants qui sortent par rangées de nouveau au son de la musique de Verdi
- La déclaration officielle à la fin, de leur statut de diplômé et le positionnement du cordon de gauche à droite sur leur chapeau et comme dans les vieux films anglais qu’on nous montrait autrefois, les élèves qui le jettent dans les airs pour marquer le coup
( dans cette liste d’incontournables, je me dois de mentionner que dans les écoles et universités mennonites qui promeuvent un christianisme pacifiste, ni l’hymne américain, ni le serment fait au drapeau ne sont inclus étant donné leur message trop nationaliste et militariste; une prière ou une bénédiction sera par contre toujours prononcée)
Mais tout aussi incontournables dans ces cérémonies, sont les cris enthousiastes, les sifflements et les applaudissements de la part de la famille et des amis quand on prononce le nom de l’un des leurs…particulièrement quand il vient recevoir son diplôme sur le podium… C’est un concours à qui criera le plus fort pour manifester son soutien et son admiration envers celui ou celle qui reçoit cet important sésame…
Une fête de l’inclusion et de la diversité?
Et c’est ça qui a rendu cette cérémonie pourtant si américaine , dans cette banlieue de Washington, si particulière car elle était aussi une célébration de la diversité des cultures et de leur apport unique, car les élèves qui recevaient ce précieux sésame portaient des noms qui venaient du monde entier (et que d’ailleurs le lecteur ou la lectrice officiel avait dû pratiquer à bien prononcer pour ne pas les écorcher) et que leurs visages reflétaient…
Plus encore, les étoles dont ils s’étaient parés en plus de celle qui les identifiaient comme bons élèves , portaient quelquefois les couleurs de leur pays d’origine ou de celui de leurs parents; j’en ai reconnu quelques uns …beaucoup d’Amérique latine, quelques éthiopiens et des pays arabes mis en évidence surtout par les filles qui portaient le voile islamique sous le chapeau réglementaire
Ce qui m’a étonné le plus, ce sont les quelques élèves qui sont venus recevoir leur diplôme carrément drapés dans le drapeau de la Palestine sous les applaudissements du public…ce qui s’est fait d’ailleurs sans slogan ni revendication…ce qui était une bonne chose
(j’avais eu l’occasion d’assister à une remise de prix de ce même lycée où une des élèves juives de l’école avait reçu le prix de la paix pour ses activités de promotion du dialogue entre les peuples et les religions…j ai donc pensé à elle a ce moment là … )
Et finalement, comme il arrive souvent, c’était le public qui était le plus intéressant avec des tenues de toute sorte, même des femmes qui arboraient des costumes traditionnels; l’enthousiasme, la joie et la fierté des familles sur leur trente et un , reflétaient surtout l’histoire de migrants première génération qui voient leurs enfants réussir dans un pays où ils sont venus se réfugier et qui leur avait ouvert les portes…
(Évidemment, si j’avais assisté à une cérémonie semblable dans la région rurale de la Virginie où je m’apprête à aller, même si la cérémonie aurait été la même, avec une prière ou une bénédiction en plus, il n’y aurait probablement pas eu de Mohamed et dérivés dans la liste des noms d’élèves …et c’est le drapeau sudiste, symbole de l’ancien état esclavagiste qui aurait été brandi par certains élèves après la cérémonie comme j’ai eu l’occasion de le voir l)
Toujours est-il que, loin des Unes inquiétantes venues de ce pays ces derniers temps et des déclarations et mesures xénophobes du gouvernement actuel et de ses partisans, il existe une autre Amérique : espérons qu’elle pourra résister et qu’elle ne sera pas détruite car c’est celle-là qui en fait la grandeur…
On a envie de retourner sur la tête ce slogan de la dernière campagne électorale américaine en demandant justement que cette grandeur là qu’on est en train de détruire soit restaurée!