Le 16 octobre 2024 (Auvergne)–le 10 février 2025, la Virginie
On est maintenant en 2025, le monde a-t-il vraiment changé depuis ? Est-on dans une nouvelle ère avec l’élection du nouveau président que certains regardent comme le messie ici… au contraire de moi, qui le voit plutôt comme le faux messie des temps apocalyptiques étant donné sa capacité à aveugler bien des croyants..
C’est rassurant d’une certaine manière de retrouver Jésus avec ses disciples, et d’entendre ces paroles de vie, sur ces terres qui sont dévastées maintenant mais où heureusement, il y a un cessez-le-feu même s’il est encore fragile…
Guerre, paix, destruction, reconstruction, ces pays en ont vu des armées aller et venir. C’est peut-être aussi ça l’incarnation : Jésus est venu habiter parmi nous, pas dans un havre de paix mais au milieu de la tourmente dans une région où la paix est toujours fragile et ne tient qu’à un fil…
Jean 6 : 48-60
Moi, je suis le pain de la vie.
Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ;mais le pain qui descend du ciel est tel que celui qui en mange ne mourra pas.
Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. »
Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »
Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui.
De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »
Voilà ce que Jésus a dit, alors qu’il enseignait à la synagogue de Capharnaüm.
Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, déclarèrent : « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ?
Des propos de plus en plus inintelligibles
Moi, je suis le pain de la vie.
Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ;mais le pain qui descend du ciel est tel que celui qui en mange ne mourra pas. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. »Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »
Jésus reprend ici le langage imagé qu’il a commencé à utiliser plus haut et qui est celui de la nourriture. Il adresse directement son entourage immédiat (juif bien sûr) quand il parle de « vos pères » et fait allusion à l’histoire de la traversée du désert de ce peuple. L’idée que Jésus soit le symbole du pain vivant n’est pas véritablement choquant mais quand il dit « ma chair » il passe semble-t-il du symbole au littéral et c’est là que « les juifs » réagissent en se demandant comment interpréter ses paroles.
Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est une vraie nourriture, et mon sang est une vraie boisson.
La réponse de Jésus à leurs questions comme il arrive souvent n’en est pas une mais surtout au lieu de minimiser ce qu’il vient de dire et de l’expliquer, il insiste en développant la métaphore, utilisant des termes encore plus crus, ce qui ne fait qu’augmenter la perplexité de ses interlocuteurs et la mienne d’ailleurs! (je ne peux pas m’empêcher d’y voir des connotations anthropophages)
Ici au symbolisme de la chair, qui nous renvoyait au pain de vie, il ajoute celui de la boisson et du sang ce qui est encore plus déconcertant… le sang lui-même est symbole à la fois de la vie et de la mort, mais l’idée même de boire du sang, particulièrement celui des animaux qui devaient être complètements saignés pour pouvoir être consommés, est certainement inacceptable. Il parle là d’enfreindre un tabou majeur dans le judaïsme.
(j’ai trouvé cet article intéressant sur la symbolique du sang dans la tradition juive, com représentant à la fois la vie et la mort: https://rabbinchinsky.fr/2017/04/02/torah-paracha-tsav/)
En tout cas, la dimension spirituelle de ce qu’il dit, ne fait pas de doute car il ne parle pas de la vie ici-bas, mais il explique bien qu’il parle de la vie éternelle, ce qui n’était pas le cas pour la manne qui elle était une nourriture concrète qui a permis aux hébreux de survivre dans le désert.
S’il est donc clair qu’il ne s’agit pas d’une nourriture physique (et par conséquent qu’il ne parle pas d’un acte d’anthropophagie) les images qu’il évoque sont quelque peu surprenantes et ont de quoi faire réagir. Comment l’expliquer sans faire recours à l’élaboration de thèses plus tardives sur la ritualisation de l’eucharistie et le dogme catholique de la transsubstantiation au lieu de le laisser dans son contexte originel qui est celui du judaïsme du 1er siècle ?
Le côté provocateur de Jésus, surtout face aux scribes et aux pharisiens peut-être une piste valide car il n’hésite jamais à démonter leur suffisance par des questions pièges ( peut- on sauver une vie le jour du sabbat ?) et dans le cas présent, en partant d’un symbolisme qui leur était accessible pour en arriver à des affirmations difficilement intelligibles , serait-ce qu’il cherche à créer une telle confusion dans leur esprit qu’il les laisse incapables de répliquer ?
Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »
Maintenant, il semble s’adresser à ses disciples en reprenant le thème de sa relation avec le Père : la relation qu’il offre à ses disciples en utilisant les termes de nourriture est similaire à celle qu’il a avec son Père qui est à la source de sa vie. Et c’est dans cette communion profonde avec lui qu’eux aussi pourront recevoir le don de la vie éternelle qui vient du Père. Il explique donc d’une certaine manière comment comprendre la métaphore qu’il a utilisé.
Ça n’empêche cependant que la réaction des disciples, qui pourtant ne lui sont pas hostiles, soit la perplexité :
Voilà ce que Jésus a dit, alors qu’il enseignait à la synagogue de Capharnaüm. Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, déclarèrent : « Cette parole est rude ! Qui peut la comprendre.
On verra d’ailleurs par la suite que beaucoup de ses disciples à ce moment là décidèrent de ne plus le suivre
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Ce que j’en retiens : d’abord, les termes et les images que Jésus ( manger sa chair et boire son sang) utilise, m’ont mis mal à l’aise car je ne peux m’empêcher d’y voir une dimension anthropophage (pour ne pas dire cannibale) … Peut-être que ce malaise est dû au fait de la croyance catholique du dogme élaboré plus tard (1215) de « la transsubstantiation » à savoir que miraculeusement le pain et le vin deviennent réellement corps et sang du christ auxquels on demande au fidèle de communier (https://www.vaticannews.va/fr/eglise/news/2019-11/la-transsubstantiation-dogme-central-de-la-foi-catholique.html)
Pourtant comme il s’agit de paroles prononcées dans le contexte du judaïsme ou du christianisme primitif, on ne peut attribuer à ces paroles un sens qui ferait allusion à des pratiques rituelles d’anthropophagie. qui leur étaient totalement étrangères et de toutes façons condamnables . Mais je ne suis rendue compte que je n’étais pas la seule à avoir cette réaction et que d’autres, qui comme moi, ne peuvent s’empêcher de surimposer aux paroles de Jésus des croyances et des interprétations beaucoup plus tardives, ont eu la même inquiétude.
( À partir du 16 ème siècle, toutes sortes de mythes cannibales plus édifiants les uns que les autres ont apparu dans les récits d’explorateurs aux Amériques et en Afrique utilisés bien entendu pour montrer l’infériorité et la sauvagerie de leurs habitants. Aujourd’hui, les pratiques rituelles où la consommation de la chair et du sang d’autrui sous une forme ou sous une autre existent, continuent à fasciner beaucoup de chercheurs de sciences humaines ce qui fait qu’il existe toute une réflexion sur la question.)
Alors qu’est-ce que Jésus a voulu enseigner en utilisant des termes aussi crus ?
Certainement annoncer par anticipation, le sacrifice de sa vie dont il parlera au cours de son dernier repas. Et étonnement, pour moi, c’est la lecture du témoignage d’un des survivants de l’accident d’avion en Uruguay de ces joueurs de rugby (1972) qui avaient décidé, non sans remords de consommer la chair de leurs camarades morts pour survivre, qui a mis en relief le fait que l’offre de Jésus signifie le sacrifice complet de sa personne :
«… le jour est arrivé où nous n’avions plus rien à manger, et nous nous sommes dit que si le Christ, pendant la Cène, avait offert son corps et son sang à ses apôtres, il nous montrait le chemin en nous indiquant que nous devions faire de même[…] : C’est ce qui nous a aidés à survivre » (version française.. https://fr.wikipedia.org/wiki/Vol_Fuerza_A%C3%A9rea_Uruguaya_571)
Même si son raisonnement théologiquement parlant était discutable, concrètement parlant, la mort des uns avait pu permettre la vie des autres et la consommation de leur chair même si elle n’avait pas été offerte volontairement est ce qui les a sauvés. ( ce qu’on appelle, le cannibalisme de survie)
Bref,
Non je ne crois pas que Jésus demande à ses disciples de participer à un acte rituel d’anthropophagie, mais cette expression si crue et si choquante, exprime bien l’idée du don total de Jésus à ses disciples, non seulement celui de son esprit mais de son corps à un moment où ils ne pouvaient encore imaginer qu’il mourrait, condamné à mort et exécuté.
Le Jésus de l’évangile de Jean continue à être déconcertant et dérangeant : déconcertant dans l’affirmation de sa proximité avec le « Père » qui en fait un être « extra terrestre » dérangeant dans l’insistance de la réalité charnelle du corps et du sang qui coule dans ses veines et dans lequel il habite pleinement. On en revient à cette affirmation du début de l’évangile :
« Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous »
Incompréhensible !
NB : sur le sujet de l’anthropophagie et religion en français
https://www.persee.fr/doc/asdi_1662-4653_2016_num_11_1_1064
https://www.france-catholique.fr/Eucharistie-et-cannibalisme.html