Paradis pour les uns et pour les autres?

Le 9 août, 2024, Palomino

Je suis sortie de mon île paradisiaque…

En fait ce n’est pas vraiment une île, plutôt un îlot,

découpé et aménagé au milieu d’une nature sauvage et quelquefois hostile pour accommoder les touristes qui viennent y passer quelques jours de dépaysement dans le confort, loin de leur vie réelle..

mais aussi bien loin est cet îlot de la vie de ceux qui habitent alentour et qui les servent et pour lesquels, le lieu n’a rien d’un paradis…

L’une d’entre elle ce matin boitait alors qu’elle s’affairait à préparer le petit déjeuner des hôtes (dont moi bien sûr)…Elle s’était faite mordre par un de ces chiens errants affamés que l’on rencontre dès que l’on s’aventure en dehors du périmètre de la propriété hôtelière : elle était venue en moto et un chien qui courait derrière est arrivé à la mordre…

Une autre m’a raconté comme elle pleurait tous les soirs quand elle rentrait du travail au début car elle se sentait humiliée par la manière dont elle était traitée par les clients de l’hôtel qui la regardaient de haut et se plaignaient…

( mais plus maintenant, ça lui était devenu indifférent, elle savait sourire et dire oui monsieur ou madame, je suis désolée de m’être trompé, je le ferai certainement etc. comme le lui avait expliqué le manager qui semblait très compréhensif et avait la gentillesse de la prévenir quand il y avait des clients particulièrement difficiles… En tout cas, elle m’a assuré que dans l’hôtel d’à côté où venaient des gens beaucoup plus riches qu’ici de la alta sociedad, ils étaient vraiment beaucoup plus désagréables… )

Il y a aussi toute une armée d’hommes qui nettoient les grandes feuilles de palmier, tombées un peu partout après les orages et aussi la piscine face à la mer, car si la mer est magnifique, elle est dangereuse et il ne faut pas s’y aventurer très loin…

et pour finir, il y a les indispensables gardiens de nuit … mais selon eux, le lieu n’est pas vraiment dangereux car il est suffisamment éloigné de la ville la plus proche…

* * *

Ce qui m’a étonné c’est quand quelqu’un m’a dit (mais je n’ai pas vérifié) que 80 % des habitants de la ville maintenant, avec le boum touristiques était des étrangers , surtout des français mais aussi des italiens qui sont venus s’installer et ont ouvert des commerces et des hôtels depuis que la région est pacifiée…alors d’un côté , disait-il c’était bien car la présence des étrangers faisait qu’il y avait une forte présence de la police nationale et grâce à ça on était en sécurité…mais le côté négatif est que tout était devenu hors de prix, les denrées mais surtout le logement (le même fléau que dans bp d’autres lieux touristiques) et les salaires offerts dans l’industrie touristique n’étaient pas suffisants…même s’ils ont permis de retenir une partie de la population, leur désir est de partir dans des grandes villes où ils auront un niveau de vie meilleur.

* * *

J’ai donc quitté le périmètre sécurisé de l’hôtel et on m’avait dit qu’en longeant la plage pendant plus d’un kilomètre on pouvait trouver un chemin qui conduisait à la ville…

Au début c’était une succession de propriétés hôtelières semblables à celle où je me trouvais, c’est-a-dire pas d’immeubles, des petites cabanes en toit de feuilles de palmier réparties sur un grand terrain avec des installations en bois, qui au moins ne déteignaient pas avec le paysage… et des chaises longues installées au bord de la plage… (pour certaines il y avait un panneau sur un arbre disant, propriété privée, mais je n’en ai vu qu’une qui avait un grillage pour empêcher que l’on passe par leur terrain…)

C’est quand j’ai pris le chemin pour aller vers la ville, qu’au fur et à mesure que je m’éloignais de la mer, disparaissaient les hôtels qui promettaient un repos extatique à leurs futurs hôtes ( avec massage et expérience spirituelle garantie ) j’ai pu trouver les maisons en bois et en tôle des habitants de la région, de chaque côté d’une route en terre pleine d’ornières.. où tout le monde circulait en moto, transportant toute sorte de marchandises…( La moto ici est vraiment reine… elle s’est même faite taxi…)

Ce n’était donc plus le paradis… mais la vie difficile à la limite de la pauvreté où c’est la débrouillardise qui prime, car à défaut de véritable emploi, les gens se livrent à des dizaines de petits métiers dont certains s’exercent sur la voie publique (ventes de nourriture réparation de chaussures etc.) pour améliorer le quotidien,

Cette Colombie là, je l’ai bien connue, celle du tourisme par contre, je la découvre à peine…

* * *

la Nature à l’état sauvage,

c’est vrai qu’elle est belle quand on a le loisir de la contempler !

(les oiseaux aussi sont magnifiques ici!)

Mais la nature à l’état brut n’est pas si paradisiaque que ça … quand on doit se battre avec elle pour assurer son pain quotidien

ou tout simplement survivre…

(j’entends le tonnerre gronder au loin)

c’est probablement ce que doivent penser, en ce moment , ceux qui marchent péniblement piqués par des nuées d’ insectes dans la Guajira pour arriver à la ciudad perdida?

Je retiens mon souffle et me demande comment ils vont…

(et bien sûr, je prie)

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